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La CFTC, faible mais… indispensable

Décodages | publié le : 03.11.2015 | Anne Fairise

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La CFTC, faible mais… indispensable

Crédit photo Anne Fairise

Malmenée par la réforme de la représentativité, la petite centrale chrétienne tient congrès. Sur la scène interprofessionnelle, elle cherche à faire entendre sa petite musique mais signe tous les accords. Ce qui fait sa force et sa faiblesse.

Des propositions pour l’avenir du modèle social français et des soutiens affichés… en la personne du Premier ministre, Manuel Valls, et de la ministre du Travail, Myriam El Khomri. À l’occasion de son 52e congrès confédéral, du 17 au 20 novembre à Vichy (Allier), la CFTC entend bien démontrer son utilité sur la scène syndicale, dans le camp réformiste. Deux ans et demi après la première mesure de représentativité nationale, la grand-messe doit être « le congrès du renouveau » pour la petite centrale chrétienne, qui y a survécu ric-rac, avec un score de 9,3 %. C’est en tout cas le souhait de Pascale Coton, la numéro deux du mouvement.

Pour l’équipe dirigeante, la venue de Manuel Valls devant le millier de congressistes va revigorer les troupes. C’est l’objectif. « Le mouvement a été destabilisé par la réforme de la représentativité. La présence du Premier ministre est un signe fort de reconnaissance de l’utilité sociale de la CFTC », commente Philippe Louis, son président et seul candidat à sa propre succession. « Cette venue n’est pas neutre. C’est aussi un signal à destination des entreprises », complète un négociateur patronal. En mettant la question d’un « nouveau contrat social » au cœur de sa motion d’orientation, le syndicat ambitionne aussi de tracer des perspectives pour le modèle social. En réponse à un économie en mutation, frappée par l’ubérisation des emplois.

L’idée-force, travaillée à 100 % en interne, sans l’aide d’aucun chercheur ni expert ? Assurer une protection sociale à chacun, par un même statut rassemblant tous les droits sociaux attachés ou non au travail. Y compris aux Français de plus en plus nombreux à se retrouver dans un « auto-salariat ». Une proposition dans l’air du temps, proche du compte social personnel de la CFDT, l’organisation « sœur » issue de la scission de 1964 et qui l’a supplantée dans le pôle réformiste. « Il s’agit de sécuriser les précarisés et de faciliter le passage entre les différentes formes d’emploi », précise Philippe Louis.

Le compte personnel d’activité, lancé par François Hollande, servirait de base, à condition d’élargir son périmètre à presque tout. Comptes épargne-temps, retraite, prestations familiales, aides au logement… Pas simple. Mais déjà, l’équipe dirigeante CFTC juge que la motion « novatrice » marquera l’histoire du mouvement presque centenaire. Plus que le projet de « statut du travailleur » avancé en 2002, une esquisse parmi d’autres d’une sécurisation des parcours, avec ses droits attachés à la personne.

Stabilité

En attendant d’avoir peut-être raison, le Petit Poucet défend comme il peut sa position sur la scène interprofessionnelle. Avec ses maigres équipes, qui courent d’une négo à l’autre. Un handicap certain. « Avec tous les sujets de négociations très techniques qui tombent comme à Gravelotte, un négociateur ne peut arriver à rien sans structure étoffée qui l’outille », pointe un négociateur CFE-CGC. Qui constate « l’attentisme » des négociateurs CFTC en réunion : « La plupart du temps, ils s’expriment en dernier. » « Disposer de moins de capacités d’expertises que les autres ne nous empêche pas d’avancer des idées. Avoir des valeurs peut, aussi, être efficace », se défend Joseph Thouvenel, 57 ans, négociateur en chef de la CFTC sur les questions relatives au marché du travail depuis bientôt dix ans. La première fois qu’il s’est assis à la table des négociations, Denis Gauthier-Sauvagnac défendait encore le patronat.

Cette stabilité des négociateurs peut être vue comme un atout. « Sur l’emploi et l’assurance-chômage, l’expérience et l’expertise des équipes CFTC sont indéniables, note Véronique Descacq, secrétaire général adjointe de la CFDT. Cela leur donne du poids ». Et une place particulière : celle d’un repère au milieu d’autres équipes souvent renouvelées. « Ce faisant, ils jouent un rôle de modérateur ou de garde-fous, comme le font les anciens », relève un observateur averti. Pour Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, leur présence est précieuse pour la bonne marche de la démocratie sociale. « Il y a peu de défenseurs convaincus de la nécessité de l’accord collectif comme l’est la CFTC », souligne le haut fonctionnaire.

Position fragile

De tous côtés, patronal comme syndical, on pointe néanmoins l’influence marginale de la centrale chrétienne sur le contenu des négociations. Même si, avec sa petite audience, son paraphe reste indispensable au camp réformiste pour rendre les accords majoritaires. « La CFTC n’est pas en capacité de renverser les termes d’un accord, et elle le sait très bien », remarque un négociateur cédétiste. « Sa signature est quasiment toujours acquise », pointe un homologue CFE-CGC. Sous Hollande, son tampon n’a manqué au bas d’aucun accord interpro. Contrairement à celui de la CFE-CGC, devenue très illisible.

Cette constance arrange bien Matignon, le Medef et la CFDT sur les sujets délicats. Tels l’accord sur la sécurisation de l’emploi, le relevé de conclusions sur les contreparties au pacte de responsabilité ou le dernier sauvetage des retraites complémentaires. « La réforme de la représentativité a mis la CFTC dans une position structurellement très fragile, qui la pousse plus que jamais dans la recherche du compromis. Cela donne au gouvernement et au patronat un moyen de pression fort », affirme un négociateur du Medef. En séance, la centrale peut certes adopter une attitude très combative. Pour la forme. Quand ça coince trop, l’affaire se règle en sous-main, par des coups de fil au président. À la fin des discussions sur les contreparties au pacte de responsabilité, Joseph Thouvenel, arc-bouté sur la mise en place d’une participation financière dans les PME, a par exemple dû en rabattre. La revendication bloquante s’est transformée… en une promesse de « délibération » avec les pouvoirs publics qui n’a jamais vu le jour. L’intéressé, qui ne baisse pas les bras, a remis l’idée sur la table lors des discussions avortées sur le dialogue social. « Les représentants CFTC ont une autonomie plus forte que dans n’importe quelle autre centrale. C’est la caractéristique d’une organisation faible », analyse un négociateur patronal.

Aller jusqu’à lever le stylo pour défendre ses idées reste très rare. Ce n’est pas dans l’ADN du « syndicat de construction sociale », dont la dernière défection remonte à l’accord sur l’assurance-chômage de 2009. « Contrairement à la CFE-CGC, la CFTC ne progresse pas dans les entreprises et ne peut pas s’appuyer sur une alliance politique », commente un spécialiste du syndicalisme. La plus petite des quatre confédérations généralistes continue de perdre des adhérents. Ils sont passés, officiellement, de 140 000 en 2013 à 135 000 en 2014. La prochaine bataille de la représentativité, en 2017, promet déjà d’être ardue pour la centrale. Même si son président, Philippe Louis, affiche « sa sérénité ».

Équipe : Unité

Le 52e congrès de la CFTC sera celui de la continuité. Élu en 2011, le trio de direction est de nouveau candidat, sans opposition. Le président Philippe Louis, ex-cheminot de 60 ans, la secrétaire générale Pascale Coton, 52 ans, issue de La Poste, et le trésorier Bernard Sagez, 58 ans, devraient être reconduits sans difficulté.

Auteur

  • Anne Fairise