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Vertiges numériques, vestiges du social

Idées | Bloc-notes | publié le : 07.03.2015 | Catherine Barbaroux

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Vertiges numériques, vestiges du social

Crédit photo Catherine Barbaroux

On ne peut qu’être troublé par le grand écart qui semble s’installer entre la puissance des outils numériques, la résistance des organisations et les rituels du paritarisme.

Le big data

Le rapport Lemoine « La nouvelle grammaire du succès. Transformation numérique de l’économie française » ne devrait pas passer inaperçu chez les DRH. Outre sa lecture passionnante tant il est clair et précis, ce document photographie une réalité désormais tangible et projette en accéléré un film qui ne peut que nous interpeller : plus de 54 % des emplois sont aujourd’hui affectés par le numérique, d’après l’Institut Bruegel. Après les effets d’automatisation viennent ceux de dématérialisation avant que n’arrivent (s’ils ne sont pas déjà là) les effets de désintermédiation qui changent en profondeur les modèles économiques des plus grandes entreprises. L’auteur démontre surtout que l’émergence des deux nouvelles sources de richesse que sont l’intelligence collective et les données numériques ne se fera pas seulement à partir de la maîtrise de l’outil technologique. On ne crée pas de la valeur spontanément à partir des données. Il faut accepter une remise en cause complète des modes de pensée et d’organisation et se préparer à ce que les frontières de l’entreprise deviennent de plus en plus poreuses.

La valeur partagée

Puisque, désormais, ce sont les « individus qui font la course en tête », l’innovation échappe largement aux équipes internes de chercheurs. Les transformations sociales et organisationnelles deviennent décisives si on veut garder au sein de l’entreprise un temps d’avance sur la perception de l’évolution des marchés et des comportements. Une illustration parmi d’autres en témoigne : les acheteurs de voitures neuves en France ont aujourd’hui 51 ans en moyenne ! On comprend mieux pourquoi les formes d’autopartage ont de beaux jours devant elles ; mais aussi combien tout l’écosystème doit anticiper ou s’adapter, comme les compagnies d’assurances ont d’ailleurs su le faire. Et combien il est important, pour les constructeurs, d’avoir une stratégie mondialisée pour compenser ces évolutions. Le nombre d’entreprises de moins de 30 ans dans les 100 premières entreprises est une donnée qui doit aussi nous faire réfléchir : la France n’en compte qu’une (Free), l’Europe neuf et les États-Unis 63…

Les vestiges du dialogue social

Du coup, on devient plus sévère sur le rythme et les atermoiements du dialogue social : sans doute y a-t-il, là comme ailleurs, un phénomène de génération. On aimerait tellement un sursaut : on y a cru au moment des conférences sociales, on y a cru encore avec le pacte de compétitivité. On espère bien sûr des effets des nouveaux outils de formation. Certes, il y a des avancées ici ou là, mais l’échec de la négociation sur les seuils est une désillusion supplémentaire. Le monde change à la vitesse d’un torrent. Le dialogue social avance au rythme d’un glacier. Les « négociateurs » deviennent des professionnels trop souvent coupés du quotidien. Et les citoyens, capables de se mobiliser massivement quand la République est en danger, s’intéressent de moins en moins aux épisodes d’un feuilleton de plus en plus éloigné de leur réalité professionnelle. Quand on veut faire bouger les choses, on pense plus désormais aux réseaux sociaux et au bénévolat qu’à l’adhésion à un parti ou à un syndicat. Est-ce irréversible ?

Auteur

  • Catherine Barbaroux