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Les accords de branche plébiscités

Dossier | publié le : 02.06.2015 | V. D.

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Les accords de branche plébiscités

Crédit photo V. D.

Par souci de simplification et d’efficacité, les secteurs riches en PME négocient beaucoup. Mais l’abrogation des clauses de désignation de l’assureur ne facilite ni le pilotage ni l’équilibre des régimes.

Après un retard à l’allumage dû à la publication tardive, en janvier, du décret encadrant les nouvelles modalités de recommandation des organismes d’assurance, les négociations sur la création de régimes de branche en complémentaire santé battent leur plein. Comme en témoignent les dizaines d’appels d’offres lancées depuis le début de l’année. Ou encore la cellule dédiée que la Comarep – l’instance composée de partenaires sociaux chargée d’émettre un avis sur l’extension de ces accords –, envisage de mettre en place pour éviter l’engorgement.

Car, à l’inverse des branches plutôt dominées par les grandes entreprises, comme la chimie, « les chambres patronales, majoritairement composées de PME, ont à cœur de parvenir à un accord », estime le responsable commercial d’une grande mutuelle interprofessionnelle. Que ce soit par souci d’apporter une solution clés en main à ces PME, de faciliter leur adhésion, de simplifier le pilotage de leur régime ou encore par intérêt bien compris. « Le résultat de ces négociations comptera lorsqu’il s’agira de faire la preuve de la représentativité patronale, en 2017 », poursuit cet expert.

Sur le fond, « ces négociations de branche aboutissent à des paniers de soins un peu supérieurs à celui de l’accord national interprofessionnel de janvier 2013, complété par des options destinées aux entreprises déjà couvertes, mais toujours dans la limite du contrat responsable », observe Olivier Ferrère, du cabinet LPSB Conseil. « Signer un accord se limitant au quasi-minimum légal n’a pas d’intérêt », abonde Xavier Guillot (CGT), qui a ainsi justifié son refus d’avaliser, fin février, le nouveau régime destiné aux 280 000 salariés des établissements hospitaliers et médico-sociaux non lucratifs. « Les PME qui pensaient anticiper la généralisation au 1er janvier de la complémentaire santé collective en se dotant d’une couverture ANI vont devoir se mettre en conformité avec ces nouveaux régimes de branche », prévient Jérôme Boni zec, directeur général de l’opérateur dédié Adéis.

Un choix épineux

La grande nouveauté de ces accords concerne l’obligation d’instituer un financement d’au moins 0,2 % dédié à des prestations présentant « un haut degré de solidarité », en cas de recommandation d’un organisme assureur. Si certaines chambres patronales, et notamment le BTP et la métallurgie, ont jeté l’éponge, d’autres s’y attellent… plutôt laborieusement. « Cela peut diminuer les trous dans la raquette de l’accès aux soins des salariés à temps très partiel, en congé parental ou encore en formation non rémunérée », plaide pourtant Dominique Drouet, secrétaire confédérale de la CFDT. « Une branche en a ainsi profité pour réduire de moitié le coût de la complémentaire santé des salariés qui, à défaut, auraient dû y consacrer plus de 10 % de leur rémunération », abonde Jérôme Bonizec, d’Adéis. Sur les autres volets, en particulier celui de la prévention, « les commissions paritaires vont devoir se montrer proactives et inventives s’agissant, par exemple, de la prise en charge de la pénibilité », soulignait Christian Schmidt de La Brélie, directeur général de Klesia, lors des « rencontres experts » de ce groupe de protection sociale. « Et les assureurs, sortir de leur catalogue d’action sociale ! » lui répondent en écho les consultants des branches.

Le choix de l’organisme assureur reste épineux pour les gestionnaires de ces nouveaux régimes. « L’immense majorité d’entre eux ne s’est pas encore rendu compte de la révolution engendrée par la suppression en 2013, par le Conseil constitutionnel, des clauses visant à désigner un opérateur d’assurance », observe l’avocate Laurence Lautrette. Au point qu’« ils continuent à se raccrocher au moindre espoir de les voir renaître ». À l’instar de la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, datée de février, qui confirme la validité des clauses incluses dans les accords signés avant ce fatidique 13 juin 2013.

Côté employeurs, on se serait volontiers contenté, comme dans la métallurgie, d’une simple labellisation de contrat. Sauf que les syndicats continuent de pousser à la recommandation qui suppose une mise en concurrence des organismes et la prévention des conflits d’intérêts entre négociateurs et administrateurs des organismes. « Cette procédure est devenue une véritable usine à gaz », fulmine Philippe Pihet (FO), qui en a contesté la validité devant le Conseil d’État. « À trop vouloir verrouiller les appels d’offres, on finit par entraver notre liberté de négociation », estime Bruno Delavant, de la FGMM CFDT. Tout cela pour un résultat mitigé : « Le nombre d’organismes en compétition a plutôt tendance à diminuer et il n’est pas rare que sur la vingtaine d’assureurs venus récupérer l’appel d’offres, seuls cinq se portent effectivement candidats », observe le consultant Olivier Ferrère.

Surtout, « les entreprises conservent la liberté de s’assurer où elles veulent », se dé sole Philippe Pihet. « Cela nous contraint à naviguer à vue en termes de pilotage de l’équilibre du régime », reconnaît Frédéric Malterre (FGA CFDT). Pour éviter l’hémorragie, certains ont bien sûr cherché une parade : les services automobiles ont ainsi obligé tous les garages, quel que soit leur assureur, à verser leur cotisation de solidarité dans un fonds dédié géré par… le groupe de protection sociale IRP Auto. Un cas encore isolé : « Tout dépend de la représentativité des chambres patronales et de la pression commerciale des offres concurrentes calquées sur celle de l’accord de branche », note Olivier Ferrère.

Mesures correctrices

« L’absence de mutualisation n’a pas le même impact en santé qu’en prévoyance, où son incidence peut effectivement mettre à mal la solidité d’un régime », ajoute Philippe Hourcade, chargé de développement au sein du groupe mutualiste Adréa-Eovi MCD. Conscients de cette faiblesse du dispositif, les pouvoirs publics ont d’ailleurs demandé à l’ancien directeur de la Sécu, Dominique Libault, de proposer des mesures correctrices d’ici à la fin du premier semestre. La suppression des clauses de désignation pose enfin la question du pilotage des provisions censées permettre aux régimes de branche d’encaisser les coups durs tels qu’un décès ou une invalidité. En l’absence de centralisation chez un assureur unique, celles-ci risquent d’être disséminées entre plusieurs prestataires. Ou, au contraire, de s’accumuler au-delà du nécessaire, faute d’un pilotage paritaire centralisé. Jusque-là, les partenaires sociaux avaient tendance à vivre sur des usages, voire à laisser la bride sur le cou de leur organisme désigné.

Cette fois, « s’ils veulent continuer à exister, patronat et syndicats vont devoir reprendre la main sur le pilotage du régime, en se dotant de règles de gouvernance de leurs régimes de protection sociale comparables à celles d’un fonds de pension », met en garde Sylvain Rousseau, du cabinet AOPS. Dans cette perspective, ce dernier a invité les cinq organisations syndicales à se doter d’une véritable charte de gouvernance des régimes de branche mettant en avant les bonnes pratiques en matière de transparence, de reporting et de gestion des excédents et des provisions. Avec l’ambition de faire signer cette charte aux organismes assureurs. Reste maintenant à voir comment les principaux concernés vont s’en emparer.

L’intérim, branche phare des négos

C’est l’une des négociations de branche les plus emblématiques de la généralisation de la complémentaire santé collective.

Les partenaires sociaux du travail temporaire se sont en effet donné l’ambition d’instaurer début 2016 un accord frais de santé à destination des intérimaires. Reste à savoir combien, parmi les 2 millions de salariés envoyés en mission par an, seront concernés.

Estimant que « la couverture de tous les travailleurs temporaires dès la première heure serait ingérable », Prism’emploi, la fédération patronale, exige l’insertion d’une clause d’ancienneté minimale pour en bénéficier.

Selon la dernière mouture du projet, celle-ci a été fixée à 500,5 heures de travail dans les douze derniers mois en incluant « l’équivalent temps de l’indemnité compensatrice des congés payés ». « Le calcul s’effectuerait sur la base de toutes les heures d’intérim réalisées, quelle que soit l’entreprise concernée », plaide François Roux, délégué général de Prism’emploi.

À la demande des syndicats, le projet prévoit, en contrepartie, que les intérimaires n’ayant pas l’ancienneté suffisante pourront souscrire à une couverture santé facultative équivalente proposée par le Fonds d’action sociale du travail temporaire. Quitte à bénéficier, sous condition de ressources, d’un cofinancement du Fastt, prélevé sur la cotisation de 3 % dédiée aux prestations présentant un haut degré de solidarité. Surtout, le patronat suggère d’accorder aux bénéficiaires du régime de branche une portabilité améliorée par rapport à celle de l’ANI. Ainsi, le texte prévoit que tout intérimaire couvert aura droit à deux mois de portabilité, auxquels s’ajoutera une prise en charge conventionnelle de six mois.

Auteur

  • V. D.