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Faut-il mettre un frein à l’activité réduite ?

Idées | Débat | publié le : 03.05.2016 |

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Faut-il mettre un frein à l’activité réduite ?

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Le cumul emploi-chômage est en progression constante. À l’heure où se négocie la prochaine convention Unedic, les effets de cette activité réduite sur la précarité et le retour à l’emploi posent question. De même que son poids financier.

Bruno Coquet Chercheur affilié à l’OFCE, expert associé à l’Institut de l’entreprise.

Pour élever le taux d’emploi, il faut créer des emplois, mais aussi garantir qu’il est toujours préférable de travailler une seule heure que pas du tout. L’activité réduite des chômeurs non indemnisés ne fait donc pas débat. Ce qui est en cause, c’est le dispositif d’activité réduite de l’Unedic. Il est indispensable pour l’assurance chômage de rendre possible le cumul entre salaire et allocation, car si une seule heure de travail entraîne la perte totale de l’allocation, les chômeurs n’accepteront que des CDI à temps plein. Or ces contrats sont rares. Les chances de retrouver une activité complète sont d’autant plus élevées que le chômeur travaille en activité réduite longue. Et cette dernière améliore les comptes de l’assureur (moins de dépenses, plus de recettes).

Les règles de cumul, « d’activité réduite », de l’Unedic sont strictes (7 euros déduits de l’allocation pour 10 euros de salaire) mais incitent plutôt à s’installer dans ce régime qu’à accroître le nombre d’heures travaillées. Le vrai problème de l’activité réduite réside donc dans l’inversion de sa logique. L’assurance chômage peut être instrumentalisée par les entreprises qui utilisent des contrats très courts et trop peu rémunérateurs pour que les salariés puissent en vivre. L’activité réduite devient alors un complément de salaire. Cette situation ne se lit pas comme un excès d’activité réduite mais de récurrence au chômage.

L’Unedic doit donc trouver un équilibre entre l’incitation à l’activité réduite qui diminue ses coûts et la subvention implicite aux contrats courts qui les accroît. Aujourd’hui, l’incitation à créer des contrats très courts est trop forte, d’autant qu’elle va à une minorité d’entreprises et qu’elle est payée par les cotisations de la majorité des entreprises, qui offrent des contrats plus stables. La priorité est donc de taxer ces contrats courts, ce qui diminuera les activités réduites les plus courtes. Il s’agit de bonne gestion de l’assurance et d’un arbitrage entre chômage et précarité. Mais il ne faut pas en attendre de miracle. À court terme, le nombre total d’heures travaillées dans l’économie ne sera pas modifié car il n’est pas déterminé par ces règles.

Éric Aubin Négociateur CGT de la nouvelle convention d’assurance chômage.

Le diagnostic établi par les services de l’Unedic, dans le cadre de la négociation de la convention d’assurance chômage, montre que le nombre de demandeurs d’emploi ayant exercé une activité réduite (catégories B et C) a augmenté de 6 % en un an pour s’établir à 1 871 800. Alors que le déficit annuel de l’Unedic est d’environ 4 milliards d’euros, le coût de cette précarité pour l’assurance chômage est de plus de 9 milliards d’euros. Doit-on, dès lors, construire des droits à chômage prenant en compte cette précarité ou considérer que ce n’est pas à l’Unedic d’en assurer les conséquences ?

Pour la CGT, la réponse est claire. L’activité réduite doit être prise en compte par l’assurance chômage pour compléter les revenus des demandeurs d’emploi et assurer les moyens d’une vie décente en lien avec l’activité et la rémunération qu’ils percevaient avant d’être au chômage. La proposition de surcotisation des contrats courts fait entrer des recettes nouvelles mais elle vise avant tout à faire reculer la précarité et à ce que les entreprises assument les conséquences de leurs politiques d’emploi. L’idée que tente de faire passer le Medef sur la responsabilité des précaires, qui organiseraient leurs périodes de travail en fonction de leurs droits à chômage, n’est pas sérieuse. Le salarié est subordonné à son employeur : il n’est pas du tout en position de lui imposer la durée du contrat de travail qu’il souhaite. Cette manœuvre vise à reporter le débat sur le comportement des demandeurs d’emploi. Elle ne doit pas permettre aux employeurs d’échapper à leurs responsabilités. Pour la CGT, la précarité est un véritable fléau. L’activité partielle subie doit trouver une issue par un emploi à plein temps et ne saurait être l’avenir ni pour notre jeunesse ni pour les femmes, qui sont les plus concernées. C’est aussi ce message que portent les jeunes en lutte contre la loi travail. Ils ont compris que leur avenir ne peut se construire sur des bases instables et précaires. Le gouvernement et le patronat doivent les entendre en retirant le projet de loi et en engageant une vraie concertation avec tous les acteurs sociaux.

Marc Ferracci Professeur à l’université Panthéon-Assas – Cred.

L’activité réduite s’est développée de façon rapide au cours des dernières années. La question essentielle consiste à savoir si ce dispositif favorise le retour à l’emploi durable. En théorie, l’activité réduite peut avoir deux effets de sens opposés. Elle peut entraîner un phénomène d’enfermement, et inscrire certains demandeurs d’emploi dans la récurrence au chômage pendant une longue période. Mais elle peut, à l’inverse, avoir un effet de tremplin, en favorisant la rencontre avec de nouveaux employeurs auprès desquels les contrats courts seront finalement convertis en CDI. Les évaluations empiriques existantes suggèrent que l’activité réduite peut exercer un effet positif sur le retour à l’emploi stable, à condition qu’elle ne se prolonge pas trop longtemps. Une récente étude de la Dares montre un bénéfice (de l’ordre de 10 points) sur le taux de retour à l’emploi douze mois après l’entrée en activité réduite, à condition qu’elle ne se prolonge pas au-delà de six mois.

Le problème, c’est que les règles actuelles incitent justement à multiplier les emplois courts à temps plein sous le régime de l’activité réduite. Un récent rapport du Conseil d’analyse économique montre ainsi que les règles introduites dans la convention Unedic de 2014 rendent possible le cumul de l’allocation chômage et du salaire sans limite de durée. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on travaille une semaine sur deux à temps plein et qu’on gagne un revenu proche de celui que l’on obtiendrait en travaillant toutes les semaines.

Ces règles contribuent à installer des travailleurs dans une logique d’emploi instable, les entreprises pouvant également y trouver leur compte. Une récente étude de l’Unedic a ainsi montré que près de 75 % des embauches de demandeurs d’emploi en CDD étaient en réalité des réembauches chez le même employeur. Or l’expansion de l’emploi instable est préjudiciable à l’accès au logement et à la formation ainsi qu’à l’équilibre de l’assurance chômage. À ce titre, une refonte des paramètres de l’activité réduite serait souhaitable afin de rétablir l’incitation à accepter un emploi durable.

Ce qu’il faut retenir

// Les allocataires Unedic qui travaillent (dits en activité réduite) n’ont cessé d’augmenter depuis les années 1990, jusqu’à représenter un allocataire sur deux. En vingt ans, leur effectif a été multiplié par 2,6.

// La convention d’assurance chômage de 2014 a élargi la part de ceux indemnisés, en supprimant les seuils conditionnant le cumul allocation-salaire et en créant des droits rechargeables qui permettent d’allonger la période d’indemnisation.

// Enfermement dans le travail précaire ou tremplin pour sortir du chômage ? Subvention aux contrats courts et à temps partiel ou adaptation aux transformations structurelles du marché du travail ? Les effets de l’activité réduite sur le marché du travail et les demandeurs d’emploi restent sujets à débat. Chose certaine, elle pèse lourdement sur les finances du régime Unedic. Et interroge à l’heure où se négocie la convention 2016-2018.

En chiffres

1,38 million d’allocataires Unedic travaillaient chaque mois en 2015, dont 710 000 cumulaient indemnités et salaires.

21,4 % C’est la hausse du nombre d’allocataires travaillant et indemnisés en 2015, après le changement des règles introduit par la dernière convention.

Source : Unedic.