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L’Espagne intègre au rabais

À la une | publié le : 03.01.2016 | Cécile Thibaud

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L’Espagne intègre au rabais

Crédit photo Cécile Thibaud

Avec 21,2 % de chômeurs et un accompagnement a minima, l’accès à l’emploi relève du vœu pieu.

« À Damas, je travaillais comme secrétaire de direction ; j’ai une licence d’anglais ; aujourd’hui, je lutte pour trouver un boulot. » Basma Dali soupire. Cette Syrienne de 25 ans est arrivée à Madrid il y a près de deux ans. Depuis, elle n’a décroché que quelques cours particuliers d’anglais ou d’arabe et se désespère. En 2015, l’Espagne a accueilli quelque 12 000 demandeurs d’asile comme elle, soit 50 % de plus qu’en 2014. Certains sont arrivés grâce à la lettre d’invitation d’un parent déjà sur place. Les autres sont passés par le Maroc puis Melilla, l’enclave espagnole d’Afrique du Nord.

Reçus dans des centres de séjour temporaire, ils sont ensuite envoyés vers des structures d’accueil dans les grandes villes afin de préparer leur insertion sociale et professionnelle. Mais le parcours est jonché d’embûches, alors que le pays compte 21,2 % de chômeurs. Basma s’était préparée. Durant six mois, elle a appris l’espagnol avant de s’inscrire sur les sites d’offres d’emploi. La jeune femme a ensuite diffusé ses CV partout et récolté quelques entretiens d’embauche. Sans suite. « Mon but n’est pas de vivre de la charité, je veux construire ma vie », affirme-t-elle.

Aides réduites.

Sa compatriote Esraa Almala est dans une situation plus précaire encore. Faute d’avoir pu payer le loyer, sa famille risque d’être expulsée de son logement. Seul son frère a trouvé du travail dans une entreprise de pâtisseries orientales. Mais cela ne suffit pas. « La Croix-Rouge nous a aidés à régler le gaz et l’électricité, raconte-t-elle. Nous avons demandé de l’argent partout, à la mairie, à l’église, à la famille, aux amis… » Sans succès.

Avec la crise, l’aide aux réfugiés a été réduite à peau de chagrin. La loi ne prévoit qu’une prise en charge par l’État en centre d’hébergement durant six à neuf mois, selon la vulnérabilité des personnes. Ensuite, ce sont les mairies et les organisations caritatives qui tentent de prendre le relais, avec des aides au loyer ou en offrant la gratuité des crèches ou des cantines. Lancé en septembre par la maire de Barcelone, le grand projet de « réseau des villes d’accueil » n’a, lui, toujours pas pris forme.

« L’intégration est difficile, d’autant que les demandeurs d’asile ne peuvent pas chercher de travail ni recevoir de formation durant les six premiers mois », observe Rodrigo Fernandez, coordinateur des activités d’aide à l’emploi et à la formation de l’ONG CEAR. Pour ceux qui obtiennent le statut, l’organisme conçoit des parcours d’insertion personnalisés et les aiguille vers des formations pour travailler, par exemple, dans l’hôtellerie ou la manutention. Mais il reste compliqué de faire valoir ses qualifications auprès de l’administration. « Nous butons sur l’homologation des diplômes », regrette cet humanitaire.

Kamal Aldalati, 27 ans, est de ceux qui ne se rendent pas. Originaire d’Al-Zabadani, près de Damas, il a vécu un an en centre d’accueil. Faute de pouvoir faire reconnaître son diplôme d’anesthésiste, il est reparti de zéro, en passant l’examen d’entrée à l’université, pour reprendre des études de médecine. Il avait une bourse au départ ; c’est à présent un prof qui l’héberge. « L’aide du gouvernement a été limitée, mais les Espagnols sont généreux », se réjouit-il. Rodrigo Fernandez, de la CEAR, tente malgré tout d’être optimiste : « Nous, les ONG, prêchons dans le désert. Mais on espère que les mobilisations médiatiques vont laisser une trace dans la société et que les entreprises feront preuve de solidarité. » Dans la cité madrilène, Basma Dali rêve d’Allemagne. « J’ai des oncles qui y vivent, je sais que la situation est très différente pour eux. Là-bas, les réfugiés sont vraiment accompagnés. Pas comme ici. »

Auteur

  • Cécile Thibaud