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Les préretraites maison ne sont pas mortes

À la une | publié le : 03.04.2016 | Nicolas Lagrange

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Les préretraites maison ne sont pas mortes

Crédit photo Nicolas Lagrange

Salariés, syndicats et employeurs prisent encore ces départs collectifs anticipés et grassement financés. Pour de bonnes et de mauvaises raisons.

On les croyait disparues. Depuis 2003, au nom du nécessaire allongement de la vie professionnelle, les préretraites publiques ont quasiment cessé. Seul subsiste un dispositif lié à l’amiante, qui n’a enregistré que 4 300 entrées en 2014. Mais d’autres systèmes de cessation anticipée d’activité ont pris le relais. Qu’ils soient publics, liés aux carrières longues (près de 25 % des départs en retraite) et à la pénibilité (récemment réformé), ou privés, telles les préretraites d’entreprise. Impossibles à quantifier, celles-ci restent répandues parmi les grandes entreprises et celles de taille intermédiaire, les super PME. Des préretraites maison qui servent encore et toujours d’amortisseur social et dont sont friands les employeurs hexagonaux.

Début février 2016, Sanofi annonçait ainsi 600 nouvelles suppressions de postes en France sans licenciement. La recette du géant pharmaceutique ? Un plan de départs volontaires et, surtout, des préretraites « intégralement financées » par le groupe. Idem à la Société générale, la banque souhaitant s’appuyer sur les départs anticipés pour gérer sans casse les 2 550 suppressions de postes rendues publiques ces derniers mois. « Même si elles vont à l’encontre des objectifs poursuivis par les pouvoirs publics », les préretraites d’entreprise permettent de « se séparer en douceur des seniors », « d’assurer un climat social favorable » et constituent souvent « la vitrine éthique » des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), analyse une étude du ministère du Travail d’août 2014.

Les motivations de ces « plans seniors » se révèlent davantage liées à la gestion des restructurations ou de la pénibilité qu’au rajeunissement de la pyramide des âges. Jusque-là majoritaires, les dispositifs comportant une rupture du contrat de travail sont en diminution, du fait notamment de leur taxation à hauteur de 50 %. Non taxées, les préretraites maison avec simple suspension du contrat de travail ont a contrario le vent en poupe, les salariés conservant de surcroît une partie de leurs avantages sociaux (santé-prévoyance, œuvres sociales…). Un must pour les entreprises qui en ont les moyens.

Volontaires au départ.

Ces systèmes de cessation anticipée sont défendus par les syndicats. « D’abord, les seniors demandent à partir le plus vite possible, insiste Philippe Pihet, secrétaire confédéral de FO. Ensuite, les préretraites d’entreprise sont préférables aux licenciements, à l’invalidité, au chômage ou aux minima sociaux, qui concernent près de la moitié des seniors proches de la retraite. » Régis dos Santos, président du SNB CFE-CGC (banque), y voit une alternative aux fameuses ruptures conventionnelles dont les fortes hausses sont dues « aux pressions accrues sur les seniors ». Beaucoup moins coûteuses pour l’employeur que les préretraites maison, « les ruptures conventionnelles touchent proportionnellement davantage les seniors que les autres classes d’âge et creusent le déficit de l’assurance chômage », déplore Mohammed Oussedik, responsable confédéral CGT. Mais, plutôt que de procéder à des départs au goutte-à-goutte, les préretraites d’entreprise permettent de cibler des effectifs plus importants.

On en trouve dans de multiples secteurs, avec des contours très variables. Le dispositif du groupe HanesBrands (Dim), finalisé en septembre 2015, apparaît comme l’un des plus généreux, dans un contexte de suppression d’environ 20 % des effectifs : dispense d’activité jusqu’à quatre ans et neuf mois avant de liquider sa retraite, avec 85 % du salaire net, une prime de quelques milliers d’euros et une indemnité de départ en retraite au terme du congé de fin de carrière maison. Dans un contexte similaire de restructurations, Crédit agricole CIB a mis en place en 2013 un dispositif du même acabit d’une durée maximale de deux ans, avec 85 % de la rémunération fixe et une majoration de l’indemnité de départ en retraite. Il a été reconduit jusqu’à début 2018.

Compétences rares.

« Les préretraites d’entreprise sont coûteuses mais souples, souligne Annie Jolivet, chercheuse au Centre d’études de l’emploi. Tout est à la main des employeurs, qui peuvent élaborer des dispositifs adaptés à leurs objectifs. Avec des critères collectifs et plus visibles que les ruptures conventionnelles. » En 2013, hors PSE mais dans un contexte difficile, Renault a ainsi élargi à tous les seniors son système de préretraites maison, lié jusque-là à la pénibilité. Tout salarié de 58 ans et plus peut bénéficier d’une dispense totale d’activité de trois ans maximum, rémunérée à 75 % du salaire net, à condition de pouvoir liquider sa retraite dans la foulée. « Ce dispositif très favorable a été utilisé par plus de 5 000 salariés, assure Franck Daoût, délégué syndical central CFDT. Mais son large accès a provoqué le départ de hauts cadres et d’experts très pointus, désorganisant les services concernés. »

Un biais évité par Caterpillar (engins de chantier) dans un accord similaire d’août 2014, puisque la DRH peut refuser la dispense d’activité pour des salariés aux compétences rares. Le groupe PSA, lui, a fait le choix d’un dispositif un peu plus resserré, la dispense d’activité maximale (trois ans) étant réservée aux postes pénibles ou aux salariés des sites en restructuration. Pourtant, quels que soient leurs contours et les avantages qu’elles procurent aux salariés âgés, ces préretraites maison contribuent à maintenir l’image dégradée des seniors. « Elles alimentent l’idée reçue qu’ils ont des capacités productives réduites et ne plaident pas pour des efforts de formation accrus, estime Annie Jolivet. Toutefois, le même dispositif peut traduire le maintien de vieux réflexes ou accompagner à la marge des pratiques plus vertueuses. Par exemple une politique RH centrée sur l’amélioration des conditions de travail et la prévention. » Une question d’équilibre, en quelque sorte.

Très rares retraites progressives

Passer à 60 % de son temps de travail avec 60 % de son salaire et 40 % de sa retraite, c’est ce que permet la retraite progressive (le temps partiel peut varier de 40 à 80 %). Mis en place en 1988, ce dispositif reste confidentiel, même s’il connaît un frémissement depuis l’an dernier : 3 871 personnes l’ont utilisé, un chiffre multiplié par 2,5 par rapport aux années précédentes. Explication : la retraite progressive est désormais accessible dès 60 ans et non plus à partir de l’âge légal de la cessation d’activité. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), qui gère le dispositif pour le régime général, a voulu se montrer vertueuse. Le dispositif a été adopté, en interne, par 24 salariés, soit 10 % de l’effectif senior éligible : 12 techniciens, 9 managers et 3 cadres supérieurs. « Les retours sont très positifs, assure Jérôme Friteau, DRH de la Cnav. Les salariés peuvent mieux concilier travail et vie privée, et aller au-delà de l’âge légal pour améliorer leur pension. Cela peut également être un bon moyen pour conserver plus longtemps des compétences pointues et organiser leur transmission dans le temps. » Mais le dispositif a ses faiblesses. Il n’est pas ajustable et ne fournit pas de visibilité sur la date à laquelle les bénéficiaires vont liquider leur retraite. Un biais pour les entreprises qui n’ont pas la main sur la sortie définitive du salarié des effectifs.

Auteur

  • Nicolas Lagrange