logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actu

Faut-il généraliser le contrat de mission ?

Actu | L’éco du mois | publié le : 04.05.2015 |

Image

Faut-il généraliser le contrat de mission ?

Crédit photo

Bertrand Martinot : non

Parmi les propositions visant à contourner la complexité juridique du licenciement figure l’extension du contrat de mission à de nouveaux secteurs. Rappelons que ce contrat existe depuis longtemps et donne satisfaction générale dans quelques professions, par exemple le BTP. En outre, l’accord interprofessionnel de janvier 2008 a créé le « contrat à objet défini ». Mais comme c’est souvent le cas, cette possibilité est tellement encadrée que sa mise en œuvre est quasi impossible : nécessité d’un accord de branche, fortes restrictions sur les salariés concernés…

Dans ces conditions, étendre ce type de contrat paraît pertinent. Cependant, deux arguments incitent à la prudence. Le premier est le bilan des expériences étrangères de multiplication des contrats atypiques (Portugal, Espagne, Italie). On sait que cette stratégie a surtout renforcé la dualité CDD/CDI du marché du travail sans résultat probant sur le chômage. C’est d’ailleurs pourquoi l’Italie fait marche arrière et tente de reconstruire son droit du contrat de travail autour d’un contrat générique à droits progressifs. Deuxièmement, dans le contexte actuel, le mieux est peut-être l’ennemi du bien : pour gagner une réforme partielle aux effets limités, on sacrifierait une réforme d’ampleur, plus universelle et plus équitable. Mieux vaudrait pousser le gouvernement à refonder notre droit du contrat de travail plutôt que d’accumuler les petites réformes.

Et puis, pourquoi ne pas élargir cette réflexion aux centaines de statuts incroyablement divers et archaïques des agents publics et passer du statut au contrat pour la grande majorité d’entre eux ? Au-delà des gains d’efficience massifs pour la sphère publique, on y trouverait l’une des clés d’une plus grande fluidité du marché du travail.

Gilbert Cette : oui

Les garde-fous du droit social sont, en France, préjudiciables à l’efficacité économique et ne sont pas ressentis comme protecteurs par les salariés. Entre autres complexités, celles des procédures associées aux licenciements brident des créations d’emploi, en particulier dans les TPE et les PME. Parmi les multiples orientations de réformes évoquées en ce domaine, l’extension du contrat de chantier, existant actuellement dans quelques activités (dont le BTP), est préconisée dans des secteurs comme le numérique, le conseil ou les services aux entreprises. De tels contrats permettent des embauches en CDI, associées à des projets clairement spécifiés, avec la possibilité de licenciement pour motif personnel à la fin du projet.

Un chantier de ce type peut, s’il est bien mené, aboutir à des créations effectives d’emplois. Mais l’erreur serait de l’envisager dans la grande tradition française, c’est-à-dire de façon réglementaire et uniforme. Pour être équilibrée et améliorer conjointement l’efficacité économique et la protection des travailleurs, une telle réforme devrait consister à permettre aux partenaires sociaux de créer des contrats de mission par des accords collectifs de branche qui pourraient être étendus. Les partenaires sociaux sont, dans chaque branche, les plus à même de définir les conditions précises de ces contrats et les contreparties éventuelles qui devraient leur être associées.

Il est temps, ici encore, que les pouvoirs publics responsabilisent le dialogue social, comme c’est le cas dans d’autres pays, et ne se substituent pas aux acteurs directs de la vie économique. C’est là, dans un domaine spécifique, la logique de refondation du droit social que j’ai élaborée avec Jacques Barthélemy.