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JCDecaux fait grandir les jeunes pousses

À la une | publié le : 03.09.2015 | Emmanuelle Souffi

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JCDecaux fait grandir les jeunes pousses

Crédit photo Emmanuelle Souffi

Pour accroître ses liens avec les start-up et explorer de nouveaux marchés, le leader de la communication extérieure a créé un incubateur sur les services urbains connectés. Une démarche fructueuse.

Coincée entre les grues et le périphérique parisien, cette énorme boîte abrite l’un des incubateurs les plus actifs de la capitale. À Masséna, des dizaines de start-up cogitent sur de nouvelles applications qui changeront notre quotidien de demain. C’est là que Paris Incubateurs et JCDecaux ont lancé un nouvel espace dédié aux services urbains connectés. L’aventure a démarré voilà deux ans. À l’époque, il n’existait qu’un dispositif de ce type sponsorisé par le secteur privé : celui de Renault autour de la mobilité connectée. Depuis, une dizaine de grandes entreprises, soucieuses de tisser des liens étroits avec les pépites du digital, ont lui emboîté le pas. Elles ont noué des partenariats avec la mairie de Paris qui cherche à développer son attractivité économique. L’écosystème profite à tous : les grands comptes innovent ainsi à moindres frais, les jeunes pousses testent et améliorent leurs produits. Et la collectivité bénéficie de la force de frappe d’entreprises ayant pignon sur rue.

Imaginer les solutions qui révolutionneront les modes de communication en ville : pour le roi de l’affichage, s’appuyer sur l’agilité de ces petites sociétés permet de défricher des territoires trop pointus pour être investi totalement. C’est ce qu’on appelle l’open innovation, le partage d’idées intelligentes. « Nous serons plus forts demain en intégrant des savoir-faire et des technologies parfaitement développés par ces start-up, pense Albert Asseraf, directeur général stratégie, études, et marketing de JCDecaux. La révolution numérique est en marche, la transformation des organisations, des entreprises et du travail va être considérable. » Pour garder une longueur d’avance, le numéro un mondial du mobilier urbain accompagne donc trois sociétés : Aerys, Park24, TellMePlus. Stratégique mais aussi logique pour une entreprise familiale partie de rien, voilà cinquante ans.

PÉTANQUE VIRTUELLE

Créée en 2010 par trois amis ingénieurs, Aerys a été sélectionnée par un jury composé de JCDecaux, Paris Incubateurs, la ville de Paris, Oséo et un avocat. En plus de l’hébergement (payant) à Masséna et d’un coaching des spécialistes de Paris Incubateurs, cet éditeur de logiciels bénéficie du mécénat de compétences du groupe français. En deux ans et demi, réunions et brainstormings avec les services commerciaux et marketing ont permis à Aerys d’élaborer un prototype de plate-forme de contenus interactifs. Cette TPE de 10 salariés veut transformer le smartphone en télécommande. Vous passez devant une boutique ? Hop, vous personnalisez la paire de baskets qui défile sur l’écran sous vos yeux. Vous patientez dans une file d’attente au cinéma ? Hop, vous choisissez de regarder la bande-annonce d’un film qui vous tente. De quoi dynamiser les messages publicitaires… et ne plus les subir !

Une idée à laquelle JCDecaux n’avait pas pensé. « C’est un complément à notre R&D intégrée et au travail de nos 150 ingénieurs, souligne Isabelle Mari, directrice des études stratégiques et du marketing public, qui s’est beaucoup investie dans l’incubateur. Aerys avait du mal à trouver les marchés, à structurer son offre. On a donc travaillé avec eux à la définition d’un produit commun. épauler ces start-up permet de modifier la façon dont on appréhende notre business. »

Les geeks ont également développé un jeu de pétanque virtuelle, où le téléphone, un peu comme la télécommande de la Wii, remplace la main. Présenté aux Lions de la publicité fin juin à Cannes, il a cartonné. La société en plein envol s’attaque à un autre projet avec Métrobus, la régie des transports urbains. « Aujourd’hui, on peut vraiment montrer que ça marche. C’est important pour lever des fonds », se réjouit Jean-Marc Leroux, président cofondateur. Qui a pu également étoffer son carnet d’adresses chez JCDecaux. Hébergée par le groupe, Aerys n’est plus une start-up lambda. « Il y a une bienveillance qu’on ne retrouve pas chez un client traditionnel », observe le patron d’Aerys. Park24 a aussi bénéficié de cette reconnaissance. Le spécialiste du stationnement intelligent a équipé l’immense parking de l’afficheur, dans les Yvelines, de capteurs permettant d’indiquer en temps réel les places libres et de guider l’automobiliste. Une nouvelle expertise gagnée pour le pro de la com, qui cherche à explorer tous types de connexion dans l’espace public.

MÉCÉNAT DE COMPÉTENCES

Le hasard fait parfois bien les choses… Durant deux ans, JCDecaux héberge également dans ses bureaux de Neuilly-sur-Seine une TPE francilienne en plein développement, dans le cadre du partenariat noué avec Neuilly Nouveaux Médias. Cette association lancée par le maire Jean-Christophe Fromantin regroupe une vingtaine de multinationales implantées sur la commune (Chanel, Clarins, M6, Altran…) et proposant des locaux gratuits à de jeunes entreprises innovantes triées sur le volet.

Installée à côté de l’équipe créative de JCDecaux, Playtouch a développé des jeux vidéo pour des tablettes interactives installées dans les jardins publics, ce qui n’était pas du tout prévu au départ. « La proximité a une importance. Si Playtouch n’avait pas été là, jamais nous n’aurions pensé à eux ! » reconnaît Isabelle Mari. Cette entreprise fondée par un ancien d’Orange a pu passer à la vitesse supérieure. « On ne s’est pas retrouvé au fin fond d’une cour d’immeuble. Cela crédibilise le projet aux yeux des investisseurs », note Stéphane Hervé, le fondateur.

Soutenir l’entrepreneuriat suppose toutefois de mobiliser des ressources en interne, parfois déjà fortement sollicitées… « Le mécénat de compétences est forcément chronophage. Il faut que ce soit accepté par les managers et valorisé », relève Isabelle Mari. Ces coachs internes sont tous volontaires et bénévoles. En R&D, leur curiosité naturelle sert de détonateur. Mais le temps passé peut engendrer quelques tiraillements.

Entre le mastodonte de 12 000 salariés dans le monde et la TPE, les cultures ne sont pas similaires. Le numérique concurrence la traditionnelle affiche en papier. La lourdeur hiérarchique de l’une cogne avec la réactivité de l’autre. « Une réunion tous les trois mois, des documents de 40 pages à remplir, des délais de paiement à plus de 90 jours…. Tant que les entreprises géreront leurs relations avec les start-up comme celles avec de grands groupes, les liens ne se créeront pas », prévient le directeur stratégie de JCDecaux. Pourtant, le jeu en vaut la chandelle. « Les soutenir concourt au dynamisme de l’économie, à la croissance, à l’emploi et à la constitution d’un écosystème de référence en France », plaide Albert Asseraf. Le partage appliqué au business, en quelque sorte…

Ils ont aussi des incubateurs

→ La SNCF sur le voyageur connecté

→ Renault sur la mobilité connectée

→ Engie (ex-GDF Suez) sur l’énergie en ville

→ ADP, Air France, Amadeus, Carlson Wagonlit Travel, Galeries Lafayette, Sodexo Prestige et Viparis sur le tourisme

“Je retrouve du travail demain, si je veux”

JEAN-MARC LEROUX, président et créateur d’Aerys (logiciels d’application 3D )

Avec un copain de lycée et un autre de promo, on a voulu créer un mix entre Facebook et Second Life.

La 3D offre quantité de possibilités pour créer des contenus interactifs. Si des jeunes comme nous ne montent pas leur société, qui va le faire ? Avec mon diplôme de l’Epita, si je démissionne, je retrouve du boulot demain. Nous sommes 10 et nous voulons rester indépendants, maîtres de nos concepts et de notre modèle social.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi