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Les écoles cultivent la graine de boss !

À la une | publié le : 03.09.2015 | Emmanuelle Souffi

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Les écoles cultivent la graine de boss !

Crédit photo Emmanuelle Souffi

Être chef d’entreprise, ça s’apprend. écoles et universités multiplient les cursus pour faire de leurs étudiants de vrais – et solides – entrepreneurs.

L’un vient d’HEC, l’autre de l’Epitech. S’ils n’avaient pas suivi le module « entrepreneuriat » de la prestigieuse école de commerce, ces cracks du numérique ne se seraient jamais croisés. Et la France du numérique en aurait été fort marrie. Car Mohamed Errbel et Romain Sylvian ont remporté voilà deux ans le concours mondial de la meilleure start-up décerné par l’université californienne de Stanford. Deux Frenchies distingués parmi 900 projets… L’image a de quoi faire rêver des bataillons de jeunes en quête de sens, qui se cherchent un avenir en dehors des sentiers balisés de l’hypothétique CDI.

En quelques années, le démon de la création a emporté nos étudiants. À l’image des métropoles, les établissements d’enseignement supérieur se font la guerre pour attirer ces futurs entrepreneurs. « En 2006, on recensait à peine une dizaine de formations spécialisées. Aujourd’hui, il y en a plus d’une centaine et autant d’incubateurs d’écoles », calcule Joël Saingré, directeur d’Incuba School, une structure commune aux écoles de la chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), et vice-président de l’association Incubateurs de l’enseignement supérieur.

MODULES DÉDIÉS

Plus lentes à rejoindre le mouvement, les universités ne sont pas en reste. « Elles ont largement modifié leur schéma de pensée », observe Benoît Lorel, directeur académique de l’ISG. Grâce au lancement, en septembre 2014, de 29 Pépite (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat) qui associent des établissements privés et publics et mutualisent les moyens, elles proposent des cursus et des modules de sensibilisation dédiés. Ils sont 92 813 à les avoir suivis l’an dernier. Ceux qui souhaitent sauter le pas bénéficient alors du statut d’étudiant-entrepreneur, créé fin 2014.

Le futur patron peut ainsi plancher sur son projet tout en décrochant un diplôme spécialisé. Et conserver le bénéfice de la Sécurité sociale. Une petite révolution. « La faculté est autant capable d’enseigner l’entrepreneuriat qu’une école de commerce ! Aujourd’hui, on le pratique de la licence au doctorat, de façon optionnelle ou obligatoire », détaille Nhan Doan, délégué aux incubateurs étudiants au sein de la très active Pépite Eca (Entrepreneuriat campus Aquitaine). à Bordeaux, l’IUT délivre une licence professionnelle entrepreneuriat, l’IAE un master création et reprise d’entreprise et l’IEP un master en économie sociale et solidaire !

Car être chef d’entreprise, c’est un métier. Et élaborer une stratégie, ça s’apprend. « L’entrepreneuriat est devenu une marque de fabrique qui irrigue même ceux qui ne créeront pas. Les valeurs qu’il véhicule sont appréciées des recruteurs », analyse Marcos Lima, responsable du département marketing, management, entreprendre du pôle universitaire Léonard-de-Vinci. Selon la dernière enquête de la Conférence des grandes écoles, 1 % des élèves en école de management ont monté leur société en 2014, contre 0,8 % en 2013.

Ces taux faibles ne reflètent pas l’engouement général. À l’Epitech, d’où sont sortis le site d’information pour ados Melty et la plate-forme Docker – qui vient de lever 40 millions de dollars –, le nombre d’élèves ayant eu une expérience entrepreneuriale a doublé cette année pour atteindre 24 %. L’incubateur de la CCIP, lui, va multiplier par deux sa capacité d’accueil à l’horizon 2017. En février, celui d’HEC a reçu une centaine de dossiers pour 16 places. « Nous avons une réelle accélération du nombre de jeunes qui créent dans la foulée de leurs études. Il y a dix ans, ils étaient 3 à 4 % contre 12 % en 2013 », note Eloïc Peyrache, directeur délégué. Même la vénérable École nationale des ponts et chaussées (ENPC) possède son parcours entrepreneur et sa Nuit pour entreprendre. « Les créateurs font figure de héros. L’économie a besoin d’idées nouvelles pour évoluer », justifie Armel de la Bourdonnaye, son directeur.

DU CONCRET, DU VÉCU

Quand l’envie est là, les moyens d’y donner corps exigent un solide background. « On fait gagner du temps à nos élèves, relève Emmanuel Carli, directeur de l’Epitech. Et le meilleur allié de l’entrepreneur, c’est justement le temps ! » Serial entrepreneur depuis ses 18 ans, Maxime Bourassin a éprouvé le besoin de suivre le bachelor entrepreneuriat de Novancia. C’est en deuxième année qu’il a créé Isol’Centre, spécialisé dans les solutions d’isolation en éco matériaux. « Bien vulgariser le concept, poser sa voix, occuper l’espace, concevoir un business plan… On se nourrit des astuces des entrepreneurs qui nous coachent, souligne le jeune homme. Grâce à eux, j’ai décroché mon prêt. » Autre exemple, celui de Léo et Violette, qui ont travaillé longtemps sur leur marque éponyme… au doigt mouillé. « On fonctionnait au feeling, se souvient le premier, diplômé de l’école de management du pôle universitaire Léonard-de-Vinci. L’école nous a permis de voir à long terme, de dessiner une vraie stratégie de marge, de prix, de cible. » Avec un chiffre d’affaires en hausse de 45 % en un an, ses cartables élégants cartonnent.

À l’inverse des cours en amphi, les pédagogies reposent ici sur le learning by doing. Du concret, du vécu, des conseils. « Former à l’entrepreneuriat modifie les pratiques d’enseignement car les étudiants sont plus acteurs que consommateurs de leur apprentissage », remarque le directeur de l’ENPC. Travaux en équipe et par projet guident les formations. à l’Epitech, les innovative projects sont le point d’orgue d’un processus de sensibilisation qui démarre en première année. Par groupe de cinq, cornaqués par des pros, les étudiants ont deux ans pour trouver une bonne idée, concevoir un prototype puis le présenter devant un parterre de 300 entreprises. à l’UTC, le cursus « entrepreneuriat élite » permet de mettre sur les rails sa TPE tout en suivant des cours allégés. Chaque graine de boss est accompagnée par un enseignant et un diplômé qui a monté sa boîte. Chez Novancia, les 66 étudiants du master en business development, option entrepreneuriat, doivent réfléchir à un support visuel (film, pièce de théâtre…) illustrant l’esprit d’entreprendre. « Nous devons les sensibiliser à ce qu’est un entrepreneur et à l’incertitude qu’il peut connaître », note Noreen O’Shea, coordinatrice de la majeure « entrepreneuriat ».

Reste que cette avalanche de pratiques intuitives a un coût. Très élevé. Soit 500 000 euros pour l’incubateur de la CCIP avec une quarantaine d’entrepreneurs vacataires. Et même 1 million pour celui de l’école des mines de Douai. à côté, les 2,5 millions d’euros dédiés aux fameuses Pépite n’ont rien d’étincelant.

“On défend un projet qui nous tient à cœur”

LÉO DOMINGUEZ, cocréateur de Léo et Violette, qui conçoit des sacs vendus en ligne

Avec Violette, on cherchait un cartable pour transporter nos ordinateurs. Finalement, on a préféré créer le nôtre à partir de modèles vintage ! Grâce à la plate-forme de crowdfunding Kickstarter, nous avons récolté 60 000 dollars, soit 160 précommandes, deux tiers de plus que ce qu’on prévoyait. Chanteuse lyrique, Violette s’occupe de la partie créative. Moi, de tout le reste. On défend un projet qui nous tient à cœur. Le matin, je ne me dis pas : « Je vais travailler. » Mais : « Je vais développer la marque. »

Auteur

  • Emmanuelle Souffi