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Faut-il régionaliser le suivi des demandeurs d’emploi ?

Idées | Débat | publié le : 02.02.2015 |

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Faut-il régionaliser le suivi des demandeurs d’emploi ?

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Le troisième volet de la réforme territoriale répartissant les compétences en matière de développement économique entre l’État et les régions est en discussion. Au cœur des débats, le service public de l’emploi. Et l’idée d’une régionalisation du suivi des demandeurs d’emploi.

Jean Bassères Directeur général de Pôle emploi

Gagner la bataille de l’emploi requiert un acteur national fort. Assurer la mission de service public de l’emploi à l’échelle nationale présente un double avantage : lutter contre les inégalités entre régions et proposer un service unique pour l’accompagnement et l’indemnisation. La régionalisation conduirait de fait à scinder ces deux missions, revenant ainsi sur le choix fait par le législateur en 2008 pour simplifier le service rendu aux demandeurs d’emploi. La quasi-totalité de nos partenaires européens, y compris des États fédéraux comme l’Allemagne, font d’ailleurs le choix d’un opérateur national pour les mêmes raisons d’efficacité et d’équité territoriale. L’État et les partenaires sociaux – unanimes sur ce sujet – ont récemment rappelé leur attachement au maintien d’un opérateur national et ont proposé, le 18 décembre dernier, la nouvelle feuille de route de Pôle emploi à quatre ans.

Soyons clairs : le niveau opérationnel le plus efficace en matière d’accompagnement n’est d’ailleurs pas plus la maille nationale que régionale. C’est le bassin d’emploi. Pour être au plus près des besoins, 96 % des demandeurs d’emploi sont aujourd’hui à moins de trente minutes de leur agence, chacune d’elles adaptant ses services aux spécificités locales. Ces trois dernières années, l’organisation et le fonctionnement de Pôle emploi ont été profondément revus de manière à donner plus de marges de manœuvre aux agences pour adapter aux spécificités territoriales les services rendus aux entreprises et aux demandeurs d’emploi.

Afin de répondre au défi de la lutte contre le chômage, l’approche pragmatique doit prévaloir sur les velléités institutionnelles. Le développement des partenariats permet aujourd’hui d’associer des acteurs forts de leurs propres expertises. L’année 2014 a ainsi été marquée par la mobilisation de 50 premiers conseils généraux pour coordonner nos accompagnements sur les volets social et professionnel. À nous, demain, Pôle emploi et conseils régionaux, d’offrir de nouvelles solutions sur les territoires en renforçant notre collaboration dans des domaines clés pour l’emploi : la formation et la création d’entreprises. Le temps est venu de nous engager ensemble et de mettre les compétences de chacun au service d’un seul enjeu : la bataille pour l’emploi.

Alain Rousset Président de l’Association des régions de France.

Près de 6 millions de nos concitoyens sont en situation de chômage ou de quasichômage, soit près de 20 % de la population active ! Nombre de PME et d’ETI peinent à recruter. Chaque année, 820 000 emplois sont non pourvus et 400 000 recrutements abandonnés. Notre système d’accompagnement vers l’emploi est à bout de souffle. Son émiettement entre Pôle emploi et les centaines d’organismes présents sur nos territoires entraîne une déperdition d’énergie et une explosion des coûts : 32 % des effectifs dédiés aux fonctions support, contre 24 % en Allemagne. La recherche d’emploi est devenue un parcours du combattant pour les demandeurs, renvoyés tels des nomades de service en service, pour finir dans le bureau de l’élu local. Tout aussi grave, le service public de l’emploi renforce les inégalités. Selon le territoire où il se trouve, un chômeur n’a pas accès au même service public. En Aquitaine, un conseiller de Saint-Jean-de-Luz suit 131 demandeurs d’emploi, contre 290 à Lormont. Inversement proportionnel aux besoins !

Nous sommes les seuls en Europe à maintenir un cloisonnement entre le service public de l’emploi et les politiques de développement économique. La consolidation du rôle économique des régions, en discussion dans le cadre de la réforme territoriale, est indissociable de leur renforcement sur le champ de l’emploi. Seule la région, dont les compétences en matière de formation et d’orientation viennent d’être accrues par la loi du 5 mars 2014, est à même de rapprocher le demandeur d’emploi du patron de PME. Les régions ne revendiquent pas de fixer la durée d’indemnisation ni son montant. Cela doit rester du ressort des partenaires sociaux et de l’État par la délivrance de son agrément. Elles demandent de pouvoir expérimenter un nouveau service public d’accompagnement vers l’emploi. La région serait reconnue comme la seule autorité pour assurer la coordination des acteurs, organiser le maillage territorial et la répartition des moyens au plus près des besoins des bassins d’emploi, mettre en place une véritable politique de prospection des entreprises et, enfin, cibler les publics prioritaires en fonction des caractéristiques du territoire. Cette réforme systémique doit aller de pair avec un renforcement de la démocratie sociale au niveau régional.

Patricia Ferrand Présidente CFDT de l’Unedic.

Décrocher son premier emploi, sortir de la spirale des contrats courts, se former, se reconvertir, surmonter des difficultés professionnelles et sociales : dans la bataille de l’emploi et de la sécurisation des parcours professionnels, le suivi et l’accompagnement des demandeurs d’emploi sont essentiels. Un accompagnement personnalisé qui se joue d’abord dans la relation entre le demandeur d’emploi et son conseiller Pôle emploi, mission locale, Cap emploi ou Apec. Et qui passe non seulement par un diagnostic partagé mais aussi par la construction du projet professionnel, une connaissance des métiers et des entreprises qui recrutent à proximité comme dans toute la France, des aides à la formation.

La CFDT identifie des enjeux clairs pour l’accompagnement des demandeurs d’emploi. D’abord un service plus personnalisé articulé avec le droit à l’indemnisation, ensuite une meilleure prise en compte de leurs besoins locaux. Et surtout la garantie de l’équité de droit et de traitement de tous sur l’ensemble du territoire. Pour répondre à ces enjeux, le transfert des compétences en matière d’emploi de l’État vers les régions n’apparaît pas comme une réponse pertinente.

Le défi, c’est celui de la complémentarité des différents acteurs sur le terrain. La gouvernance de Pôle emploi a fixé dès 2012 deux orientations stratégiques majeures : déconcentration et développement des partenariats locaux. L’établissement doit inscrire son action dans les réalités territoriales diverses et adapter ses services. Il doit également accentuer ses partenariats locaux avec les collectivités territoriales (les régions pour la formation, les départements pour l’accompagnement des personnes au RSA…), les acteurs du service public de l’emploi rénové et les autres opérateurs de placement, de l’insertion, mais aussi de la santé, du logement ou de la famille. La nouvelle gouvernance stratégique régionale, instaurée par la loi du 5 mars 2014, organise une meilleure coordination de tous les opérateurs. Oui, le service public de l’emploi doit améliorer ses résultats et poursuivre la territorialisation de son action et la complémentarité des acteurs. Pour la CFDT, c’est bien ce travail partenarial qui doit s’engager et non pas une bataille pour le leader-ship politique.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Lors de l’examen au Sénat du troisième volet de la réforme territoriale, le 15 janvier dernier, les sénateurs ont accordé aux régions le pilotage local des politiques de l’emploi, contre l’avis du gouvernement.

En octobre dernier, devant la même Assemblée, le Premier ministre Manuel Valls s’était dit « favorable […] à l’expérimentation en matière d’accompagnement vers l’emploi ».

Pôle emploi propose trois modalités d’accompagnement (« suivi », « guidé », « renforcé ») en fonction du profil du demandeur et de son autonomie pour rechercher un emploi. Depuis avril 2014, une nouvelle modalité d’accompagnement « global » est proposée en partenariat avec les conseils généraux pour aider les chômeurs en difficultés professionnelle et sociale.

REPÈRES

50

C’est le nombre de départements qui proposent avec Pôle emploi un accompagnement global aux chômeurs en difficultés sociale et professionnelle. D’autres conseils généraux suivront en 2015.

190 000

demandeurs d’emploi ont bénéficié d’un accompagnement « renforcé » par Pôle emploi depuis septembre 2013 (+ 43 %).