L’orthodoxie économique, telle qu’elle se conçoit aujourd’hui, est une manière de protéger les rentiers. Cette affirmation est le point de départ de la réflexion de Philippe Askenazy, un des initiateurs du mouvement des Économistes atterrés. Pour lui, les inégalités dites « primaires », avant toute redistribution des richesses, ne sont pas naturelles mais relèvent d’une « construction ». En conséquence, « plutôt que de chercher à corriger ou à réduire les inégalités devenues criantes, c’est la mécanique de répartition des richesses qu’il faut revoir ». Pour justifier ce point de vue, Askenazy revient d’abord sur les bouleversements qui, selon lui, ont creusé les inégalités dans le monde : l’effondrement du système communiste, le marché unique et la mobilité des travailleurs au sein de l’UE, l’ouverture de la Chine au commerce international. Mais le mouvement de fond responsable du gonflement des rentes est le « propriétarisme ». Propriété foncière, avec l’immobilier, et propriété de la connaissance n’ont cessé de se renforcer au bénéfice de minorités. Pour l’auteur, seule une remobilisation du monde du travail, dont il perçoit les bourgeonnements, pourra faire échec à ce retour en force de la rente. Son mot d’ordre pour une social-démocratie plus vigoureuse serait : affaiblir la carte propriété. Un programme qui, il le reconnaît, mettra du temps à se mettre en place.

Tous rentiers !, Philippe Askenazy. Éditions Odile Jacob. 222 pages, 22,90 euros.