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Idées

Le combat des droits de l’humain

Idées | Livres | publié le : 03.09.2015 | Jean Mercier

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Le combat des droits de l’humain

Crédit photo Jean Mercier

Le sociologue Alain Touraine scrute la société qui émerge, marquée par la fin du social et l’ascension de l’éthique.

On le sent dès le début de son nouvel ouvrage : Alain Touraine, 90 ans, le plus fameux des sociologues français vivants, a voulu livrer dans cette réflexion sur « le sujet humain » la somme de ses analyses sur le monde qui naît. C’est aussi, à la manière d’un Stefan Zweig se penchant sur Le Monde d’hier, son ultime salut à la société d’hier qu’il avait décryptée avec tant de talent dans La Conscience ouvrière. Théoricien de la « société post-industrielle » – encore un concept qu’il a contribué à populariser –, Touraine pense maintenant qu’il a fait fausse route : nous vivons toujours dans la phase de destruction de la société industrielle. Et celle qui émerge n’a plus rien d’industrielle : les nouvelles technologies, prévient-il, « n’agissent plus sur un milieu technique, sur la production de biens et sur un environnement, mais avant tout sur l’acteur humain lui-même ». Celui qui n’a cessé de scruter l’émergence des mouvements sociaux, et d’une nouvelle classe ouvrière, constate que « dans les nouvelles sociétés, ce n’est plus autour des problèmes économiques que se forme l’action collective ». C’est un fait : « Syndicats et partis ouvriers ont disparu ou sont en chute. » La bataille se jouera à l’avenir dans le domaine éthique, dans l’image que chacun se forme de lui-même : c’est « dans ce qu’il accepte et dans ce qu’il refuse au nom de la dignité, que se développe une conscience collective ».

Cette résistance du sujet humain est pour le sociologue la seule chance d’entraver les trois systèmes de pouvoir qui règnent sur la société émergente : le capitalisme financier ; les partis-états totalitaires, à la manière du PC chinois ; les tyrannies post-nationalistes, en vogue dans les pays émergents. Les chapitres se succèdent pour illustrer cette thèse : la fin du social – la globalisation financière pesant désormais plus sur les acteurs sociaux et politiques que les relations de travail –, le passage des droits sociaux aux droits humains et d’une lutte à prédominance sociale à la résistance culturelle, du fait de ce que l’auteur appelle la « subjectivation ». Pour lui, la nécessité de l’affirmation du sujet humain fait de l’éducation et de l’écologie les terrains de lutte majeurs d’aujourd’hui.

La dernière partie du livre est consacrée à une réflexion sur les implications politiques de ce que Touraine appelle « la fin des sociétés ». à ce niveau de généralisation, on se demande parfois si on ne verse pas dans une sorte de café du commerce pour intellectuels. Heureusement, il y a suffisamment de jaillissements d’intelligence dans l’ouvrage pour en faire une des lectures les plus utiles de la rentrée.

Nous, sujets humains, Alain Touraine. Éditions du Seuil. Collection « La couleur des idées ». 464 pages, 24 euros.

Auteur

  • Jean Mercier