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Édito

La vision dépassée du projet El Khomri

Édito | publié le : 03.04.2016 | Stéphane Béchaux

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La vision dépassée du projet El Khomri

Crédit photo Stéphane Béchaux

On ne fera pas ici de pronostics sur l’avenir du très mal nommé projet de loi El Khomri. Rafistolé à Matignon, édulcoré à l’Élysée, le texte n’a pas l’assurance de survivre à l’épreuve de la rue puis aux débats parlementaires. Sur un sujet aussi technique, on avoue quand même avoir du mal à prendre au sérieux les manifestations lycéennes et étudiantes. On savait la jeunesse prompte à s’enflammer. Mais on ignorait son si profond attachement à la hiérarchie des normes, au régime actuel des astreintes et au déplafonnement des indemnités prud’homales. Il faut d’ailleurs une bonne dose de mauvaise foi – et de manipulation – pour voir dans ce projet une loi « antijeunes » !

Il serait normal, et sain, que la génération montante hurle son refus d’une société qui ne lui offre qu’un horizon bouché. Qu’elle revendique des logements abordables, un marché du travail ouvert, une meilleure distribution des richesses, une planète propre. En lieu et place, la voilà qui singe ses aînés pour réclamer des RTT, un CDI à vie, des heures sup payées 125 %, un droit à la déconnexion…

Osons dire que ce débat est d’arrière-garde. Car ce projet de loi, si remanié soit-il, est un texte du passé. Qui ne prépare en rien les mutations à l’œuvre dans le monde du travail. Non, le Code du travail n’est pas, aujourd’hui, un bouclier contre le chômage – dans un pays comptant au bas mot 5,5 millions de demandeurs d’emploi, ça se saurait ! Pas plus qu’il ne sera, demain, un booster de la création d’emplois. Tout simplement parce que cela n’est pas son rôle.

Au lieu de s’étriper sur des durées maximales ou des taux de majoration, nos ministres, parlementaires et partenaires sociaux devraient s’atteler à la seule réforme qui vaille, celle de notre système de protection sociale, totalement dépassé. Oui, notre modèle social est plombé. Mais pas par l’épaisseur ou la complexité du Code du travail, qui ne jouent qu’à la marge. Ce qui handicape le plus lourdement l’Hexagone, ce sont les modalités de financement de l’assurance maladie, des retraites, de l’assurance chômage. Le salut ? Inventer un nouveau système dans lequel les actifs soient libres de changer de statut sans crainte de perdre aucun droit.

On n’invente rien en affirmant cela : deux récents rapports – l’un signé du député socialiste Pascal Terrasse, l’autre du Conseil national du numérique – viennent de défricher le terrain. L’exécutif a beau crier partout qu’il veut réformer jusqu’au bout, faire œuvre utile, il a refusé de mettre le sujet sur la table. Et se contente de nous vanter les mérites du compte personnel d’activité. Or celui-ci ne rompt pas vraiment avec l’existant. Il offre surtout des droits à ceux qui ont derrière eux une longue vie de salarié. En CDI à temps plein, de surcroît.

Auteur

  • Stéphane Béchaux