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L’apprentissage est-il vraiment en crise dans l’Hexagone ?

Actu | L’éco du mois | publié le : 02.06.2015 |

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L’apprentissage est-il vraiment en crise dans l’Hexagone ?

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Bertrand Martinot : oui…

Avec une chute de 11 % en deux ans, on peut véritablement parler d’une crise de l’apprentissage. Et la mauvaise conjoncture économique n’explique pas tout, puisque notre pays avait été capable d’absorber rapidement l’impact de la récession de 2008-2009. Dans ces conditions, les Rustine ne suffisent plus : on peut multiplier les baisses de charges, les primes de 1 000 euros ou autres, mais il est urgent de reconnaître que cette crise est systémique et qu’elle renvoie à l’organisation de la formation initiale des jeunes dans son ensemble. De ce point de vue, une comparaison avec le système allemand est éclairante et fournit quelques pistes pour sortir de cette crise par le haut. C’est l’objectif du rapport que j’ai réalisé pour l’Institut Montaigne, qui a été publié le mois dernier.

On peut en tirer trois enseignements essentiels pour la France. Premièrement, il faut mettre fin au capharnaüm actuel qui veut que la voie scolaire (lycée professionnel) soit financièrement et institutionnellement séparée de l’apprentissage. Tout l’enseignement professionnel initial devrait être à la main des régions et sortir du jeu l’Éducation nationale au niveau régional. Deuxièmement, les partenaires sociaux devraient être davantage impliqués dans les orientations stratégiques en régions. À l’échelon national, ils devraient être plus associés à l’élaboration du contenu des enseignements, aujourd’hui bien trop axés sur l’enseignement général. Enfin, l’apprentissage devrait progressivement devenir la voie obligatoire de préparation à la plupart des métiers de niveau CAP et bac pro, alors qu’il subit la concurrence des lycées professionnels, moins efficaces pour insérer les jeunes mais cependant largement valorisés par l’Éducation nationale.

Bruno Coquet : mais

On ne peut conclure sans nuance à une crise généralisée, même si les facteurs structurels qui stimulent l’apprentissage ont cessé de compenser les effets de la crise économique. Jusqu’en 2013, le dynamisme de certains pans du dispositif a poussé les entrées vers des niveaux record (près de 300 000 par an en 2008, 2011 et 2012). La crise dont il est question aujourd’hui est apparue il y a deux ans avec le repli brutal des embauches d’apprentis, qui ont retrouvé leur niveau de 2006, soit 273 000. Malgré tout, cette crise de l’alternance est très localisée, limitée à certaines branches. En particulier le bâtiment, où la chute des embauches est ininterrompue depuis 2008. Ce secteur représente à lui seul 88 % du recul de l’apprentissage tous secteurs confondus. À l’opposé, l’expansion perdure dans le secteur tertiaire (+ 12,5 % par rapport à 2008), et l’industrie résiste.

Sur le plan structurel, l’apprentissage croît toujours fortement dans l’enseignement supérieur (les niveaux I à III, avec une hausse de 40 % depuis 2008), tandis que les cibles traditionnelles subissent la chute des recrutements. Avec une baisse de 22,2 % depuis 2008 pour les niveaux IV et V et de 28,5 % pour les 16-17 ans, au plus bas depuis vingt ans. En parallèle, l’apprentissage recule dans les petites entreprises et progresse dans les grandes. Effet collatéral de la crise du bâtiment, réforme du BEP, ou autre explication ? Les raisons précises de ces ruptures structurelles sont délicates à identifier. Sans parler indistinctement de crise, il existe de réels défis au-delà de la conjoncture, car des évolutions structurelles modifient la nature et l’utilité de l’apprentissage. Cela invite à un examen du dispositif afin de redonner toute leur place aux publics et aux employeurs pour lesquels il est d’une efficacité sans équivalent.