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Le big data à la rescousse des services RH

Dossier | publié le : 03.05.2016 | F. P.

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Le big data à la rescousse des services RH

Crédit photo F. P.

Déceler les potentiels, adapter les formations, limiter le turnover… Les outils numériques permettent des analyses fines des données RH. Mais le rôle du DRH reste essentiel pour en tirer profit.

Dans nombre d’entreprises, la gestion des talents s’est muée en une véritable « guerre ». Guerre contre leurs concurrentes qui recherchent les mêmes candidats – rares ! – mais aussi guerre contre elles-mêmes, incapables qu’elles sont de déceler en interne les bons profils ou de retenir les pépites. Pour faire face à ces enjeux, les services RH semblent encore assez démunis. Certes, il existe depuis plusieurs années des solutions de gestion des carrières. Mais beaucoup d’entreprises n’en sont pas encore équipées ou, lorsqu’elles le sont, les outils mis en place sont devenus obsolètes face aux nouveaux besoins.

Car le numérique, en particulier, bouleverse les univers professionnels. Quantité de métiers d’hier ont disparu ou n’existeront plus dans les dix prochaines années tandis que d’autres vont faire leur apparition. Les entreprises n’ont d’autre choix que de s’adapter à ce nouveau paradigme. Une démarche qui n’est pas sans risques : il leur faut déterminer quelles seront les compétences nécessaires à leurs projets et trouver comment embarquer leurs salariés dans ces évolutions. Les experts RH sont formels. Pour arriver au bout du processus, les employeurs doivent être en mesure d’analyser de manière plus fine et plus approfondie les données. Et pourtant, une étude internationale publiée par Deloitte en 2015 révèle que plus de 80 % des professionnels RH jugent ne pas avoir les capacités suffisantes pour analyser les données à leur disposition.

« L’objectif n’est pas forcément de chercher des clones de ceux qui occupent le même poste, pas plus que de trouver des gens qui ont des compétences précises dans un domaine. Les employeurs ont besoin d’identifier des personnes capables de s’adapter et qui ont du potentiel », assure Bénédicte de Raphélis Soissan, fondatrice et P-DG de Clustree, une start-up spécialisée dans la gestion de carrière et de recrutement. Ces processus requièrent des outils spécifiques, à même de croiser les informations : CV, entretiens d’évaluation… « L’exploitation des données permet même d’imaginer des matchings improbables pour un esprit humain. Si l’algorithme identifie que plusieurs experts en marketing digital ont auparavant été consultants en conduite du changement, il proposera ces profils qui, sinon, n’auraient jamais été retenus dans la sélection », souligne le consultant RH Jean-Christophe Anna.

Little ou small data

Mais peut-on parler de big data, notion qui sous-entend une utilisation des données internes et externes à l’entreprise et de formats très différents (tweets, vidéos, posts de blogs…) ? Cofondateur de l’éditeur Talentsoft, Alexandre Pachulski revendique une approche little ou small data. « Le big data, c’est le traitement d’une très grosse masse de données non fiables. Or, dans le cas des services RH, il s’agit avant tout de traiter les données qu’ils possèdent mais ne savent pas exploiter par manque d’outils et de formation. Car cette population, a contrario des financiers, n’a pas été sensibilisée à la gestion de la donnée. »

Les outils d’analyse disponibles sur le marché constituent donc déjà une petite révolution pour les RH. « C’est un secteur qui n’est pas encore mature. Seules 12 % des grandes entreprises en disposent car ce sont des solutions très techniques », précise Alexandre Pachulski. Mais, là encore, il faut relativiser les attentes des employeurs. Ainsi, quand La Mutuelle générale s’est équipée voilà quelques mois, ses premières ambitions étaient de mesurer le nombre de collaborateurs, la proportion d’hommes et de femmes et le turnover.

Passé la phase d’apprentissage, il devient possible de faire des corrélations plus riches. Par exemple, entre les objectifs fixés aux collaborateurs et le turnover. Capgemini a pour sa part mis en place au sein de son lab Innovation une solution permettant de mieux gérer la mobilité interne en cartographiant les compétences. Sont intégrées les qualités aussi bien techniques qu’humaines, telle la résistance au stress, les profils des collaborateurs apparaissant sous forme de nuages de mots. L’outil permet d’établir des rapprochements avec les besoins exprimés dans les descriptifs des postes à pourvoir. De quoi proposer à certains des postes que les méthodes conventionnelles ne permettent pas de suggérer.

Puissance des algorithmes

Chez Clustree, on n’hésite pas à utiliser le terme de big data. Car la solution développée par la société s’appuie sur les données à la fois internes et externes de ses clients. « Il faut d’abord rendre exploitables les informations que possèdent les entreprises », explique Bénédicte de Raphélis Soissan. Qui se dit surprise par la qualité médiocre des bases de données internes des employeurs, même au sein des grandes organisations. Des données dont la start-up ne se contente pas. « Nous avons analysé 150 millions de profils de salariés à travers le monde, des données récupérées sur des CVthèques publiques ou les réseaux sociaux. Cela nous permet d’apporter une aide à la décision qui s’appuie sur la réalité interne d’une entreprise et sur des modèles étrangers. L’outil donne des faisceaux d’indices à la fonction RH. » La solution a été déployée notamment chez Canal Plus. Auparavant, son comité de mobilité se réunissait avec les CV des salariés. Et proposait un nombre restreint de postes. Aujourd’hui, chacun peut se voir suggérer de 30 à 40 postes et parcours, pas forcément dans son domaine naturel de compétences. « Cela a permis d’améliorer la rétention des collaborateurs et de baisser les coûts de recrutement », estime-t-on chez Clustree.

Les éditeurs se servent du déploiement de leurs outils pour faire évoluer leurs algorithmes grâce aux expériences des clients. Dans quelques années, leurs logiciels seront capables d’analyser avec une extrême finesse les données externes, quels que soient leur origine et leur format. Néanmoins, le rôle du DRH restera essentiel. Pour aider à structurer les données sur lesquelles vont travailler les algorithmes. Mais aussi pour tirer le meilleur profit des résultats dans la perspective d’accompagner la stratégie des entreprises.

L’Écureuil rhônalpin montre l’exemple

La Caisse d’épargne de Rhône-Alpes (3 000 collaborateurs), s’est récemment trouvée confrontée à un problème de développement des talents, notamment pour ses hauts potentiels. Un outil en place « vieillissant » et un référentiel inadapté aux ambitions de la banque nécessitaient un changement complet. « Notre référentiel recensait 1 000 compétences et 400 emplois métiers, explique Pascal Dury, directeur du département système d’informations et pilotage RH. » Soit beaucoup trop pour évaluer les salariés. Avant de choisir une nouvelle solution, l’établissement, aidé par un cabinet de conseil, a procédé à un grand réaménagement. « Nous avons réduit le référentiel à 27 compétences sur six niveaux et 130 emplois métiers. On peut évaluer 12 à 15 compétences par collaborateur, tout le monde s’y retrouve », assure Pascal Dury. Le choix de la banque s’est alors porté sur la solution de Cornerstone pour détecter les potentiels et accompagner les collaborateurs dans leur développement. « Aujourd’hui, nous avons une vraie vision des parcours, cela permet d’ajuster les formations. Nous avons gagné en visibilité et en souplesse », poursuit le directeur. L’outil s’appuie sur les données RH de l’entreprise, que les salariés peuvent enrichir avec leurs propres expériences.

F. P.

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