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Les entreprises tentent d’apprivoiser le fait religieux

Actu | A suivre | publié le : 02.06.2015 | Catherine Abou El Khair

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Les entreprises tentent d’apprivoiser le fait religieux

Crédit photo Catherine Abou El Khair

La religion se manifeste de plus en plus souvent sur le lieu de travail. Ce qui oblige les directions à réfléchir à leurs politiques sur le sujet.

Circulez, il n’y a rien à voir ! Alors que certains parlementaires UMP en appellent à une loi « d’envergure » sur la laïcité au travail, les entreprises continuent de traiter le sujet en toute discrétion. Mais sans l’ignorer. Elles y sont contraintes, car la religion se manifeste de plus en plus ouvertement dans les bureaux et les usines. La tendance se confirme d’année en année, si l’on en croit la dernière étude de l’Institut Randstad et de l’Observatoire du fait religieux en entreprise : 23 % des cadres se disent aujourd’hui confrontés au moins une fois par mois au sujet, contre 12 % début 2014. Au-delà des aménagements exigés pour pratiquer sa religion, le besoin d’afficher sa foi s’affirme. Le port de signes ostentatoires devient le deuxième cas le plus fréquemment rapporté par les managers, devant les demandes d’aménagement du temps de travail.

Voilà de quoi perturber les collectifs de travail, dans un pays empreint de culture laïque qui considère que la religion relève de l’intime. Les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher n’ont rien arrangé. « L’entreprise privée doit faire respecter la liberté de conviction. Elle ne peut se référer ni au principe de laïcité ni à celui de neutralité », rappelle Françoise Guichard, directrice éthique et compliance d’Engie (ex-GDF Suez). En octobre dernier, la commission diversité du Medef avait publié son propre document des bonnes pratiques pour traiter les convictions religieuses en entreprise. Objectif : prévenir tout risque de condamnation pour discrimination. Un danger bien réel. Un mois plus tôt, Carrefour avait été condamné aux prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’une caissière voilée à son poste de travail.

Au-delà du strict respect de la loi, l’enjeu est, pour les entreprises, de fournir des réponses adéquates. « Le manager peut se retrouver sous pression lorsqu’il est confronté à un groupe formulant des demandes à motifs religieux. Une réponse inadaptée peut conduire à des tensions sans permettre de gérer efficacement le problème », prévient Philippe Humeau, qui dispense des formations à la gestion du fait religieux. Certaines entreprises ont pris l’initiative de briefer leurs managers en diffusant des guides. Casino, EDF, La Poste, SNCF, Orange, Bouygues Construction, Engie sont de celles-là. D’autres s’y mettent. À l’image de Renault, qui vient de constituer une équipe interne sur le sujet. Ou du Crédit agricole, en plein chantier. L’association Dialogues phosphore elle aussi. Elle a lancé tout récemment un groupe de travail ad hoc, piloté par l’ancien directeur des normes sociales internationales du BIT, Jean-Claude Javillier, auquel participent des DRH de grandes entreprises.

Le sujet travaille particulièrement les multinationales hexagonales. Qui s’interrogent sur la pertinence d’élaborer des principes ayant vocation à s’imposer non seulement en France, mais aussi dans leurs filiales étrangères. Pas simple, voire impossible, tant les législations et les cultures diffèrent d’un pays à l’autre, des États-Unis à l’Arabie saoudite, de l’Inde au Royaume-Uni. Un chantier hyperardu auquel s’est pourtant attelé le Cercle d’éthique des affaires, qui a fait plancher une douzaine de déontologues de grands groupes. L’association vient de publier des principes directeurs en la matière. Elle y recommande notamment de « reconnaître l’existence du fait religieux en tant que tel » mais en veillant à ne pas privilégier les demandes à caractère religieux par rapport aux autres.

Un dosage subtil, y compris dans l’Hexagone. « Une entreprise qui souhaite gérer le fait religieux risque de rencontrer des oppositions en interne. Pour avancer, il faut déjà qu’elle ait mis en place une vraie politique de diversité », estime Fella Imalhayene, consultante chez JLO Conseil. Un cabinet qui, après les attentats de janvier, a monté une offre d’accompagnement à la gestion du fait religieux.

Auteur

  • Catherine Abou El Khair