Quoi de commun entre un tuyauteur et un diagnostiqueur immobilier ? Avis aux chômeurs et aux salariés tentés par une reconversion dans le Sud Alsace : les deux métiers appartiennent aux 70 dits « porteurs » détectés par la maison de l’emploi et de la formation (MEF) de Mulhouse. Une liste établie à l’issue d’une étude des quatre bassins enserrant le Manchester français.

Pour visualiser ces professions, il faut se connecter sur le site monmetierdedemain.com. Une fenêtre sur les mutations du territoire, frappé de désindustrialisation. Et un succès local depuis 2011, avec 20 000 connexions mensuelles. Outre les candidats à la mobilité, les conseillers en insertion professionnelle s’en sont saisis. « Ce sont les premiers intéressés. C’est l’outil qui leur faisait défaut pour aborder les mobilités avec leur public respectif », note Sophie Mazaeff, chargée du projet à la MEF. Car le site n’a pas seulement fait émerger des horizons. Il a pensé les chemins pour y parvenir à partir de 31 métiers jugés fragiles : 550 passerelles détaillent les compétences transférables ou à acquérir, les formations locales, les démarches…

La roadmap s’est nourrie d’études nationales, de diagnostics sectoriels, d’entretiens. Et même des bilans financiers des entreprises ! Les résultats ont été validés par les syndicats, les représentants des branches, ceux des fonds de formation. « Environ 70 % des activités du territoire ont été étudiées. Nous réactualisons régulièrement la liste des métiers et les passerelles. C’est un processus permanent », précise Sophie Mazaeff. De fait, la plate-forme n’est que la partie visible de la gestion territoriale des RH, engagée depuis 2008. Bien avant que les services de l’État n’incitent tous les territoires à engager un tel projet. Bien avant, aussi, que le Haut-Rhin ne voie son taux de chômage grimper de presque quatre points pour s’établir à 10 %.

L’antériorité de cette démarche symboliquement baptisée Transvers’Al lui vaut d’être actuellement scrutée par la DGEFP. « C’est l’exemple de gestion territoriale des RH le plus abouti que j’aie rencontré », explique Truong Giang Pham, membre de Sol et Civilisation, groupe de recherche spécialiste de l’innovation dans les territoires. Recette du succès ? L’implication de tous les acteurs – préfecture, région, Pôle emploi, partenaires sociaux, représentants de la formation… – et la « qualité de la gouvernance ». Fort de 40 « partenaires », le comité de pilotage s’est ainsi entendu, en six mois, sur 15 objectifs déclinés en actions. Le terreau était favorable, entre l’ancrage historique des corporations et la proximité de l’Allemagne et de la Suisse. « Les acteurs ont développé des habitudes de travail sur des sujets complexes », résume Giang Pham.

La conviction de la MEF, copilote, avec l’État et la région, du dispositif ? Sans analyse des mouvements d’emplois, pas de connaissance fine du marché du travail. « Envisager son évolution par le seul prisme du taux de chômage est réducteur. Il faut l’aborder à la lumière des transitions professionnelles. Car un secteur peut perdre des effectifs tout en regroupant des activités créatrices d’emplois », martèle Dominique Huard, directeur du pôle développement à Mulhouse Alsace Agglomération et ex-directeur de la MEF. Voilà comment les mouvements d’emplois sont ici devenus la grille de lecture pour anticiper les mutations et sécuriser les parcours. Le site monmetierdedemain.com en est un des outils. Il est actuellement en cours de référencement sur l’Emploi Store, la plate-forme nationale de services de Pôle emploi.