logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Les globe-trotters sous haute surveillance

Dossier | publié le : 04.05.2015 | C.A.

Image

Les globe-trotters sous haute surveillance

Crédit photo C.A.

À l’heure où la violence explose en divers lieux du globe, la santé et la sécurité des salariés sont plus que jamais une priorité dans les groupes. Pour attirer des talents et garantir la poursuite des activités.

Tunisie, 2011. En quelques semaines, ce petit pays, où les expatriés s’estimaient en sécurité, change de visage. Les émeutes qui suivent la « révolution du jasmin » les plongent dans la panique. Et leurs employeurs se retrouvent pris de court. « Certaines entreprises n’avaient ni dispositif de sûreté ni plan d’évacuation. Leurs salariés étaient dispersés partout. Et elles manquaient d’officiers de sécurité sur place. Résultat, les sociétés de gardiennage locales ont gagné des fortunes », raconte Louis Caprioli, conseiller spécial du groupe de sécurité Geos. Et c’est peu dire que la planète ne s’est pas apaisée depuis, de la Syrie au Yémen, du Kenya à l’Ukraine, sans oublier la Libye.

Du côté des risques santé, ce n’est guère mieux. Après la grippe A et le Sras, le virus Ebola a fait office de piqûre de rappel. « Les risques pandémiques ont augmenté », estime Guillemette Latscha, présidente de la commission santé du Cindex, un club interentreprises où se partagent informations et bonnes pratiques. Et ce n’est pas fini, d’après la médecin coordonnatrice du groupe Renault, qui emploie 1 300 collaborateurs en mobilité. « Nous sommes inquiets des cas de grippe porcine qui se multiplient en Inde. Pour l’instant, nous avons informé les salariés sur place des risques et leur avons rappelé les mesures d’hygiène. Au prochain seuil d’alerte, nous actionnerons des détecteurs de température à l’entrée des sites pour déceler les symptômes de fièvre », précise-t-elle.

Sauf cas extrêmes, telle la guerre en Syrie, les entreprises ne renoncent pas à l’expatriation. Difficile de faire une croix sur des projets de développement au Nigeria, un pays riche en matières premières mais où les enlèvements d’étrangers sont monnaie courante. « De plus en plus de salariés sont envoyés dans les zones à risque. En Afrique, par exemple, la main-d’œuvre peut être locale, mais pas les ingénieurs et cadres », explique Chantal Serabian, responsable des assurances collectives chez April International. Résultat, les entreprises bétonnent leurs systèmes de veille et de protection : sécurité des bureaux et des sites, des transports, briefing des chauffeurs… « La vigilance a toujours tendance à baisser. Conséquence, après des cas d’incidents graves, les entreprises nous demandent des audits pour vérifier que leurs mesures sont toujours efficaces », explique Louis Caprioli, de Geos. Et les déplacements professionnels sont autorisés pour peu qu’un centre de santé jugé fiable et accessible existe dans les environs.

Plus qu’avant, les salariés en mobilité demandent à être rassurés. Le manquement d’une entreprise au devoir de protection de ses salariés ternit durement sa réputation. En cas d’incident en raison de l’absence de mesures de protection, les employeurs peuvent vite être mis en cause pour faute inexcusable. Après la mort d’ingénieurs français à Karachi, d’autres jurisprudences ont fait date. Comme dans le cas de cette salariée de Sanofi, expatriée à Abidjan, à qui la Cour de cassation a donné raison en 2011. Bien qu’agressée dans le cadre d’un déplacement privé, les juges ont confirmé la responsabilité de l’employeur, qui s’est révélé sourd aux alertes répétées de la plaignante. Alors même que la capitale économique de la Côte d’Ivoire constitue une zone à risque.

Facture salée

Autrefois, les expatriés acceptaient d’aller dans des zones quasi désertes. Plus maintenant. Ils ont aujourd’hui de plus grandes attentes en termes d’accès aux soins et de sécurité », explique Arnaud Derossi, directeur médical régional chez International SOS. Une nouvelle donne à laquelle le groupe Capgemini, dont 20 000 collaborateurs sont mobiles dans 100 pays, a dû se plier. De la perte du passeport au souci de santé en passant par la disparition d’un bagage…, le prestataire avec lequel la SSII travaille gère le tout-venant, y compris les petites frayeurs. Et propose une assistance en cas de problème. « Nous sommes capables de suivre les déplacements internationaux du collaborateur en temps réel pour le rapatrier ou lui porter assistance sur le plan médical si nécessaire », explique Jean-Baptiste Hebrard, directeur de la mobilité internationale du groupe.

Maintenir de hauts standards de sécurité et d’accès aux soins a néanmoins un prix. Et les entreprises tiennent à limiter leurs coûts. Ce qui passe par une préparation minutieuse de l’expatriation. Un bilan de santé complet est imposé pour détecter toute pathologie incompatible avec une installation à l’étranger. Des vérifications qui peuvent aller jusqu’à l’examen psychologique pour apprécier la capacité de résistance au stress ! Sur le plan de la sécurité, il faut former aux codes sociaux et culturels du pays d’accueil, faire connaître les pièges à éviter selon les niveaux d’insécurité. Mais le risque zéro n’existe pas… Et la facture peut vite devenir salée en cas d’incident. En particulier lorsqu’il faut procéder à une évacuation ou à un rapatriement. Un transport par avion long-courrier, notamment médicalisé, peut vite s’élever à des centaines de milliers d’euros ! Sans être forcément couvert par les assurances, ni constituer la meilleure solution.

« Lorsque le virus Ebola s’est déclaré, nous avons vite compris que les rapatriements vers l’Europe seraient compliqués », explique Bruno Cayzac, directeur de la sûreté de Danone. « D’où l’importance, en amont, de bien faire passer nos messages de prévention. Et, en aval, de prévoir des plans d’évacuation à l’échelle régionale, si possible dans les pays limitrophes. Afin de pouvoir prendre en charge l’ensemble des collaborateurs », complète Hélène Kaspi, directrice médicale du groupe agroalimentaire. Une telle gestion permet aussi d’éviter des impairs en termes de management. En cas de catastrophe, laisser les expatriés se faire la malle et abandonner leurs collaborateurs locaux fait très mauvais genre. Et nuit à la continuité du business… « En 2011, au Japon, lors du raz de marée et de la catastrophe nucléaire de Fukushima, beaucoup d’expatriés sont repartis précipitamment dans leur pays d’origine alors que des solutions existaient dans la région », raconte Bruno Cayzac.

Mutualisation

Si peu d’employeurs offrent un niveau de sécurité identique à tous leurs salariés, l’idée progresse. Car les multinationales recrutent de plus en plus leurs managers localement ou dans la région. « Pour les attirer, il faut proposer de hauts standards en termes de santé et de sûreté », confirme Laurent Mereyde, président de la commission sûreté internationale du Cindex. « Les classes intermédiaires des pays émergents sont particulièrement friandes d’excellence médicale », abonde Laurent Cochet, directeur exécutif adjoint mobilité internationale de MSH International.

Une mauvaise nouvelle pour leurs employeurs, qui espéraient réduire les coûts ? Pas vraiment. Car des solutions existent. « Les grands groupes essaient de mutualiser les polices d’assurance. Ce qui permet de contenir les hausses de primes pour les expatriés et, en même temps, d’offrir des couvertures plus avantageuses aux travailleurs locaux », explique Chantal Serabian, chez April International. De plus, le niveau de risque global diminue avec des salariés ayant toujours vécu dans la zone géographique. Car ils connaissent nettement mieux les dangers que les Occidentaux…

Accidents de la route et AVC au “top 5” des urgences

Plus que les kidnappings et les pandémies, certains risques sont à la fois plus fréquents et tout aussi dangereux pour les expatriés. À savoir les accidents de voiture et les problèmes cardio-vasculaires. En 2014, ils ont représenté respectivement 14 % et 6 % des interventions d’International SOS.

Avec les maladies touchant le système respiratoire, celles digestives et le paludisme, ces deux problèmes font partie du « top 5 » des urgences.

« Pour le plus grand bonheur de certains hôpitaux qui voient chez les expatriés l’occasion de facturer des batteries de soins inutiles… C’est notamment le cas en Asie ou au Moyen-Orient », précise Laurent Cochet, directeur exécutif mobilité internationale de MSH International, qui travaille avec des prestataires de santé sélectionnés selon la qualité de leurs soins et leur grille tarifaire.

Si limiter ce type d’accidents est crucial, il n’existe pas de recette miracle. « Envoyer un jeune collaborateur à l’étranger pourra réduire les risques d’AVC mais pas forcément les accidents de voiture ! » illustre Yann Rouaud, d’International SOS.

D’où la nécessité de bien préparer l’expatriation : choix du site, sélection du candidat, formation préalable au départ…

Un processus qui, selon l’organisation, prendrait au minimum entre six et huit mois.

Pas simple de prévenir les accidents de voiture.

Auteur

  • C.A.