logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Edito

Le spectre de l’immobilisme

Edito | publié le : 07.03.2015 | Stéphane Béchaux

Image

Le spectre de l’immobilisme

Crédit photo Stéphane Béchaux

Et voilà ! On se doutait bien que « l’esprit du 11 janvier » montrerait vite ses limites. Que le souffle d’unité nationale ne gonflerait pas les voiles du gouvernement bien longtemps. Mais on est quand même (un peu) surpris par la rapidité du changement de climat. Ainsi, quarante petits jours ont suffi pour briser l’élan. Et renvoyer la majorité présidentielle à ses divisions et à ses incohérences. En choisissant de recourir à un vote bloqué pour sauver le soldat Macron, l’exécutif reconnaît son incapacité à rassembler son camp. Publiquement. En soi, dégainer le 49.3 n’a rien d’infamant, pour peu que le sujet en vaille la chandelle. Bien des projets mériteraient un tel honneur : une refonte totale de la fiscalité, une remise à plat du système de santé, une (vraie) réforme territoriale… Mais non, pas ce texte-là, pas cet empilement de mesures disparates !

Et pourtant, le Premier ministre s’est résolu à engager la responsabilité de son gouvernement. Pour des dessertes par autocar, une poignée de dimanches travaillés, un toilettage de l’épargne salariale. User d’une telle arme pour une si modeste loi a quelque chose de grotesque. Et de très inquiétant. Car Manuel Valls n’est pas seulement à la tête d’une équipe sans majorité. Il est aussi dans l’impossibilité de compter sur les partenaires sociaux pour faire le boulot à sa place. Pendant deux ans, son prédécesseur et lui-même ont pu avancer masqués. En s’appuyant sur les textes négociés par le Medef et la CFDT pour faire taire, dans l’Hémicycle, à la fois la droite et la gauche. Une stratégie mise à mal par la négociation avortée sur le dialogue social.

Cet échec marque-t-il un coup d’arrêt durable pour la démocratie sociale ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Mais, déjà, des voix s’élèvent qui doutent de l’efficacité de la méthode. Un scepticisme fondé. En cette période de crise aiguë, où la France doit engager des réformes d’ampleur, douloureuses, peut-on vraiment miser sur le patronat et les syndicats pour montrer la voie ? Faut-il les croire capables de sortir des postures et des conservatismes pour inventer le modèle social de demain ? Ces interrogations dépassent le strict cadre des discussions inabouties sur les seuils sociaux. Car, sur les dossiers du marché du travail ou de la formation professionnelle aussi, il est permis de juger les accords très en deçà des enjeux.

Dans un tel contexte, on voit mal quelle grande ambition réformatrice le président de la République pourrait bien suivre pour ses deux dernières années de mandat. Avec un Premier ministre clivant, épaulé par un ministre du Travail évanescent. Alors même que les socialistes et leurs alliés s’apprêtent à subir une nouvelle déroute lors des élections départementales des 22 et 29 mars. On aimerait que les années Hollande préparent le renouveau. Mais on craint qu’elles ne s’achèvent en piteux remake des années Chirac, marquées par l’hésitation et l’immobilisme.

Auteur

  • Stéphane Béchaux