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Des espaces détente pour souffler au travail

Dossier | publié le : 03.10.2015 | V. A.

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Des espaces détente pour souffler au travail

Crédit photo V. A.

Du baby-foot à la salle de sieste, de plus en plus d’entreprises réservent des lieux de décompression aux salariés. Car un employé ressourcé serait plus performant.

Tout en glissade, Christian, chargé d’accueil chez Linkbynet, regagne son poste. Il vient de descendre, sourire aux lèvres, l’impressionnant toboggan en tourbillon depuis le deuxième étage jusqu’au rez-de-chaussée. « Je le fais souvent lorsque je prépare la salle de réunion, explique-t-il. Cela me permet de regagner mon poste plus rapidement. Et puis, c’est très sympa. » Le toboggan fait partie des nombreux espaces de détente de la société informatique. À tous les étages, des recoins à thèmes, fermés par des rideaux ont été aménagés avec hamacs et canapés pour « travailler autrement ».

Dans l’open space, le silence. Les plafonds sont munis d’isolants phoniques et les téléphones incorporés dans les casques évitent toute sonnerie. Les extérieurs réunissent un terrain de basket, un potager et un rucher pour les apprentis apiculteurs. Ici, tout est fait pour que chacun puisse se détendre, selon ses envies. « On a même failli installer une tyrolienne, plaisante Patrick Aisenberg, cofondateur de Linkbynet, dont le bureau est situé dans le même espace ouvert que ses collaborateurs. C’est un état d’esprit. Une révolution mentale. L’entreprise libérée, forte d’un bien-être exceptionnel et rentable. » Ici, le management est basé sur la confiance et non sur le contrôle. « Cela encourage l’initiative et l’innovation. »

De plus en plus de sociétés françaises développent ce type d’espaces. Certaines s’arrêtent à quelques plantes, aux murs colorés ou à la luminothérapie. D’autres investissent dans une importante politique RSE mêlant environnement, social et économie. Nissan a ainsi réservé une pièce pour les massages. Renault a créé une salle de sport avec agrès et cours collectifs sur un site dans les Hauts-de-Seine. BlaBlaCar a fait installer une terrasse pour que ses employés puissent souffler au grand air. Le bénéfice est immédiat en termes de cohésion, de fidélisation des équipes et de motivation.

Des risques quand même

Il est 15 heures dans l’immense salle de repos de Renault, au Plessis-Robinson. Quatre quinquagénaires prennent place autour du baby-foot. « Tout au long de la journée, nous sommes sous pression au service clients. ça permet de décompresser cinq minutes avant de s’y remettre », affirme l’un d’eux. Dans un recoin, affalé sur un gros pouf, son ordinateur sur les genoux, Tarik, 24 ans, avoue se « sentir comme à la maison ». Et ajoute : « Je préfère travailler ainsi. C’est moins formel. » À quelques pas de lui, trois collègues sont réunis autour d’une table pour parler « travail en petit comité ». « On ne fait pas passer les mêmes messages dans ce type d’endroit, assure Sophie Benchetrit, directrice déléguée de l’établissement du siège de Renault. Et ce n’est pas moins efficace. »

Sociologue et chercheur associé au Cnam, Stéphane Le Lay met en garde contre certains risques. « À quel moment s’arrête le jeu et quand commence le travail ? Les salariés peuvent très bien ne plus faire la différence et se retrouver dans une compétition perpétuelle. Être embarqués dans une spirale qu’ils n’ont pas désirée. Ce qui peut conduire au stress, au burn-out, voire pire. Les espaces détente doivent être contrôlés par les salariés eux-mêmes et rester un choix. »

Certaines entreprises investissent aussi sur l’option sieste. Chez Novius Labs, une PME spécialisée dans les logiciels et les services Web, trois gros poufs ont été installés dans une pièce de dix mètres carrés. « C’est un plus, la fatigue est prise en compte. Je fais moi-même une sieste de 40 minutes chaque jour », explique Antoine Hébert, le directeur. Chargé d’affaires dans la PME, Thibaut Peysson avoue avoir été tout d’abord surpris par le concept. « On n’ose pas y aller au départ. Mais à l’usage, on se rend compte que c’est bénéfique. Le coup de barre de l’après-midi disparaît », confie-t-il.

Selon la Nasa, une courte sieste accroît la concentration de plus de 34 % et la productivité de plus de 25 %. Pourtant, elle reste taboue en France et traîne une image de flemmardise. En 2014, une étude réalisée par le cabinet Robert Half auprès de directeurs administratifs et financiers montrait que 36 % d’entre eux estiment la proposition farfelue. « Le sommeil est un enjeu de santé publique, estime Sophie Benchetrit. Donner la possibilité aux collaborateurs de se reposer durant vingt à trente minutes a une incidence positive sur leur performance. »

Depuis décembre 2014, sept cabines individuelles sont à la disposition des salariés de Renault au Plessis-Robinson. Derrière chaque rideau, sous un éclairage tamisé, un fauteuil en position allongée accueille près de 60 personnes par jour. Un vrai succès. « Cette réussite prouve qu’il y a des besoins. Il faut tout simplement faire évoluer les mentalités », poursuit Sophie Benchetrit. D’autres pays recommandent la sieste. En Espagne, ils sont 16 % à la pratiquer et, au Japon, nombre d’entreprises l’ont imposée. Fervent adepte, Patrick Dumoulin, directeur de l’Institut Great Place to Work, ironise : « Il est très difficile de rester concentré durant des heures. C’est humain. Regardez nos hommes politiques s’endormir sur les bancs de l’Assemblée nationale ! Alors qu’il suffit d’une sieste de vingt minutes pour être plus productif. »

Le sociologue et chercheur Stéphane Le Lay invite néanmoins les employeurs à ne pas se contenter de ces recettes managériales. « Les espaces détente ne remplaceront jamais une bonne réflexion sur l’organisation du travail. Ils devraient être la cerise sur le gâteau. Car si l’on instaure un espace sieste et que les cadences augmentent, l’effet “bien-être” est nul. »

Des innovations fun ou apaisantes

Elle a été imaginée pour les pauses régénératrices. Sous ses aspects futuristes, la cellule de repos Calm Space, noire et cossue, suscite la curiosité. La designer Marie-Virginie Berbet l’a conçue avec le fabricant Haworth et le professeur Damien Léger, du Centre du sommeil de l’Hôtel-Dieu, à Paris. « Je cherchais ce qui pouvait limiter l’engrenage du stress et de la fatigue au travail », dit-elle. Fermé par un rideau rigide, ce cocon permet de s’isoler pour une sieste de dix à vingt minutes, selon le programme choisi. L’organisme passe du sommeil à l’éveil grâce à un dispositif de sons et lumières. Rouge pour l’endormissement, bleu pour le réveil.

Autre idée, développée par l’agence de design Duffy London, pour ne pas piquer du nez durant les réunions : la Swing Table, une table entourée de chaises-balançoires. À réserver pour mettre du fun dans les meetings les moins passionnants. De leur côté, les créateurs Ronan et Erwan Bouroullec ont imaginé, avec le fabricant Vitra, le concept de « pièce dans la pièce ». Leur Alcove Sofa permet aux employés de se mettre à l’écart pour des discussions en petit comité. Autour d’un canapé moelleux, de grands panneaux isolent et offrent davantage d’intimité. Vitra propose également le Silent Wall du designer Arik Levy. Ce système d’écran modulaire fournit une solution flexible et alternative à l’organisation en plateaux ouverts. Constitué de panneaux isolants recouverts de tôle d’acier perforée ou de tissu, il offre une insonorisation acoustique très poussée. Dans un monde du travail régi par l’open space, les dernières innovations mettent au contraire l’accent sur les petits espaces et les ambiances feutrées.

Bulle de sérenité, le Calm Space permet de souffler à l’abri des regards.

Auteur

  • V. A.