logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

À la une

“Nous devons imaginer un système centré sur l’individu, pas sur le seul statut”

À la une | publié le : 03.09.2015 | Anne-Cécile Geoffroy

Image

“Nous devons imaginer un système centré sur l’individu, pas sur le seul statut”

Crédit photo Anne-Cécile Geoffroy

Comment expliquez-vous la vague entrepreneuriale que connaît la France actuellement ?

Elle tient essentiellement à la révolution numérique. S’il y a un équivalent à ce que l’on vit, c’est la révolution de l’imprimerie au milieu du xve siècle qui a permis une diffusion massive du savoir. Elle a débouché des années plus tard sur des révolutions politiques, anglaise, américaine, française, puis une révolution industrielle. Nous sommes dans un processus équivalent. Internet, le numérique permettent une redistribution des pouvoirs de pair à pair. Il ne s’agit pas seulement d’une révolution industrielle comme Jeremy Rifkin le pense, mais bien d’une révolution politique, celle de l’empowerment. Elle bouscule tous les fondements de la société et s’étalera sans doute sur deux générations.

Quand cette révolution trouve-t-elle ses prémices ?

En 1995, quand Internet a outillé la liberté d’expression qui jusqu’ici était un droit très théorique. Aujourd’hui, n’importe qui peut toucher l’humanité connectée. Avant, pour agir, il fallait appartenir à une minorité engagée.

Les Amap ont été longtemps réservées à des écolos très militants. Aujourd’hui, tout le monde peut avoir accès à ces circuits de distribution courts. Le financement de l’économie n’échappera pas à ce bouleversement. On le voit déjà avec les plates-formes de financement participatif. À partir du moment où l’on détient le pouvoir de s’organiser, de s’exprimer, chacun peut devenir entrepreneur de sa propre vie.

Dans votre rapport sur le numérique, vous parlez de faire de chaque citoyen un maker. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Faire la démonstration de la faisabilité d’un projet, de sa capacité à faire, c’est être un maker. Les fab labs, par exemple, donnent la possibilité de tester un prototype à moindre coût. Cela peut s’observer dans différents domaines. Comme dans les loisirs. La professionnalisation du do it yourself fait partie de cette tendance. Hier, pour créer une étagère, il fallait être ébéniste. Aujourd’hui, vous allez sur Internet, vous trouvez la vidéo d’un passionné qui vous explique comment vous y prendre et vous fabriquez votre étagère vous-même. Tout ce qui était réservé aux entrepreneurs est désormais accessible au plus grand nombre. La définition de l’entrepreneuriat va nécessairement muter. Nous le remarquons particulièrement en France, où des nouvelles générations d’entrepreneurs développent des usages où se mêlent consommation, innovation et action citoyenne. L’économie du partage, la consommation collaborative incarnent cette singularité et ce mouvement entrepreneurial quasi militant.

Quelles sont les conséquences pour les entreprises ?

La question de la création, de l’innovation est le plus grand défi des entreprises. Pour survivre, elles devront se transformer, assouplir les hiérarchies, donner aux salariés-entrepreneurs plus d’autonomie dans leur travail. Si leur préoccupation reste la mesure de la productivité ou le temps de présence au travail, elles auront bien du mal à susciter l’innovation dans les équipes.

Dans ce nouveau monde, le salariat est-il en voie d’extinction ?

Tout le monde n’a pas vocation à créer son entreprise. Mais le modèle omniprésent du salariat va évoluer. On sent une vraie tendance au découplage de l’activité et du contrat de travail. Demain, de plus en plus de salariés voudront alterner un emploi dans une entreprise, un autre dans une association et, le soir, développer un business de brocante. Comment faire pour maintenir un système de protection sociale adapté à ces nouvelles situations ?

Le Conseil national du numérique vient de s’emparer de ce sujet complexe. Nous allons devoir imaginer un système centré sur l’individu et non pas sur le seul statut. Le risque serait de laisser des millions de gens sans filet de protection sociale.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy