logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Édito

L’opération kamikaze d’un couple à la dérive

Édito | publié le : 03.03.2016 | Stéphane Béchaux

Image

L’opération kamikaze d’un couple à la dérive

Crédit photo Stéphane Béchaux

Coup de maître, de poker ou de folie ? Nul ne peut dire ce qu’il adviendra du projet de loi visant à réformer le Code du travail. Mais on peut déjà affirmer qu’il va provoquer un énorme bazar. Voilà donc un couple exécutif impopulaire comme jamais qui, à quatorze mois du scrutin présidentiel, dégaine un texte qui met par terre les 35 heures, facilite les licenciements économiques et ratiboise les indemnités prud’homales. Soutenus par une majorité en ordre de bataille, François Hollande et Manuel Valls auraient déjà eu toutes les peines du monde à faire passer la pilule. Avec une gauche en lambeaux, on leur souhaite bien du courage.

Celle qui va bien s’amuser, aussi, c’est Myriam El Khomri. Il y a six mois, la ministre n’avait pas encore ouvert un Code du travail de sa vie. Et la voici aujourd’hui priée de défendre, devant l’opinion et son propre camp, un texte qui fracasse tous les grands principes chers à la gauche. Certes, l’intéressée a le droit d’apprendre vite et de se forger des convictions à tout berzingue. Mais qui peut croire qu’elle a vraiment écrit ou inspiré la moindre ligne de ce projet qui porte son nom ?

L’exécutif voudrait saborder tout chantier de réforme du droit du travail qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Pis, son opération kamikaze pourrait avoir des effets bien plus dévastateurs encore. Avec son « Moi, président », François Hollande promettait de rassembler les Français et de jouer l’apaisement. Joli résultat ! Il tombe dans les travers de son prédécesseur et ouvre la voie à tous les démagogues de gauche.

Les partisans de l’assouplissement du droit du travail ne manquaient pourtant pas d’arguments. Expliquer que la réglementation sur le temps de travail, obsolète, bride l’activité est parfaitement audible. Convaincre que l’organisation du travail doit se discuter dans les entreprises, au plus près des lieux de production, plutôt que dans des grand-messes interprofessionnelles hors-sol l’est tout autant. Mais pourquoi multiplier à ce point les provocations ? Pourquoi faire exploser tous les garde-fous, qu’ils portent sur la durée et l’amplitude du travail, les heures sup, les astreintes, les forfaits, le travail en soirée ?

L’Élysée et Matignon jouent avec le feu. Et mentent. Comment peuvent-ils affirmer que ce texte ne fait en rien reculer les droits des salariés ? Et qu’ils y gagnent en sécurité ? Le fameux compte personnel d’activité ne fait que reprendre deux outils balbutiants, et déjà créés, les comptes formation et pénibilité. Le « droit à la déconnexion », lui, est tellement creux qu’il en est ridicule. En matière de pédagogie et de transparence, on a fait mieux. Puisse, au moins, ce projet ne pas tout bloquer dans un pays miné par le chômage de masse et tenté par les extrêmes.

Auteur

  • Stéphane Béchaux