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Idées

Le retour de la fin du travail

Idées | Livres | publié le : 02.04.2015 | Jean Mercier

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Le retour de la fin du travail

Crédit photo Jean Mercier

Bernard Stiegler étudie les impacts de la révolution numérique sur notre modèle social. Dans un jargon ardu.

Faut-il avoir peur pour l’avenir du travail à cause des robots ? La vieille prophétie du remplacement des hommes par les machines va-t-elle se réaliser avec l’économie numérique ? La question est débattue parmi les scientifiques, les sociologues et les économistes, mais paraît déjà superflue pour Bernard Stiegler, philosophe et directeur de l’Institut de recherche et d’innovation. Il s’indigne que le rapport de Jean Pisani-Ferry sur « la France dans dix ans », commandé par François Hollande, fasse l’impasse sur le problème. Citant une analyse du cabinet Roland Berger, il considère comme inéluctable la destruction d’ici à 2025 de 3 millions d’emplois. L’auteur cite une analyse de l’Oxford Martin School pronostiquant que, dans une à deux décennies, la Belgique pourrait perdre 50 % de ses emplois, l’Angleterre 43 %, l’Italie et la Pologne 56 %…

C’est donc la fin du travail salarié, maintes fois annoncé, qui se profile. Il est encore possible, soutient Bernard Stiegler, d’en tirer le meilleur parti. Malheureusement, l’auteur noie cette problématique passionnante sous un jargon à la limite du supportable. Le stade auquel nous serions parvenus, avec ce que Stiegler qualifie de « capitalisme computationnel », serait une forme de « prolétarisation des sensibilités et des affects ». Après le collectif de travail, sérieusement mis à mal par l’évolution du système capitaliste des trente dernières années, ce serait au tour du noyau dur de l’individu de connaître, par le numérique, une forme de désintégration. Avec l’automatisation à marche forcée de la société, nous passerions d’un modèle industriel – celui du consumérisme et du taylorisme, dans lequel le Welfare State assure une redistribution des gains de productivité – à une société intégralement automatisée « où il n’y a plus d’emploi ni de pouvoir d’achat obtenu par un salaire ». Cette société devra, selon notre chercheur, instituer un nouveau processus « redistribuant non pas du pouvoir d’achat, mais du temps, le temps de constituer des savoirs ».

Le philosophe tend à s’affranchir des contingences pour aller à l’essentiel. Et comme il s’affirme farouchement anti ? système, il n’y a pas beaucoup de nuances à attendre dans l’exposé de sa thèse. Le fatras des concepts et mots barbares avec lesquels il s’exprime ne facilite pas non plus l’adhésion. Mais il faut reconnaître qu’il ouvre de nombreuses pistes pour ceux qui ont une âme de chasseurs de perles. Même si on reconnaît avoir quelque mal à s’intéresser à une conclusion titrée : « La pollinisation noétique et le Néguanthropocène »…

La Société automatique : 1. L’Avenir du travail, Bernard Stiegler. Éditions Fayard. 300 pages, 25 euros.

Auteur

  • Jean Mercier