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Édito

Le bel exploit du couple exécutif

Édito | publié le : 03.06.2016 | Stéphane Béchaux

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Le bel exploit du couple exécutif

Crédit photo Stéphane Béchaux

Voilà trois mois, on avait dit ici même tout le mal qu’on pensait de la méthode Hollande/Valls pour réformer le Code du travail, en la qualifiant d’« opération kamikaze d’un couple à la dérive ». À l’époque, nous concluions notre propos d’une exhortation : « Puisse, au moins, ce projet ne pas tout bloquer dans un pays miné par le chômage de masse et tenté par les extrêmes. » Fameux résultat ! On ne saurait remercier trop chaleureusement le couple exécutif pour sa grande œuvre. Et son immense clairvoyance. Avec le CPE, Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient placé très haut la barre de la réforme mal ficelée. Il est à craindre que nos deux athlètes socialistes l’aient encore montée d’un cran.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne connaissons pas la fin du feuilleton. Mais on peut déjà le qualifier d’énorme gâchis. Jamais les hôtes de l’Élysée et de Matignon, au fond du trou de l’impopularité et sans majorité fiable, n’auraient dû se lancer dans un tel chantier, à un an d’une élection présidentielle quasi perdue. La responsabilité de ce joli bazar – dans une France sous état d’urgence, qui accueille l’Euro de foot – leur incombe. D’abord et avant tout.

Impossible pour autant de passer sous silence le comportement des partenaires sociaux. Ou plutôt de certains d’entre eux. Le Medef a beau jeu de dénoncer l’irresponsabilité des grévistes, il a sa part. Jamais rassasié, il souffle sur les braises en adoptant d’inutiles postures de combat qui nourrissent la colère. Mais que dire de la CGT ? Absente des secteurs que la loi El Khomri pourrait impacter– le commerce, les services à la personne, le BTP, la sous-traitance industrielle… –, elle fait monter au front ses bastions déclinants, qui n’ont pas grand-chose à craindre d’une réforme du Code du travail. Habile ? À très court terme, peut-être. Mais quand donc la centrale se décidera-t-elle à adapter son organisation, ses revendications et ses modes d’action au monde du travail d’aujourd’hui et de demain ?

Qu’on ne s’y trompe pas, ce bras de fer ne connaîtra aucun vainqueur sur la scène sociale. Sa violence, sa durée, ses excès ne peuvent que décourager ceux qui tentent, difficilement, de faire évoluer le modèle français par la concertation et l’écoute. Les syndicats, paradoxalement, avaient beaucoup à gagner de cette loi : en donnant du poids à la négociation d’entreprise, le texte leur offrait l’opportunité de se rapprocher des salariés, de leur prouver qu’ils pouvaient être utiles. Le résultat est tout autre. Déjà bien basse, leur cote d’amour va encore en pâtir, tous sigles confondus. Sur le plan politique, également, les dégâts sont majeurs. Pas seulement pour l’exécutif, définitivement plombé. Cette bataille affaiblit aussi tous les partisans du dialogue social et encourage les va-t-en-guerre. Sacrée performance, à l’approche d’une compétition élyséenne qui s’annonce musclée et ultradroitière.

Auteur

  • Stéphane Béchaux