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Derrière la restructuration, une révolution RH

À la une | publié le : 03.03.2016 | Éric Béal

Le préfet du 93 profite de la réorganisation pour transformer la gestion des carrières.

Les réunions d’information se suivent dans le « blockhaus » noir de la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny. Et l’effervescence est identique à la sous-préfecture du Raincy. Depuis la présentation par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, du plan préfectures nouvelle génération (PPNG), en juin, le secrétaire général de la préfecture, Hugues Besancenot, organise des rencontres trimestrielles avec les agents. Les syndicats, eux, multiplient les réunions d’information et les tracts pour tenir leurs collègues au courant de l’avancée du projet. Normal, car le chantier va sacrément bouleverser les habitudes.

En 2017, les services d’accueil du public, chargés d’instruire les dossiers et de délivrer permis de conduire, cartes grises ou cartes d’identité, seront fermés dans toutes les préfectures. Et remplacés par des « plates-formes » à distance, que les usagés devront contacter par Internet. En Seine-Saint-Denis, 116 agents verront leur poste supprimé. « L’annonce a fragilisé les agents de catégorie C. Certains ont passé vingt ans à travailler dans ce service. Ils connaissent la réglementation sur le bout du doigt mais sont inquiets pour leur avenir », note Philippe Bourguignon, représentant CGT. « Combien de missions régaliennes de l’État vont encore être dépecées ? », « Qu’allons-nous, tous autant que nous sommes, devenir ? » interroge un tract de FO.

Questionnaire Touffu.

L’objectif avancé par le ministre de l’Intérieur est « d’inscrire les préfectures dans l’avenir des territoires, en repensant les missions, en mobilisant les nouvelles technologies et en organisant la requalification des parcours de carrière des agents ». Ce dernier point est pris au pied de la lettre par Philippe Galli, le préfet de Seine-Saint-Denis. « Il nous a demandé une cartographie des 700 agents de la préfecture. On connaît leur carrière, mais beaucoup moins les compétences développées depuis leur entrée en fonction », indique Sélim Uckum, chef du bureau des RH. Tous les agents ont reçu une invitation à remplir un questionnaire électronique touffu.

Le DRH s’est appuyé sur les premières réponses pour lancer les entretiens de « mobilité-carrière » destinés à ceux dont les postes seront supprimés, mais il voit plus loin. « Les réponses vont permettre de construire un outil pour aider à la réflexion de chacun sur sa carrière. » Une ambition non dénuée d’intérêt selon Sylvie Contamin, secrétaire nationale de la FSU Intérieur : « La création d’un corps interministériel pour les administratifs a ouvert des perspectives d’évolution. Les agents n’ont plus l’obligation de demander un détachement pour passer de la préfecture au ministère ou à un commissariat. Mais la situation est très différente pour les métiers plus techniques, chauffeurs, ouvriers, techniciens », relève-t-elle.

Daniel Lafon, de la CFDT, veut croire que le volet social sera bien géré. « Le secrétaire général a précisé qu’il n’y aurait pas d’affectation ni de mobilité forcées. De toute façon, nous n’avons pas le choix. Il y aura des postes à pourvoir dans les plates-formes et certains services seront renforcés, comme l’accueil des étrangers, la lutte contre la fraude documentaire ou le contrôle de la légalité. Il faudra que les collègues postulent. » Un plan de requalification doit voir le jour, avec un budget formation et des promotions. « Nous essayons d’adopter une logique RH pour mieux prendre en compte les désirs d’évolution des agents », insiste Sélim Uckum.

Une évolution qui n’est pas incompatible, à ses yeux, avec le maintien du statut. À terme, espère le DRH, les informations récoltées devraient améliorer la gestion de carrière de l’ensemble des agents du département. En attendant, les questions demeurent. « On nous promet de l’e-learning. La perspective fait peur aux moins diplômés. Que deviendront ceux qui n’y arrivent pas ? » s’interroge Kabira Raouak, déléguée FO. Une réaction que comprend François Thos, secrétaire national de la Fédération Interco CFDT. « De nombreux services d’État sont à flux tendu et tenus d’obéir à des indicateurs chiffrés. Dans ces conditions, le nouveau discours RH est difficilement assimilable par le personnel. » À Bobigny, l’amélioration de la gestion des carrières est encore invisible sous la restructuration annoncée.

Auteur

  • Éric Béal