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L’Italie mise sur l’accueil à taille humaine

À la une | publié le : 03.01.2016 | Anne Le Nir

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L’Italie mise sur l’accueil à taille humaine

Crédit photo Anne Le Nir

Rome investit dans la formation pour favoriser l’insertion durable. Et éviter les risques de radicalisation.

Fonctionnaire à la retraite, Luisa Valeri travaille comme bénévole au centre d’accueil et d’aide Astalli, l’une des structures du service jésuite des réfugiés. Elle y enseigne l’italien depuis huit ans. « J’ai suivi une formation, on ne s’improvise pas prof, explique cette dynamique sexagénaire. Pour les réfugiés, l’apprentissage de l’italien est une étape clé dans leur parcours d’insertion. » Certains sont analphabètes, d’autres diplômés de l’université ou plutôt manuels. Comme Hussein. Silhouette longiligne, ce jeune homme de 24 ans est afghan. « J’étais carrossier à Kandahar et suis fier de mon métier. Apprendre l’italien est indispensable pour retrouver un emploi », explique-t-il en prononçant lentement chaque mot.

Les cours se tiennent au sein de la Fondation Il Faro, dédiée à la formation professionnelle de jeunes Italiens et étrangers en difficulté. Situé à l’ouest de Rome, dans un joli parc, ce grand bâtiment est doté de laboratoires à destination des apprentis aides-cuisiniers, pizzaiolos, boulangers ou pâtissiers.

Actuellement, 80 jeunes adultes y suivent des cours. Chaque classe est composée de 15 à 18 élèves, provenant de divers pays : Mali, Nigeria, Gambie, Érythrée… La plupart ont intégré le système de protection pour demandeurs d’asile et réfugiés (Sprar), le plus efficace en Italie pour faciliter le processus d’intégration. Inauguré en 1999, ce dispositif piloté par le ministère de l’Intérieur finance la prise en charge – pendant douze à vingt-quatre mois – d’environ 23 000 demandeurs d’asile ou réfugiés, sur les 99 000 que compte l’Italie. Tous sont accueillis dans des structures réparties sur le territoire, de manière peu homogène. Elles sont gérées par des collectivités locales ou des associations du tiers secteur qui rassemble des fondations, des coopératives sociales ou des ONG.

Pour faire partie du Sprar, ces dernières doivent être sélectionnées par une commission spéciale qui vérifie si leur projet d’insertion correspond aux critères exigés. En 2015, le ministère de l’Intérieur a évalué à 1,62 milliard d’euros les dépenses globales pour l’accueil des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés. Face à l’afflux, elles risquent d’ailleurs d’augmenter. Début décembre, près de 146 000 arrivées ont été enregistrées via la Méditerranée, selon la Fondation Ismu. Sur les dix premiers mois de 2015, 61 545 dossiers d’asile ont été déposés, en provenance d’Érythrée, de Somalie, du Niger, du Soudan. La moitié devrait être validée par les autorités.

Organismes privés.

Sur le terrain, chaque centre d’accueil perçoit 35 euros par jour et par adulte pris en charge (45 euros pour les mineurs). Et 2,50 euros vont directement aux demandeurs d’asile ou réfugiés. Les financements proviennent du Fonds national pour les politiques et les services en matière d’asile ainsi que de subventions européennes et dons privés.

Après les scandales de corruption qui ont éclaboussé des coopératives sociales à Rome et en Sicile, les contrôles se sont intensifiés. Mais des progrès restent à accomplir. « Il n’existe pas encore de programme national permettant à tous les réfugiés de suivre un parcours individuel visant à leur insertion dans le système productif italien, déplore Mario Morcone, chef du département pour les libertés civiles et l’immigration du ministère de l’Intérieur. C’est la grande faille du système italien, qui s’est beaucoup reposé sur les organismes privés à vocation sociale. »

L’Italie souhaite désormais lutter contre la surpopulation dans les centres en misant sur de petites structures mieux réparties sur le territoire. « Une bonne intégration ne peut se faire qu’à échelle humaine pour cueillir toutes les opportunités d’interaction avec la communauté locale. Nous devons aussi mieux protéger les mineurs et favoriser leur instruction. C’est une priorité absolue si l’on veut éviter qu’ils soient marginalisés et tombent dans le piège du radicalisme », insiste Mario Morcone. Pour ce faire, le gouvernement peut compter sur la solidarité de ses voisins. Il utilisera notamment un tiers des 558 millions d’euros de fonds spéciaux que l’Union européenne a octroyés à l’Italie.

Auteur

  • Anne Le Nir