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Faut-il repenser le statut des fonctionnaires ?

Idées | Débat | publié le : 03.11.2015 |

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Faut-il repenser le statut des fonctionnaires ?

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Le statut général des fonctionnaires a fêté ses 30 ans en 2013. Bâti autour de principes comme le recrutement sur concours ou encore l’emploi à vie, il est pointé du doigt par ses détracteurs comme n’étant plus adapté aux évolutions de la société et aux enjeux RH des trois fonctions publiques.

Pierre Bauby Directeur de l’Observatoire de l’action publique de la Fondation Jean-Jaurès.

La question fait débat et même conflit entre ceux qui considèrent que le statut est un carcan, empêchant toute évolution et « plombant » le potentiel de développement de la France, et ceux qui en font un prérequis de toute action publique. Essayons donc de dépasser cette opposition stérile en revenant aux fondamentaux.

Que les statuts des fonctions publiques doivent évoluer est une lapalissade, tant le principe de mutabilité constitutif du service public implique qu’ils évoluent au fil des mutations technologiques et sociétales. Et tant le service public n’existe pas pour lui-même mais pour répondre aux besoins évolutifs de la société. Ce qui a longtemps relevé de la fonction publique peut ne plus être de son ressort demain et réciproquement si cela s’avère nécessaire pour développer le lien social, créer des solidarités ou préparer l’avenir.

Mais ces évolutions doivent avoir pour finalité d’améliorer et de promouvoir le service public, non de le marchandiser ou de mettre en cause ses fondements. Le statut des fonctionnaires a été conçu pour leur permettre d’assumer dans la durée leurs responsabilités, pour mettre en œuvre l’action publique, pour garantir leur indépendance par rapport aux « politiques », dans un pays qui a été et reste encore marqué par un droit commun du travail trop souvent dépendant des diktats d’un patronat traditionnellement frileux et réactionnaire.

Les principes généraux du statut des fonctionnaires n’ont pas à être « repensés », mais mis en œuvre avec détermination et ouverture. Fidélité aux principes et ouverture à l’évolution des besoins doivent définir la feuille de route des responsables publics pour déterminer avec les citoyens et les personnels – ni sans eux ni contre eux – les réponses adaptées aux enjeux du xxie siècle et leurs modalités de mise en œuvre. Afin d’avoir une action publique et des services publics répondant aux besoins sociétaux, conjuguant amélioration de la qualité et recherche de l’efficacité, de l’efficience et du moindre coût. Nul doute qu’en essayant de faire converger les décisions politiques, l’expression des utilisateurs et l’intelligence des fonctionnaires, nous serons mieux armés pour relever ensemble les défis de demain.

Johan Theuret Président de l’Association des DRH des grandes collectivités.

Toute réforme qui voudrait modifier le statut se heurte aux droits acquis. Or, questionner les droits acquis, ce n’est pas les supprimer, c’est simplement se demander s’ils sont encore pertinents.

Qui peut aujourd’hui affirmer que la fonction publique ne rencontre pas des difficultés à répondre à l’évolution de la société ?

La principale raison est la complexité dans laquelle s’enferme le statut de la fonction publique. Ce n’est pas la question du maintien du statut qui se pose, mais son besoin d’adaptation aux nouveaux enjeux des RH.

La place centrale du concours ne doit plus être un tabou, car il constitue pour de nombreuses personnes un obstacle, faute de maîtriser les rouages et les codes nécessaires.

Les candidats qui ont acquis une qualification ou une expérience professionnelle avérée pourraient être recrutés grâce à des concours sur titre (les apprentis, les titulaires d’un diplôme des professions réglementées, les bénéficiaires d’une VAE…). La perception des contractuels doit être revue et légitimée car toutes les administrations y font appel. On ne peut plus considérer le contrat comme un substitut.

Aujourd’hui, les directions des ressources humaines des employeurs publics sont davantage accaparées par la gestion administrative que par la gestion humaine des agents. Le statut est complexe avec des régimes statutaires parfois illisibles et des règles de gestion trop lourdes. Pour tendre vers une harmonisation entre filières afin de développer la mobilité et rendre équitable les parcours professionnels, une simplification des règles liées au déroulement des carrières devrait être engagée. Par ailleurs, la lourdeur des procédures est un frein à la réactivité et source de gaspillages. Il conviendrait de faciliter les reclassements en simplifiant les procédures. De même, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne devrait plus être un tabou. Actuellement impossible à mettre en œuvre en raison des lourdeurs des règles, il conviendrait, pour faire face aux situations exceptionnelles entachant la crédibilité du service public, de le simplifier et d’offrir de véritables garanties d’accompagnement aux personnes licenciées.

Serge Ter Ovanessian Consultant.

Le statut des fonctionnaires de 1946, a été conçu pour la haute fonction publique, dont il convenait d’assurer l’indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et économiques ainsi que la professionnalisation. Il a ensuite été décliné à l’ensemble des personnels dès lors qu’ils avaient franchi la barrière du concours, garant d’une méritocratie. Ce modèle a bien fonctionné pendant les 30 Glorieuses. Qu’en est-il aujourd’hui ? L’indépendance des hauts fonctionnaires s’est perdue dans la constitution d’une classe dirigeante économique, administrative et politique propice aux conflits d’intérêts. Les extensions du statut aux agents des collectivités locales et des hôpitaux ont entraîné une croissance des effectifs telle qu’elle en a changé le sens. La problématique de l’indépendance s’est noyée dans celle d’une gestion de masse des RH. La sécurité et les avancées sociales garanties ont généré des dysfonctionnements connus : absentéisme, médiocrité du système de reconnaissance des compétences… Le statut apparaît désormais comme un privilège dont la contrepartie est la part croissante de salariés précaires. Il y a en effet un rapport étroit entre la rigidité du statut et la précarisation de ceux qui n’en bénéficient pas. De jeunes diplômés sans débouchés prennent la place en catégorie C de ceux à qui elle était destinée. La frustration engendrée est une bombe à retardement dans des administrations conçues pour accueillir des « militants » du bien public « désireux de servir l’État et l’intérêt général ».

Le système reposant sur un statut rigide et un concours est obsolète. Peut-être faut-il encore un statut de la fonction publique, mais il convient d’en débattre dans la recherche de l’intérêt collectif. Or, le débat est faussé par la tentation manipulatrice de le coupler avec celui sur les services publics, les fonctions régaliennes ou le rôle de la puissance publique. De même, s’interroger sur la pertinence dudit statut n’est pas prendre partie contre la sécurisation des parcours professionnels ou pour un libéralisme forcené. Sans une vision politique cohérente de la société et une mise en perspective du rôle de l’État, le débat risque fort d’être fondé sur des choix comptables et la recherche d’économies de court terme.

Ce qu’il faut retenir

Les propos d’Emmanuel Macron, le 18 septembre dernier, sur le statut des fonctionnaires, qu’il n’estime « plus adéquat » et « plus justifiable » compte tenu de la nature des missions, créent la polémique à gauche.

70 % des Français ? approuvent les propos du ministre, selon un sondage OpinionWay pour Le Figaro, au lendemain de la polémique.

Le dernier rapport en date sur la fonction publique est celui de Bernard Pêcheur.

En 2013, le conseiller d’État préconisait plusieurs pistes de réforme. Parmi celles-ci, bâtir des niveaux de fonction par corps, définir de nouveaux paliers de recrutement ou encore favoriser une plus grande transparence dans le recrutement des agents non titulaires…

En chiffres

5,3

millions de personnes travaillent dans la fonction publique (État, hôpitaux et collectivités territoriales)

19,7 %

d’entre elles sont des contractuels.

1 700

c’est le nombre de ? régimes indemnitaires différents coexistant dans la seule fonction publique d’État.

Source : Rapport Pêcheur 2013.