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Deux statuts, une GRH

À la une | publié le : 03.03.2016 | Éric Béal

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Deux statuts, une GRH

Crédit photo Éric Béal

Gérer des salariés du privé et des agents du public sans toucher aux statuts, c’est le pari de l’agence francilienne.

Plus de cinq ans après sa naissance, l’agence régionale de santé d’Ile-de-France est encore un ovni dans le paysage de la fonction publique. Comme toutes ses sœurs de lait dans les autres régions. Créés par la loi HPST du 21 juillet 2009, ces groupements d’intérêt public ont été constitués en réunissant les services déconcentrés du ministère de la Santé (Drass, DDASS), les anciennes institutions régionales (agences régionales de l’hospitalisation, groupements régionaux de santé publique) et une partie des services des caisses régionales d’assurance maladie. Leur mission ? Assurer un pilotage unifié de la santé en régions. Avec une singularité de taille : faire travailler ensemble des personnels issus des trois versants de la fonction publique et des salariés en contrat de travail privé qui dépendent de neuf conventions collectives différentes.

Autant dire un beau casse-tête en matière de gestion des ressources humaines pour Pascal Bernard, le DRH de l’ARS d’Ile-de-France, dont l’obsession reste de construire une culture commune à tous ces personnels. « Concrètement, cela signifie former les managers et penser leur parcours professionnel de manière identique, réfléchir à l’intégration des nouveaux, harmoniser les critères d’évolution et de promotion, mettre sur pied une organisation identique du temps de travail et des congés et utiliser les mêmes outils d’évaluation pour tout le monde », décrypte le DRH.

Choc des cultures.

Arrivé aux manettes peu de temps après la création de l’ARS, Pascal Bernard s’est tout de suite attaqué au temps de travail pour harmoniser les horaires des services ouverts au public. « On a tout mis à plat, affirme-t-il. Chaque service avait son organisation spécifique. Il nous a fallu un an de négociation avec les partenaires sociaux pour bâtir des plages horaires de travail fixes et variables ainsi que pour unifier des modalités d’organisation concrètes. » Tous les syndicats ont participé à cette grand-messe. Chacun d’entre eux ayant un représentant dans le public comme dans le privé.

À la suite de cette négociation, trois autres ont été menées à bien sur le télétravail, l’expression du droit syndical, la diversité et l’égalité hommes-femmes. « Ce dernier sujet a été le prétexte pour optimiser tous les processus RH, du recrutement à l’évolution professionnelle et à la promotion », poursuit le DRH. Résultat, un même outil soutient le déroulement des entretiens annuels et deux guides présentent les règles applicables à tous sur les promotions et le recrutement. Si les fonctionnaires, dont l’augmentation de salaire dépend de l’évolution de la grille indiciaire, peuvent bénéficier de primes, pérennes ou variables, leurs collègues à statut privé discutent hausse de rémunération en direct avec leur manager. « C’est la limite de ce que nous pouvions faire en gardant les différents statuts », note Pascal Bernard.

Pour le DRH, si la disparité des statuts n’a pas disparu, elle a été largement dépassée par les règles communes de fonctionnement. Pour preuve, la diminution drastique du turnover, tombé de 25 % en 2010 à 9 % l’an dernier. « On n’a pas tout réglé, mais on a rapproché la gestion des ressources humaines autant que faire se peut, en dépit des différences de statut. » Un satisfecit qui n’est pas totalement partagé par les responsables syndicaux. « Les accords ont permis des améliorations et des avancées, concède Anne Hygonnet, déléguée syndicale CFDT. Mais les inégalités salariales entre le public et le privé se sont creusées et le turnover est toujours important. » De son côté, Olivier Miffred, le secrétaire régional de la CGT Fonction publique, relève que « l’application des accords laisse à désirer sur le terrain. Et le ministère de la Santé a encore la main sur les nominations et la gestion des carrières ».

Les deux syndicalistes estiment que le choc des cultures a été beaucoup plus important sur le terrain que ce qu’imaginent leurs instances dirigeantes. « Les séminaires managériaux n’ont que peu d’effet. Les hauts cadres sont issus du privé pendant que les managers intermédiaires viennent majoritairement de la fonction publique. Pour le moment, ça ne prend pas », assure Olivier Miffred. « Les réorganisations sont permanentes. Le nombre de salariés touchés par des troubles psychosociaux a fortement augmenté », ajoute Anne Hygonnet. Impassible face aux critiques, Pascal Bernard continue son travail de fourmi pour construire une « maison commune ». La prochaine étape sera d’obtenir le Label Diversité.

Auteur

  • Éric Béal