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Entretien avec Émery Jacquillat, P-DG de la Camif

Décodages | publié le : 03.05.2016 | Emmanuelle Souffi

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Entretien avec Émery Jacquillat, P-DG de la Camif

Crédit photo Emmanuelle Souffi

Relancer la Camif, c’était un pari un peu fou ?

J’ai toujours eu envie de monter ma boîte, c’est pour cela que j’ai fait la majeure entrepreneurs de HEC. Dans la vie d’un patron, il y a des moments où l’on prend des décisions un peu folles. Quand j’ai lancé Matelsom, personne ne vendait de lits sur Internet en France. Grâce aux grèves de 1995 – qui ont pourtant compliqué les livraisons –, j’ai pu acheter 1 000 affiches à prix cassés dans le métro et promouvoir la marque. Dans toute crise, il y a quelque chose de positif. L’attachement des clients à la Camif est unique. Une marque ne meurt jamais. Mais il fallait tout revoir et partir en mode projet. Sans le soutien de ma famille, je n’y serais pas arrivé.

Comment définiriez-vous l’ADN de la nouvelle Camif ?

La richesse d’une entreprise se mesure aux liens qu’elle crée. Entre les salariés, le territoire, les clients, les fournisseurs.

Développer une consommation responsable et une production locale, nous y croyons. La Camif se veut une entreprise triple A. Audace, attention aux autres, agilité sont les mots qui la caractérisent.

Vous avez tout changé…

Il fallait restaurer la confiance. Lors de la reprise, en 2009, 250 000 clients attendaient toujours leur livraison et les 300 fournisseurs n’y croyaient plus. La Camif et Matelsom étaient des entreprises très intégrées. Nous devions donc démontrer que la nouvelle Camif aurait un impact positif pour tous. Et nous avons réussi. Depuis 2013, nous avons plus de nouveaux acheteurs que d’anciens. Leur âge moyen est de 45 ans, contre 60 auparavant. Nous sommes aussi parvenus à être certifiés B Corp, un label qui récompense les entreprises vertueuses. Le fonds d’investissement qui nous accompagne, Citizen Capital, aussi. Cela donne de la cohérence à notre projet. Impossible de transférer notre centre d’appels à Casablanca, même si ça nous fait gagner 2 points de résultat net !

Le made in France a-t-il encore un avenir ?

C’est une idée fausse de croire qu’acheter français coûte plus cher. Entre les frais de transport et le prix à l’usage, c’est même plus rentable sur la durée. Avec la « consolocalisation », les clients savent exactement où le produit a été fabriqué, avec quels matériaux, par combien de salariés. Ils peuvent privilégier des achats locaux, ce qui divise par quatre la facture énergétique. Aujourd’hui, nous réalisons 71 % de notre chiffre d’affaires avec des produits fabriqués en France. Bien sûr, il y a un coût du travail plus élevé. Mais nous avons le modèle social qui va avec… La grande responsabilité des politiques porte sur les droits de douane, trop faibles, qui permettent à des produits polluants qui ne subissent pas les mêmes contraintes d’inonder le marché. Ceux-ci souillent notre territoire et tuent nos emplois. On devrait rétablir ces droits par équité, non par protectionnisme.

À la Camif, vous n’avez ni syndicats ni représentants du personnel…

Dans une PME, on peut ne pas avoir de représentants. On a besoin d’être directs dans la communication, que les gens se saisissent eux-mêmes des enjeux. Le dialogue social qui passe uniquement par le comité d’entreprise, c’est un échec ! Car ce dialogue, il faut l’avoir tous les jours, sur le terrain. La représentativité des syndicats est remise en cause du fait que tout le monde a accès à l’information et que le feedback doit être immédiat. Il faut moderniser le fonctionnement des relations sociales, comme la VPC l’a fait avec le Web !

Les patrons ont-ils un rôle à jouer dans cette modernisation ?

Ils doivent changer leur regard : 30 % des salariés sont activement désengagés. Réussir à les réinvestir ferait baisser de 30 % le coût du travail ! Nous, nous réalisons un sondage mensuel sur le bonheur dans l’entreprise pour mesurer les aspirations de nos collaborateurs.

Les start-up misent sur l’agilité. Faut-il assouplir le contrat de travail ?

La Camif n’embauche qu’en CDI. Plutôt que de créer un contrat unique, il faudrait lever les incertitudes en cas de rupture. Ne pas savoir quel va être le coût d’un départ est un frein à l’embauche. Si les conditions étaient claires dans le contrat de travail initial, cela permettrait de libérer des emplois. Mais quand on recrute quelqu’un, c’est pour qu’il reste le plus longtemps possible. Car il ne devient efficace qu’au bout d’un an.

Émery Jacquillat 43 ans.

1995

À 24 ans, il lance Matelsom, leader de la literie en ligne.

2009

Il rachète la Camif.

2015

Il lance le tour du made in France.

Source : Camif.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi