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Est-il judicieux de faire bénéficier les jeunes de la prime d’activité ?

Actu | L’éco du mois | publié le : 02.04.2015 |

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Est-il judicieux de faire bénéficier les jeunes de la prime d’activité ?

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Olivier Bargain : oui…

Il n’y a pas de raison que les 18-25 ans ne bénéficient pas de la prime d’activité. La prime est vue comme une mesure individuelle, un complément de salaire, et il n’y a pas de motif valable pour discriminer les jeunes. En revanche, on peut discuter des objectifs de la mesure. L’aspect redistributif est important mais il n’y a pas urgence à booster les incitations au travail. Mes études pour le Comité national d’évaluation du RSA ont montré que le RSA ne crée pas d’effet désincitatif généralisé sur l’emploi autour de 25 ans. C’est d’autant plus vrai sous cet âge, malgré des salaires moindres, puisque les 18-24 ans n’ont pas accès aux minima sociaux. La prime va-t-elle atteindre ses objectifs redistributifs ? Je vois deux écueils possibles. D’une part, le RSA jeune existe déjà, mais ses conditions d’attribution sont trop restrictives. Il faut éviter que la prime connaisse le même sort. D’autre part, le non-recours au RSA activité est très élevé : là encore, il faut une amélioration très significative en allégeant au maximum les démarches administratives.

En fait, le gouvernement doit aller plus loin. La prime n’est qu’une étape dans la réduction de la pauvreté et du chômage des jeunes. Concernant la pauvreté, c’est aussi et surtout le RSA socle qu’il faut étendre aux 18-24 ans, deux fois plus à risque que le reste de la population. Concernant le chômage, agir sur la productivité des jeunes par la formation est une chose. Il est aussi suggéré par la plupart des économistes de stimuler la demande de travail en modérant le Smic des moins productifs : cela peut être intégralement compensé par la prime d’activité afin de garder les niveaux de vie inchangés. Il s’agirait alors de moduler la prime en fonction de l’âge, de concert avec une modulation du Smic.

Anne Eydoux : …mais

Les jeunes, dont les parcours d’insertion sont marqués par la précarité, ont été les premiers touchés par la crise qui a accru leur risque de pauvreté et de chômage. Or, pour ceux qui travaillent, les conditions d’accès au RSA activité jeune sont presque impossibles à réunir. Quant aux sans-emploi de moins de 25 ans, ils n’ont droit au RSA socle que s’ils sont parents. Bien sûr, la réforme doit leur accorder un droit et un accès facilité à la prime d’activité. Mais lutter contre la pauvreté des jeunes nécessite d’autres politiques ! D’abord, la nouvelle prime ne remplace pas seulement le RSA activité auquel les jeunes n’ont quasiment pas accès. Elle remplace aussi la prime pour l’emploi, un impôt négatif dont bénéficiaient de nombreux jeunes en emploi précaire, dès lors qu’ils déclaraient leurs revenus et remplissaient les conditions de ressources.

Si les démarches administratives pour accéder à la nouvelle prime restent aussi complexes que pour le RSA activité, certains d’entre eux risquent d’y renoncer. Surtout, la nouvelle prime s’inscrit dans la continuité de la réforme RSA voulue par Martin Hirsch : elle consacre l’abandon du Smic comme instrument de lutte contre la pauvreté laborieuse. Si elle est la contrepartie d’un nouveau Smic jeune, elle sera même l’instrument de leur paupérisation ! Les sortir de la précarité et de la pauvreté nécessiterait au contraire d’améliorer la qualité de leurs emplois et de revaloriser le Smic. Enfin, la prime d’activité ne s’adresse qu’aux travailleurs pauvres. Or beaucoup de jeunes mettent du temps à trouver un emploi. Leur donner accès au RSA socle serait conforme au principe constitutionnel voulant que la société garantisse un revenu à ceux à qui elle ne parvient pas à assurer un emploi.

POUR EN SAVOIR PLUS

Le RMI et son successeur le RSA découragent-ils certains jeunes de travailler ?, document de travail de l’Insee, juillet 2012

www.insee.fr/fr/ publications-et-services/ docs_doc_travail/ G2012-09.pdf

Le RSA en 2014 : une augmentation qui fléchit mais reste soutenue, étude de la Drees, mars 2015

www.drees.sante.gouv.fr/ IMG/pdf/er908.pdf