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Décodages

Entretien avec François Content, directeur général d’Apprentis d’Auteuil

Décodages | publié le : 07.03.2015 | Rozenn Le Saint

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Entretien avec François Content, directeur général d’Apprentis d’Auteuil

Crédit photo Rozenn Le Saint

Les gouvernements successifs poussent à l’alternance sans y parvenir. Pourquoi ?

L’alternance profite essentiellement aux jeunes qui poursuivent leurs études dans le supérieur. Or ce sont eux qui en ont le moins besoin. Les jeunes avec un faible niveau de qualification (bac et CAP), eux, gagneraient à bénéficier de plus d’offres en alternance pour s’insérer. Sur ces profils, le taux de ruptures de contrat est très élevé par manque d’accompagnement social. Pour les aider, il faut avoir une vision globale de leur insertion : l’emploi et la formation, bien sûr, mais aussi le logement, la santé, la mobilité… Aujourd’hui, nous sommes obligés de coordonner une multi tude d’interlocuteurs comme les conseils régionaux, Pôle emploi ou des mécènes. Et de monter des ingénieries financières et pédagogiques complexes. Il faut que l’État s’empare de cette question de l’accompagnement vers et dans l’emploi et l’intègre pleinement dans les politiques d’alternance.

L’Éducation nationale est-elle responsable du décrochage scolaire ?

On peut saluer la volonté de la ministre d’agir davantage en prévention et de former les enseignants à la détection des premiers signes du décrochage scolaire. Mais ce n’est pas suffisant. Pour endiguer le décrochage, il faut permettre à un jeune qui cherche sa route de se tromper, de se réorienter, de recommencer. Il faut aussi faire entrer l’entreprise dans l’école, créer des temps de découverte des métiers, des stages réguliers dès le collège.

Comment associer davantage les entreprises à l’insertion des jeunes ?

À chaque fois que nous pouvons faire venir des entreprises dans nos centres pour qu’elles rencontrent le personnel et les jeunes, nous gagnons leur soutien. Nous les incitons à s’impliquer à nos côtés en tant que mécènes, soit en finançant certains projets, soit en coconstruisant des formations. Les entreprises ont l’expérience du métier. Nous avons celle de l’insertion et de l’accompagnement. Nous sommes complémentaires.

Le marché du travail est-il trop rigide ?

Il faut surtout s’adapter aux réalités de chaque bassin d’emploi. Avant d’ouvrir de nouvelles formations, nous réalisons une étude de marché pour nous assurer qu’il y a des perspectives. Un autre sujet nous préoccupe : la France est en train de détruire 70 000 emplois d’artisan chaque année. Ces artisans sont désespérés. Ils ne trouvent pas de relais pour reprendre leur entreprise. Des garagistes, des boulangers viennent nous voir pour nous dire qu’ils aimeraient former un jeune qui prenne la relève. Il y a certainement des opportunités à saisir.

Fallait-il rendre le service civique obligatoire ?

Le service civique est une bonne chose, mais nul besoin de le rendre obligatoire. Il n’y aurait pas assez de places offertes de toute façon. En outre, la dimension de l’engagement volontaire est essentielle dans la démarche des jeunes. Mais ce service reste une bonne idée dès l’instant où le jeune est bien accueilli et accompagné. Et pas considéré comme une main-d’œuvre bon marché.

Le « nouveau contrat civique » annoncé par François Hollande, qui entend proposer 150 000 missions, est-il tenable ?

Il faut éclaircir la question du financement de ces missions. Mais, sur le principe, nous y sommes favorables. À une condition : qu’on ne se trompe pas de cible, que ces missions profitent bien aux jeunes qui en ont le plus besoin pour mettre un pied à l’étrier.

Comment mieux prendre en compte la diversité dans le système éducatif français ?

La mission de l’école est de donner des clés aux jeunes pour se construire en adultes libres et responsables. L’école est le lieu du vivre ensemble. À Apprentis d’Auteuil, nous accueillons des jeunes originaires de 65 pays. Nous voulons permettre à chacun de comprendre d’où il vient, quelles sont ses racines, mais aussi quelles sont les règles de la société dans laquelle il évolue. Nous favorisons les temps de dialogue, de débat, d’appren tis sage de la confrontation des idées.

François Content 64 ans.

1986

Directeur de l’agence centrale du Crédit commercial de France à Lyon.

1995

Rejoint la fondation Apprentis d’Auteuil comme DG adjoint.

1997

En devient directeur général.

2011

Publie un « plaidoyer pour la jeunesse en difficulté ».

Auteur

  • Rozenn Le Saint