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Idées

Les syndicats (encore) en procès

Idées | Livres | publié le : 03.06.2016 | Jean Mercier

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Les syndicats (encore) en procès

Crédit photo Jean Mercier

Deux journalistes dressent un bilan sévère de l’action des syndicats. Et pointent leur déconnexion du salariat.

Le « livre noir » est un genre éditorial à succès, dont la crédibilité est souvent inversement proportionnelle à l’impact commercial. Dans le domaine social, c’est encore plus vrai, les auteurs étant suspectés de « rouler » pour telle ou telle organisation, quand ils ne sont pas accusés d’être d’affreux réactionnaires. Il serait dommage que ces préventions détournent les lecteurs de l’ouvrage d’Erwan Seznec et Rozenn Le Saint, qui va plus loin qu’une simple dénonciation des dérives du syndicalisme.

Les deux journalistes (Rozenn Le Saint collabore à Liaisons sociales magazine) y montrent que notre système de représentation des salariés encourage, à grande échelle, les confédérations à confondre la défense de leurs intérêts de « boutique » avec celle de leurs adhérents. Une première partie tente de débrouiller l’écheveau incroyablement complexe que constituent les « appareils ». Celui de la CGT y apparaît comme une sorte de royaume d’Ubu, d’autant plus superflu que les militants se font de plus en plus rares ! Construit autour de 10 questions, le chapitre sur l’argent des syndicats est rigoureux et clair, un modèle du genre. « Il n’est pas déraisonnable de penser que les syndicats français emploient près de 50 000 permanents, estiment les auteurs. Un pour 38, un chiffre démesuré ; surtout que l’essentiel du travail de revendication est assumé par quelque 430 000 délégués syndicaux ! » Un entassement de structures qui vit beaucoup plus de subventions que de cotisations. Les angles d’attaque varient mais convergent pour affirmer que le fossé ne cesse de croître entre le mouvement syndical et sa base.

La deuxième partie reprend un procès souvent fait du paritarisme. Ce n’est pas le passage le plus fort du livre. Il se concentre sur quelques excès scandaleux, comme l’insertion professionnelle des handicapés, les mutuelles étudiantes, la justice sociale, le 1 % logement. Mais laisse en partie de côté de gros « morceaux », telles l’Unedic et la Sécu. Le syndicalisme étant d’abord actif dans le public, le livre passe en revue les travers qui en découlent : armées de détachés, cogestion inefficace de l’éducation nationale, clientélisme local, « gréviculture » de la SNCF. En revanche, le traitement réservé aux syndicats dans le privé est à l’image de leur poids : presque inexistant. Et c’est dommage. À noter tout de même une analyse intéressante de la position étonnante de FO chez Airbus, sorte de syndicat maison dans un groupe à la pointe de la modernité. Et celle, non moins révélatrice, de la collusion syndicats-patronat sur la question des intermittents du spectacle.

Le Livre noir des syndicats, Erwan Seznec et Rozenn Le Saint. Éditions Robert Laffont. 380 pages, 21 euros.

Auteur

  • Jean Mercier