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Comment réduire le nombre de branches ?

Idées | Débat | publié le : 03.12.2015 |

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Comment réduire le nombre de branches ?

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Avatar de la réforme du Code du travail, celle des branches professionnelles. En réduisant leur nombre, le gouvernement entend renforcer leur rôle dans la négociation collective. Un difficile travail de dépoussiérage commence pour les partenaires sociaux.

Jean-Frédéric Poisson Président du Parti chrétien-démocrate, député des Yvelines.

La diversité des branches professionnelles rend difficile l’appréhension synthétique de leur état. Il en existe plusieurs centaines, mais seules quelques dizaines sont capables de répondre à leurs quatre missions : la définition de la norme sociale conventionnelle, la régulation économique, le dialogue avec les pouvoirs publics et le service rendu aux adhérents. Ces difficultés m’ont conduit à proposer, en 2009, une réduction du nombre de branches en opérant de deux manières : prononcer la caducité des conventions collectives qui n’ont plus d’utilité et qui ne sont plus négociées ; inciter à un regroupement contractuel de conventions collectives, soit en raison de la proximité de leurs métiers, soit en raison d’intérêts stratégiques communs. Ces deux moyens sont parfaitement conformes à notre droit. Le premier est à l’appréciation du ministre du Travail : il lui revient de prendre les décisions qui s’imposent, de marquer la volonté des pouvoirs publics. Le second est conventionnel. Il dépend de la bonne volonté des partenaires sociaux et de leur capacité à considérer les enjeux de leur profession à long terme.

Il manque deux éléments pour aboutir. Le premier est la connaissance de toutes les perspectives qu’offre le droit conventionnel pour unir sous forme d’avenant les conventions collectives existantes. Le second est la conscience d’un intérêt commun. Par exemple, le métier des commerçants de centre-ville varie sensiblement en fonction des produits qu’ils vendent. Pour autant, ces mêmes commerces rencontrent des difficultés communes : la pression des commerces de périphérie, la difficulté de recruter des vendeurs qualifiés. Il serait utile qu’une convention collective « chapeau » permette une fluidité plus grande facilitant la mobilité, tout en permettant le maintien dans cette même convention collective des spécificités propres à chaque métier. Un tel regroupement pourrait renforcer les acteurs sociaux. Beaucoup de secteurs, dans une situation comparable, gagneraient à opérer ce genre de regroupement. Encore une fois, le droit le permet : il faut que les acteurs le veuillent.

Geneviève Roy Vice-présidente de la CGPME chargée des affaires sociales.

Dans le débat concernant la « réforme du Code du travail », un des points apparus comme saillants est celui de la « rationalisation » du nombre de branches professionnelles, censée contribuer au développement d’une négociation collective plus organisée et plus fiable.

La problématique est très complexe. L’administration du travail considère aujourd’hui qu’une branche professionnelle est caractérisée par l’existence d’une convention collective ou d’un accord collectif s’en rapprochant. Ce choix aboutit statistiquement à gonfler le nombre total de branches professionnelles.

Le secteur de la métallurgie représente plus de 100 branches au motif qu’il existe des conventions ou accords collectifs territoriaux dans la plupart des départements.

Dans un esprit proche, le secteur du bâtiment compte de nombreux accords territoriaux « croisés » avec les différents métiers du secteur. Il apparaît donc nécessaire de se garder d’objectifs trop radicaux : celui de 100 branches auquel il faudrait arriver semble relever plus de la communication que de la réalité professionnelle et territoriale. Même s’il n’y a pas de doute qu’il faille opérer dans un délai raisonnable une « rationalisation ».

La première action du groupe de travail devenu sous-commission de la Commission nationale de la négociation collective a consisté à examiner les 179 branches qui n’avaient plus de vie conventionnelle depuis une longue période et/ou dans lesquelles les effectifs salariés étaient extrêmement faibles. Avec pour objectif final de faire se regrouper certaines de ces branches ou de constater leur disparition. La logique engagée voulait qu’après l’examen de ce premier groupe de branches soit examiné un autre groupe et ainsi de suite. La CGPME préconise aujourd’hui de redéfinir un objectif global de réduction des branches plus en phase avec la réalité : 200 branches professionnelles semble réaliste. Les regroupements et les éventuelles suppressions doivent répondre à de véritables logiques, sans quoi les conséquences risquent d’être lourdes pour des pans entiers d’activité.

Frédéric Homez Secrétaire général de la Fédération FO métaux.

Pour répondre à la question du nombre adéquat de branches, la Fédération FO de la métallurgie essaie de comprendre l’objectif recherché par le gouvernement. Apparemment, il faudrait améliorer le dialogue social dans notre pays, comme s’il était en panne, avec un taux de couverture conventionnelle de 92 % des salariés. La réduction du nombre de branches, si elle va à son terme, ne risque-t-elle pas de provoquer l’effet inverse de celui recherché par le gouvernement, avec un dialogue social qui ira, de fait, vers un nombre d’accords collectifs décroissant ?

Pour ce qui est de la métallurgie, nous avons été surpris par la proposition de la ministre du Travail, qui envisage d’ici à fin 2016, au moyen d’une loi, la disparition des branches « territoriales » par leur rattachement à des branches nationales. En effet, nous disposons de 77 conventions collectives « territoriales ». Le ministère les considère-t-il comme des branches à part entière ? Du point de vue de l’objectif chiffré du gouvernement, supprimer 77 branches permettrait de remplir la moitié de sa feuille de route. Mais avec quel sens et quelle conséquence ? La démarche suppose de considérer qu’aujourd’hui la métallurgie n’est pas une branche à part entière et de prendre le risque de réduire la négociation collective à peau de chagrin. Ce n’est pas notre conception du développement du dialogue social.

En revanche, rien n’empêche le gouvernement de donner un identifiant unique – IDCC – à l’ensemble des conventions collectives territoriales de la métallurgie pour mesurer la représentativité sur un plan national. Et de laisser aux partenaires sociaux le soin de négocier les évolutions qu’ils souhaiteront apporter au dispositif conventionnel.

Dans tous les cas, la diminution du nombre de branches doit passer obligatoirement par des consultations et un accord opérationnel de mise en place afin de ne pas réduire les droits des salariés. Enfin, nous restons persuadés que les branches doivent se renforcer et jouer un rôle encore plus important dans la négociation collective. Car elles permettent d’éviter la concurrence entre les entreprises et de lutter contre le dumping social.

Ce qu’il faut retenir

Myriam El Khomri, la ministre du Travail, a déjà annoncé la disparition, d’ici à fin 2016, des branches professionnelles territoriales et de celles qui n’ont eu aucune activité depuis plus de dix ans.

Sans résultat probant dans les trois ans, le gouvernement a indiqué qu’il reprendrait la main pour regrouper les branches. Afin de faire ses choix, il utilisera des critères comme la cohérence sectorielle et le nombre minimal de salariés couverts.

Dans son rapport sur les branches professionnelles, le conseiller d’État Patrick Quinqueton préconise de ne pas se focaliser sur les seules petites conventions collectives. Mais aussi d’interroger la légitimité des acteurs et d’aborder les sujets pertinents dans les négociations conventionnelles.

En chiffre

720 branches coexistent aujourd’hui. Il devrait en subsister 200 d’ici à trois ans. À terme, le gouvernement espère pouvoir ramener leur nombre à 100.

15,4 millions de salariés sont couverts par une convention collective en France. 13 % d’entre elles concentrent 73 % de l’emploi salarié.

Source : Dares.