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Rachel Saada : obligation de sécurité : voir le verre à moitié plein

Idées | juridique | publié le : 03.01.2016 | Rachel Saada Avocate au barreau de Paris

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Rachel Saada : obligation de sécurité : voir le verre à moitié plein

Crédit photo Rachel Saada Avocate au barreau de Paris

Le 25 novembre 2015, dans un arrêt Air France, la chambre sociale de la Cour de cassation semble modifier la vigueur de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur. Ce qui provoque des réactions contrastées. Certains y voient un revirement, d’autres un assouplissement, d’autres encore un éclaircissement. Qu’en est-il en fait ? Pour répondre, un petit flash-back est nécessaire : en 2002, la Cour de cassation inaugure la notion d’obligation de sécurité de résultat dans le cadre des contentieux liés à la catastrophe sanitaire de l’amiante. Elle ouvre ainsi la porte à l’effectivité du recours en reconnaissance de la faute inexcusable. Le droit du travail se nourrit de ce progrès incontestable. Au cours des douze dernières années, la notion est déclinée sur nombre de sujets, du tabagisme passif aux risques psychosociaux en passant par le harcèlement moral.

La chambre sociale a-t-elle cédé aux lamentations des directions d’entreprise ?

Ce discours victimaire n’a pourtant aucun fondement ! Il est faux de dire que les condamnations pleuvent : le contentieux prud’homal diminue depuis plusieurs années. Pendant trop longtemps les entreprises ont bénéficié d’une impunité de fait quant aux atteintes à la santé, qu’il s’agisse du contentieux de la faute inexcusable, quasi impossible jusqu’en 2002, ou de celui prud’homal autour des questions de santé, inexistant jusqu’au début du xxie siècle.

Dire que la décision du 25 novembre revient sur l’obligation de sécurité de résultat est malaisé pour l’instant ; le visa des articles reste le même et le régime probatoire ne change pas : en matière de santé et de sécurité, c’est sur l’employeur que reposent la charge et le risque de la preuve. Mais cette décision porte en elle un danger, celui de voir disparaître le régime de la responsabilité sans faute inauguré en 2006.

Loin d’être injuste, ce régime est partagé par bien des acteurs de la société et prévaut en matière de transport, de responsabilité médicale et hospitalière, de service public et même dans le cadre de la responsabilité civile de chacun d’entre nous. Alors les employeurs seraient-ils les seuls à être exonérés d’une responsabilité qui leur incombe pourtant ? En ne laissant pas le temps à la jurisprudence de 2002 de s’installer dans les mentalités, les magistrats prennent un vrai risque pour la santé des salariés.

Auteur

  • Rachel Saada Avocate au barreau de Paris