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Des collégiens lyonnais entre espoir et lucidité

À la une | publié le : 02.04.2015 | Manuel Jardinaud

Le collège Schœlcher de Lyon sensibilise des élèves de troisième à l’entreprise. Conscients de la dureté de certains postes, ces jeunes aspirent à un emploi payé décemment et compatible avec une vie de famille.

Aux murs de la salle de classe, des affiches vantent l’apprentissage et la nécessité de choisir un métier. Elles rappellent quotidiennement l’impératif de se projeter vers l’avenir en cette période cruciale. Car l’heure est au choix d’orientation pour les élèves de troisième, âgés de 14 à 16 ans, du collège Victor-Schœlcher de Lyon (9e). Vivant dans ou en bordure de la cité populaire de la Duchère, une grande partie de ces jeunes se destine à une filière professionnelle (CAP ou bac pro). Les autres profiteront de la seconde générale pour tenter d’affiner leur projet.

Parmi eux, dix connaissent déjà, un peu, le monde du travail. Il s’agit d’élèves intégrés dans une classe « en alternance », bénéficiant de douze semaines de stage durant l’année. Sept autres, dans une troisième plus classique, ont choisi l’option « découverte professionnelle » de trois heures par semaine – DP3 dans le jargon de l’Éducation nationale. Et tous, grâce à l’investissement de leur professeur de technologie, Patrick Guidicelli, construisent du mieux possible leur parcours, avec leurs armes, leurs failles, leurs espoirs.

« SUBVENIR À SES BESOINS ».

Comment voient-ils leur futur dans le monde du travail ? « En gagnant plein de thune », affirme Maxence, un rien provocateur et sûr que là se trouve l’enjeu principal. Arborant un tee-shirt de l’OL, il ne sait pas encore vers quelle filière il veut se diriger. Des camarades lui emboîtent le pas sur le sujet : la question du salaire est incontournable. Ismaël, qui veut intégrer la Légion étrangère, nuance : « Il faut pouvoir subvenir à ses besoins. » Il en évalue quand même le montant à 3 000 euros mensuels… Si chacun y va de son chiffre, la relation au travail ne se résume pourtant pas au salaire. Tel Steve, qui espère devenir architecte comme son frère le voulut avant lui : « L’important est de faire ce qu’on aime, ce qu’on a choisi. » Même s’il s’inquiète un peu : « Je ne sais pas si ce sera possible, je n’ai jamais vu d’architecte noir… » Malgré cela, il fait partie du groupe des élèves les plus confiants en l’avenir, qui voient dans leur future profession une source d’épanouissement et d’accomplissement. Eux ne considèrent pas le travail comme une simple activité lucrative. Alyssa, qui veut travailler dans la mode en préparant un bac pro, accole le mot « passion » au mot « métier », indissociables selon elle.

Mais, passion ou non, certaines règles sont à respecter. Temps de travail, équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle : une majorité semble vouloir poser ses conditions. « Un bon travail, c’est bien sûr être bien payé, résume Oussama, peut-être futur agent immobilier. Mais surtout, c’est travailler 35 heures pour pouvoir s’occuper de sa famille. » Sarra, plus timide et dont l’ambition est d’enseigner le français, ajoute : « Dans la vie, la base n’est pas le travail, c’est la famille. C’est important de ne pas avoir un emploi du temps trop chargé. » Patrick Guidicelli, leur professeur, remarque que la plupart de ces élèves, dont beaucoup ont des parents de nationalité étrangère, portent cette valeur familiale peut-être plus haut que d’autres jeunes. D’où une revendication qui, si elle est générationnelle, leur est aussi singulière. Les différents stages et rencontres avec des professionnels ont commencé de façonner leur regard sur ce lointain objet qu’est le monde du travail. Par chance, ils en ont pour beaucoup une expérience positive, le lien école-entreprise étant très présent au sein de cet établissement.

Les employeurs qui les accueillent organisent au mieux leur venue. Mais le regard de ces collégiens, si partiel soit-il, reste lucide. Maxence a été magasinier : « Il faisait froid dans le hangar », indique-t-il. Il évoque les conditions de travail. Une parole complétée par Dylan, qui hésite entre un CAP de peintre en bâtiment ou d’électricien : « Dans le commerce, c’est chaud pour le dos ! » explique-t-il en souvenir d’un stage récent. D’autres élèves, qui ont déjà travaillé dans la restauration, en connaissent les difficultés et les fortes contraintes (horaires, postures…).

BESOIN D’ÊTRE CONSIDÉRÉS.

Le respect des droits du travail est un thème qui leur est cher. Besoin d’être considérés, d’être reconnus. Ils s’interrogent : que peut-on faire pour améliorer la vie au travail ? « C’est le patron le responsable », clame à raison Sarra. Aucun ne songe aux syndicats comme force d’appui. Les relations sociales dans les entreprises demeurent un univers bien lointain…

Parler travail, c’est aussi aborder le chômage. Une majorité se dégage pour relever le côté protecteur du diplôme. Il donnera l’expérience requise pour convaincre un employeur, en particulier pour ceux s’orientant vers un CAP. Méthode Coué ? Peut-être… Mais beaucoup considèrent que le marché du travail est plus difficile pour les « vieux » que pour les « jeunes ». « Une femme de 50 ans qui cherche un emploi dans le commerce où il y a plein de choses à faire, on ne la prendra pas ! » affirme Dylan. Lui et ses camarades semblent plus se soucier de la génération de leurs parents que de la leur et manifestent de l’espoir quant à leur propre intégration sur le marché du travail. Mais tous savent la difficulté à obtenir un poste : « Seuls les meilleurs réussissent », disent-ils en chœur. Leur espérance ne rime pas avec naïveté.

Auteur

  • Manuel Jardinaud