logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Le VIE, un deal gagnant-gagnant

Dossier | publié le : 03.04.2016 |

Image

Le VIE, un deal gagnant-gagnant

Crédit photo

Plébiscité par les entreprises comme par les jeunes diplômés, le volontariat international en entreprise a le vent en poupe. Mais l’offre ne croît pas aussi vite que la demande.

Les jeunes diplômés se le refilent, comme un témoin entre sprinteurs. Pour espérer décrocher un volontariat international en entreprise (VIE), on s’informe sur le précieux sésame auprès des camarades des promotions précédentes. De leur côté, les services d’insertion professionnelle des écoles affinent leurs réseaux d’anciens. Objectif : trouver des places aux futurs volontaires, en concurrence avec les stagiaires, les alternants… « Aux étudiants qui souhaitent s’expatrier, je conseille d’abord le VIE, explique Manuelle Malot, directrice carrières et prospective à l’Edhec. Le meilleur moyen pour partir à l’étranger, dans un cadre sécurisant. »

Avec, de surcroît, une forte probabilité d’embauche à la sortie ou, à défaut, une expérience professionnelle très valorisée sur le marché du travail. Ainsi, 68 % des intéressés se voient proposer un emploi à l’issue de l’expérience et 80 % sont en poste quatre mois après, selon une enquête de Business France datant de 2014. La pratique touche de nombreux secteurs, des PME aux grands groupes français. Ces derniers utilisent chaque année des bataillons de volontaires. Banques et assureurs recrutent à tour de bras, suivis par le secteur automobile et l’industrie pharmaceutique. En 2014, BNP Paribas proposait 260 postes de VIE, un quota qu’elle renouvelle depuis deux ans dans les mêmes proportions. Selon le site de recrutement spécialisé eFinancialCareers, la Société générale en recherchait 500 en 2014. Chez Sanofi, le nombre de volontaires en mission augmente de plus de 20 % par an depuis 2013. Le groupe pharmaceutique compte actuellement près de 330 volontaires en mission.

Cette version moderne du CSNE (coopérant du service national en entreprise), instituée en 2000, fait l’unanimité. Contrairement aux stages, critiqués pour leurs possibles dérives. « Toutes les parties y gagnent, les jeunes diplômés, les entreprises et même notre pays puisque ces jeunes contribuent à valoriser l’activité économique et le savoir-faire des entreprises françaises », notait, en décembre 2015, un rapport interministériel d’évaluation des politiques portant sur l’engagement international des jeunes. En 2012, le gouvernement a décidé d’augmenter de 25 % le nombre de VIE en poste, pour atteindre les 10 000 contrats d’ici à 2017. Un objectif en passe d’être atteint : fin janvier, Business France suivait 9 010 volontaires à l’étranger, contre 7 114 il y a quatre ans. Et les pouvoirs publics aimeraient démocratiser la formule en l’élargissant à des profils de niveau bac + 2 ou bac + 3, encore trop rares. Quant aux entreprises, elles sont 7 246 à bénéficier actuellement de l’agrément nécessaire pour recruter des volontaires.

Commode et très branché

La formule est bonne pour le business. Contrairement à une expatriation classique où le package se négocie au cas par cas, le VIE permet de faire des économies substantielles sur la rémunération, la protection sociale et les à-côtés. « Sept entreprises sur dix confirment avoir généré un courant d’affaires via le VIE », explique Laurence Grelet, directrice adjointe du service VIE chez Business France. Et pour cause, l’agence a de nombreux avantages à faire valoir. En premier lieu, des candidats motivés et très bien formés. Sortis des grandes écoles, titulaires d’un master dans l’extrême majorité des cas, ils rivalisent d’aisance en langues étrangères et n’ont pas froid aux yeux.

« Pour l’un de mes anciens professeurs en RH, le VIE équivaut à de l’expatriation pour les pauvres », plaisante Juliette*, diplômée en RH, partie il y a quelques années pour un équipementier automobile au Mexique. Dans son cas, pas d’aller-retour prévu pour revenir en France ni d’aide au logement, tout au plus des cours de langues… Il n’empêche, la jeune femme y a trouvé son compte, grâce aux responsabilités qu’elle a exercées sur place. À savoir gérer l’ouverture et le développement d’une nouvelle ligne de production. Un vrai accélérateur de carrière pour celle qui est devenue, depuis, RRH France d’une entreprise internationale : « J’ai perdu quelques cheveux ! C’était stressant et exigeant, mais très formateur », confie l’intéressée.

De fait, le VIE est une formule très commode pour les entreprises qui entendent recruter leur future génération de cadres locaux. Entre 25 et 26 ans, l’âge moyen des volontaires en entreprise, on a rarement des enfants… « Il faut se lancer quand on est jeune et célibataire », affirme Alain Taïeb, P-DG de Mobilitas, une société de déménagement international et d’archivage. Chez lui, 20 VIE tournent en permanence dans son entreprise de 4 300 salariés. Une école de l’expatriation qui permet d’attraper le virus de l’international. « C’est ainsi qu’on fabrique les futurs dirigeants de filiale », assure-t-il. Autre avantage, pour Jérôme Pavillard, DRH de Razel-Bec, qui recrute ingénieurs et contrôleurs de gestion en VIE : « C’est un excellent outil de formation et de prérecrutement pour les managers sur place. »

Cap sur les PME et ETI

Mais tous les jeunes désirant partir en VIE ne trouvent pas leur bonheur pour autant, faute de places. « Aujourd’hui, les grands groupes emploient un volume stable de VIE, explique Laurence Grelet, de Business France. Le développement se situe clairement du côté des PME et des ETI, qui représentent la majorité des entreprises utilisatrices. » Encore faut-il faire connaître le dispositif et convaincre. Depuis cinq ans, l’agence peaufine donc ses services RH pour ces entreprises en intervenant notamment sur la recherche et la sélection des meilleurs profils. Il faudrait aller encore plus loin, selon certains membres du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France, un réseau de chefs d’entreprise qui prête main-forte à Business France.

Président de la commission d’appui aux PME, Alain Taïeb suggère, quant à lui, plusieurs pistes : « Il faudrait développer les VIE à temps partagé, augmenter le nombre de référents locaux pour encadrer les volontaires et ouvrir le dispositif aux entreprises françaises à l’étranger qui n’ont plus de filiale en France », suggère-t-il. L’autre limite au développement des VIE peut provenir… des pays d’accueil. Aux États-Unis, il est interdit d’embaucher un VIE à la suite de son contrat. « Depuis deux ans, les autorités sont devenues très pointilleuses sur cet aspect, constate Nathalie Risacher, responsable des opérations chez Natixis aux États-Unis et conseillère au commerce extérieur. C’est une source de frustration pour eux comme pour nous, car ils peuvent être recrutés à la concurrence. » Une situation absurde qui, selon elle, pose problème aux banques françaises. Comme à toute entreprise qui utilise le VIE pour intégrer ses juniors.

Le VIE Pro, un dispositif mort-né

Le VIE présente un défaut régulièrement pointé du doigt : il reste un programme élitiste, les entreprises privilégiant les titulaires de master. En juillet 2015, seuls 69 volontaires avaient un diplôme bac + 2, d’après un rapport interministériel rendu public en novembre dernier. Un problème connu de longue date qui a conduit les autorités et Business France à expérimenter un VIE Pro. Une formule express de six mois s’inscrivant dans le cursus des étudiants en licence, comme un stage. Avant d’être prolongée par un VIE classique. Dès 2013, quatre universités se sont associées au projet, dont l’IUT du Havre. Son directeur, Stéphane Lauwick, était emballé : ses licences en BTP, en logistique et en tourisme semblaient bien se prêter à la formule. Il a, depuis, déchanté : « Nous n’avons pu envoyer aucun étudiant en VIE », regrette-t-il. Business France a beau s’être déplacé, avoir coconstruit ce programme, rien n’y a fait : « Les entreprises veulent nos étudiants sur place. À l’étranger, elles n’envoient que des jeunes cadres capables de diriger des équipes de techniciens locaux et en qui elles ont confiance. » Le dispositif serait-il mort-né ? « Le VIE Pro existe toujours, il y a quelques cas », répond Laurence Grelet, de Business France. Mais ils sont très rares… Les seuls exemples concluants de recrutements plus diversifiés concerneraient des formations très spécialisées en aéronautique… ou en boulangerie. Et encore, ils ont abouti « hors du cadre du VIE Pro ».

* Le prénom a été modifié.