À l’heure où les discriminations raciales reviennent sur le devant de la scène – côté obscur avec le fichage ethnique d’écoliers à Béziers, côté lumière avec le rapport Sciberras et ses mesures pour « lutter contre » dans l’emploi –, voilà un docu qui tombe à pic. Mieux qu’un énième tableau des difficultés d’intégration, la Ligne de couleur nous fait pénétrer l’intimité, et les blessures identitaires, de 11 Français contraints de penser leur couleur. Thérapeute, chroniqueur radio ou élu, ils racontent ces regards qui les enferment dans la catégorie « enfants d’immigrés » avec son lot de fantasmes, de « tares façon légende », dit l’un.

Parce qu’elle a la peau noire, la réalisatrice, Alice, est régulièrement prise pour l’assistante ou félicitée pour son excellent niveau de français. Jérémie ou Jean-Michel, soumis à des contrôles d’identité. Yumi, la comédienne, a fini par abandonner les planches pour le doublage de films où, même là, elle est réduite aux voix d’actrices asiatiques ! « Le plus dur n’a pas été d’entrer au conseil municipal », confie Mehdi. Mais de s’y faire accepter. Comme s’il était incongru d’être élu et de porter un nom maghrébin. La question de la légitimité à être ici est omniprésente dans ces confessions filmées sous forme de « lettres à… » un père, une mère, François Hollande. Un exercice casse-gueule dont Laurence Petit-Jouvet se tire haut la main, avec ces 11 chroniques de vie, personnelles et sensibles.

La Ligne de couleur (79 min), de Laurence Petit-Jouvet. Sortie le 17 juin.