Non, pas du tout. Il est apparu aux États-Unis, d’abord dans le privé dans les années 1980 puis dans le public dans les années 1990. Cela faisait partie des préconisations du new public management, qui a connu ses heures de gloire dans certains pays européens. En France, la prime à la performance a fait son entrée très tard, en 2004 pour les cadres de la fonction publique, puis en 2007 avec la prime de fonction et de résultat. À cette époque, le new public management était déjà dépassé et la plupart des autres pays revenaient dessus. Ce qui est étonnant, c’est notre retard à le mettre en place puis à l’enlever.
L’idée, c’est bien d’imiter le privé pour rendre le public plus efficace. Mais les choses sont très différentes en pratique. Dans la fonction publique, on est en moyenne à 12 % de rémunération variable. C’est très faible et produit plus d’effets pervers que positifs. Quelques centaines d’euros par an en plus pour les cadres moyens ne vont pas changer radicalement leur rapport au travail ! Dans le privé, ça dépend des métiers, mais les commerciaux peuvent toucher quasiment 100 % de rémunération variable.
Il y en a deux. Tout d’abord, l’inégalité entre les usagers. Si vous mettez en place des indicateurs de performance, vous incitez les agents à choisir l’usager qui va leur rapporter le plus. Un chercheur britannique a publié en 2010 une étude sur le monde hospitalier. Un indicateur, créé dans certains services, portait sur le nombre de malades qui guérissaient par rapport à la totalité des patients. Le chercheur a découvert que cet indicateur s’améliorait car les malades atteints de maladies trop graves étaient transférés ailleurs pour les sortir de la statistique. Second effet pervers, ces primes contribuent à la démotivation des fonctionnaires. Quand vous dites à un agent : « Si tu t’occupes bien des élèves, des justiciables, je te paie plus », c’est qu’il n’y a aucun altruisme dans sa mission. Il faut alors offrir énormément d’argent pour compenser la baisse de motivation intrinsèque.
La gestion des carrières est une piste fondamentale. Les gens sont motivés par la mobilité, les évolutions. Tout comme dans le privé, d’ailleurs. Ce qui est paradoxal, c’est justement que, dans la fonction publique, on embauche les gens avec la promesse de faire carrière pendant quarante ans. Aujourd’hui, il y a un énorme chantier à ouvrir sur la mobilité.