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Idées

Il était une fois les baby-boomers

Idées | Livres | publié le : 03.02.2016 | Jean Mercier

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Il était une fois les baby-boomers

Crédit photo Jean Mercier

L’évolution de la génération de l’après-guerre, qui tient encore les rênes, nous éclaire sur l’état de la société.

Nous vivons en ce moment le plus grand événement, sur le plan sociétal, de l’après-guerre : l’effacement de la génération des baby-boomers. L’historien Jean-François Sirinelli souligne que cette génération si puissante par le nombre est aussi la seule sur laquelle se sont penchées quatre fées, qu’il appelle les « 4P »: la paix, la prospérité, le plein-emploi et le progrès. Autre singularité des baby-boomers, ils ont vécu plusieurs vies : ils ont été les jeunes gens des années 1960 qui ont tourné la page de l’ancien monde ; dans les années 1970-1980, ils ont été les acteurs d’une forme de « mutacrise », alliage inédit d’un changement sociétal profond et du début d’une crise du modèle économique occidental ; à partir des années 1990, ces quadragénaires sont aux postes de commandes mais déjà déconnectés du monde en devenir, ce qui débouche sur la double crise, des valeurs et du système économique, que nous connaissons aujourd’hui.

Cette génération qui s’accroche au pouvoir est arrivée à la conscience politique dans une France qui était encore une France des « métallos ». Au début des années 1960, les ouvriers représentent presque 40 % de la population active contre 30 % en 1946. Le corpus idéologique de la gauche et du mouvement syndical est alors pleinement connecté à sa « base ». Mais dans les vingt années qui suivent Mai 68, les baby-boomers vont traverser un long « entre-deux-France », mutation qui s’inscrit dans celle de l’Occident contemporain.

Les Trente Glorieuses touchent à leur fin avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Cette année est aussi celle de « l’effet Soljenitsyne », premier coup de boutoir porté contre l’idéologie communiste, amorçant une recomposition de la gauche, que la victoire de François Mitterrand en 1981 masquera un temps avant de l’accélérer. C’est dans ce bouillonnement de désenchantement et de mutation que se façonnera le fameux phénomène des « bobos ». Jean-François Sirinelli y voit une forme de « syndrome Peter Pan ».

Le professeur de Sciences po prend l’allégorie de Johnny Hallyday pour le montrer. La formidable longévité de l’idole des jeunes des années 1960 cache le fait qu’il reste, « y compris dans son succès vespéral, l’homme d’une seule génération ». L’icône Johnny est le reflet de la dissociation qui s’est opérée entre les baby-boomers qui occupent encore beaucoup des meilleures places et les classes d’âge montantes en quête de nouveaux repères. Deux mondes qui s’ignorent. Une analyse historique très éclairante pour comprendre le désarroi de la société française.

Génération sans pareille. Les baby-boomers de 1945 à nos jours, Jean-François Sirinelli. Éditions Tallandier. 280 pages, 20,50 euros.

Auteur

  • Jean Mercier