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EDF rouvre l’explosif dossier du forfait jours

Actu | A suivre | publié le : 07.03.2015 | Anne Fairise

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EDF rouvre l’explosif dossier du forfait jours

Crédit photo Anne Fairise

Le nouveau président du groupe remet sur la table l’instauration d’un décompte en jours pour les cadres. Un chantier ultrasensible.

Faut-il y voir les premiers signes de la culture du résultat que Jean-Bernard Lévy compte déployer chez EDF ? Deux mois après sa nomination, le nouveau président du groupe public a rouvert, le 5 février, l’explosif dossier du forfait jours pour les 30 000 cadres d’EDF SA. Et mis immédiatement les syndicats sous pression. Pas seulement en prévoyant une négociation express limitée à quatre réunions. Mais en informant, dès le lendemain de la première séance, tous les cadres des propositions de la DRH… La goutte de trop pour la CGT, la CFE-CGC et FO, qui accusent déjà les dirigeants de l’électricien de « ne pas donner aux représentants des salariés les bases et les conditions d’un vrai dialogue social ».

La méthode, il est vrai, détonne dans une maison habituée à faire vivre « sa longue tradition de concertation ». Sur la remise à plat de l’accord d’aménagement du temps de travail de 1999 – qui a été LA vitrine de la politique de partage du travail de Martine Aubry –, les tentatives n’ont pas manqué. Le président Pierre Gadonneix s’est ainsi cassé les dents sur le sujet en 2009. Son successeur Henri Proglio n’a pas eu plus de chance, malgré une série de séminaires préparatoires. Le forfait de 212 jours proposé en 2013 s’est heurté à l’opposition de la CGT et de la CFE-CGC, qui ont quitté la table de négociations en mai 2014.

À en croire un saignant rapport de la Cour des comptes, paru en 2013, il est pourtant urgentissime d’engager une « réflexion sur l’organisation du travail dans la perspective d’une meilleure disponibilité et de gains de productivité ». Les principes de l’accord de 1999 « ne sont plus adaptés aux enjeux industriels », explique-t-il. Conséquences pour l’organisation et les finances d’EDF ? Une durée annuelle de travail de 1 548 heures, bien inférieure à celle de référence de la branche (1 570 heures) et même à celle du Code du travail (1 607 heures). Sans compter l’explosion des heures supplémentaires. En vertu du statut des industries électriques et gazières, elles sont comptabilisées au-delà de l’horaire programmé dans la journée, et non sur la semaine.

Dans les centrales, où travaille plus d’un cadre d’EDF SA sur deux, les dépassements sont légion. Depuis 2010, l’Inspection du travail harcèle la direction pour de multiples infractions au repos de onze heures entre deux jours travaillés. Selon la CGT, une dizaine de procès-verbaux pour travail dissimulé ont été dressés en 2014. « S’il y a des dépassements horaires dans le nucléaire, la solution doit être trouvée dans ce secteur. Pourquoi élargir la négociation à tous les cadres, qui ne sont pas demandeurs ? » questionne Frédéric Letty, de la CFE-CGC. Une organisation vent debout, comme toutes les autres, contre le nouveau forfait proposé, à 212 jours. Même si la direction l’a assorti d’une augmentation individuelle allant jusqu’à 6 % du salaire pour compenser la perte des jours de RTT, dont le nombre varie de 23 à 32,5 selon les accords locaux.

« La direction revient avec des propositions quasi identiques à celles de 2013 ! Et sans l’état des lieux détaillant les réalités du temps travaillé par les cadres et leur charge de travail, que nous réclamons », déplore Dominique Raphel, négociateur CGT. Et celui-ci d’affirmer qu’ « il est impossible d’envisager une modification de la durée du travail sans repenser les organisations ni prévoir des embauches ». « Il n’y a nul besoin d’un forfait jours pour avancer sur l’organisation et la qualité de vie au travail. Si ce n’est pour éviter l’embauche de 2 000 personnes », renchérit Éric Lemoine, de la CFDT. Pas sûr qu’EDF, qui engage d’importants travaux pour prolonger la durée de vie de ses réacteurs, entende ces arguments. Face aux lourds investissements prévus jusqu’en 2025, Jean-Bernard Lévy ne cache pas sa volonté de maîtriser les dépenses. En passant, par exemple, à une comptabilisation par jour de travail. Comme dans toutes les grandes entreprises.

Auteur

  • Anne Fairise