logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

La simplification du Code du travail a bon dos !

Idées | Juridique | publié le : 03.10.2015 | Pascal Lokiec

Image

La simplification du Code du travail a bon dos !

Crédit photo Pascal Lokiec

La réforme du droit du travail est plus que jamais d’actualité, avec pour cible privilégiée la complexité du Code du travail. Si sa simplification n’est pas une question taboue, les cures d’amaigrissement prônées ici et là appellent bien des réserves.

Les deux faces de la simplification

Qui peut être contre la simplification ? Qui oserait soutenir que le Code du travail est accessible et intelligible pour tout un chacun, qu’il est une œuvre parfaite ? Comme la plupart des codes, celui du travail comprend des complexités inutiles, générées par des rédactions mal soignées, des distinctions superflues ou encore la superposition de textes faisant suite à de trop fréquentes modifications législatives. Il n’est évidemment pas satisfaisant d’examiner, par exemple, pas moins de trois textes, par un système de renvoi d’articles, pour aboutir au contenu du document qui doit être communiqué à l’administration dans le cadre de la demande d’homologation d’un PSE.

Mais entre une simplification, essentiellement formelle, destinée à faciliter la vie des entreprises sans remettre en cause les garanties de fond et de procédure assurées par le droit en vigueur, et une déréglementation qui ne dit pas son nom, la frontière n’est pas aisée à tracer. Un certain nombre de dispositions de la loi Rebsamen sur le dialogue social et l’emploi, adoptées au nom de la simplification, en offrent une excellente illustration. Ainsi, même si, formellement, l’inclusion du CHSCT dans la délégation unique du personnel est sans effet sur ses attributions, le passage d’une instance spécifique à une instance commune peut-il être sans effet sur la qualité de la discussion ?

Le niveau de discussion sera plus global, avec des délégués qui devront être compétents à la fois sur les questions économiques et sur celles de santé et de sécurité. Le même type de questionnement se pose à propos du regroupement des informations-consultations et des obligations de négocier. Rappelons qu’à compter de 2016, les négociations obligatoires seront regroupées en trois thèmes et les 17 obligations annuelles de consultation du comité d’entreprise le seront en trois consultations. La négociation sur l’égalité entre les femmes et les hommes, par exemple, sortira-t-elle indemne de sa fusion avec celle sur la qualité de vie au travail ?

Le leurre des cures ? d’amaigrissement

Ce qui est certain, c’est qu’un amaigrissement du Code du travail n’apportera de simplification qu’en apparence. Si les règles ne se trouvent pas dedans, il faudra bien qu’elles soient quelque part, à moins de renvoyer leur définition aux juges. Pas sûr que les adeptes de la simplification y trouvent leur compte ! Pour illustration, la règle qui veut que le CHSCT puisse recourir à un expert en cas de « projet important » (art. L 4614-12 du Code du travail) : parfaitement intelligible, elle est un modèle de simplicité. Pourtant, elle est régulièrement critiquée par les chefs d’entreprise comme étant un important facteur d’insécurité juridique. Une liste de cas offrirait sans doute la sécurité attendue. Où serait alors la simplification, avec l’ajout de lignes supplémentaires au Code du travail ?

Si l’on déplace les règles vers d’autres codes ou vers des lois éparses, ce qui figure dans un seul code devra être recherché dans une foule de textes. Où sera, là encore, la simplification ? Le soi-disant Code du travail suisse qu’avait brandi François Bayrou, il y a quelque temps, n’était probablement que l’une de ces lois éparses (en ce sens, voir Alain Supiot, « Non, le Code du travail n’est pas le problème ! », Le Monde, 14 octobre 2014).

La voie aujourd’hui privilégiée pour réguler les relations sociales est celle de la négociation collective. Fruit du compromis ou du rapport de forces, l’accord collectif n’est pourtant pas plus simple qu’une loi ! Et si l’on suit le mouvement favorable au développement de la négociation collective d’entreprise, le salarié qui change d’entreprise changera de droit applicable, comme celui qui part travailler à l’étranger. Ce faisant, ne va-t-on pas créer de nouvelles entraves ? Ce qui est particulièrement paradoxal, alors que l’on souhaite fluidifier le marché du travail et favoriser les transitions professionnelles, à l’image du compte personnel d’activité, dont la création vient d’être actée par la loi Rebsamen ?

Finalement, la simplification n’est-elle pas un faux prétexte pour promouvoir un nouveau modèle social, construit autour du droit négocié ? Malgré des différences sensibles quant à la profondeur du changement proposé et à ses modalités, c’est bien de cela qu’il s’agit, lorsqu’on lit le rapport Combrexelle ainsi que ceux de l’Institut Montaigne et de Terra Nova. On peine à identifier où se situe la simplification, lorsqu’on constate, par exemple, à la lecture du rapport Combrexelle, qu’il faudra articuler l’accord d’entreprise avec un ordre public conventionnel et un ordre public défini par le Code du travail, dont les contours ne sont guère tracés !

Favoriser l’accès au droit

Un autre chemin peut être emprunté à partir de ce qui constitue deux données essentielles du problème. D’une part, la simplification vise principalement les patrons de PME, dépourvus de ressources juridiques en interne. D’autre part, même si le volume financier de l’entreprise a un impact certain sur les avantages accordés aux salariés (par exemple les activités sociales et culturelles), ceux des petites entreprises ne sauraient se voir appliquer un droit du travail allégé parce que plus facile dans son application.

Jouer sur l’accessibilité du droit à destination des patrons et des salariés des TPE offrirait, nous semble-t-il, une bonne combinaison de ces données, même si la voie est autrement plus modeste que ce qui est proposé aujourd’hui. Une vaste réflexion devrait être menée sur ce sujet, avec l’ensemble des acteurs concernés (organisations syndicales et patronales, administration, avocats, etc.). On remarquera à cet égard que l’une des missions des nouvelles commissions paritaires régionales interprofessionnelles est de « donner aux salariés et aux employeurs toutes informations ou tous conseils utiles sur les dispositions légales ou conventionnelles qui leur sont applicables ». Avec des effectifs limités, en proportion du nombre de salariés dans les TPE (4,6 millions), et des crédits d’heures modestes (cinq heures par mois en plus du temps passé dans les séances), ces commissions ne peuvent être à elles seules la solution au déficit d’information et d’accès au droit des salariés et patrons de TPE. Il faut pousser plus loin la réflexion.

Pascal Lokiec

Professeur à l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense, où il codirige le master 2 en droit social et relations professionnelles. Il a publié cette année Il faut sauver le droit du travail ! aux éditions Odile Jacob.

Auteur

  • Pascal Lokiec