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L’Allemagne gère l’héritage des réformes Schröder

À la une | publié le : 02.02.2015 | Thomas Schnee

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L’Allemagne gère l’héritage des réformes Schröder

Crédit photo Thomas Schnee

Le gouvernement Merkel creuse le sillon des lois Hartz de 2003-2005. Et dope le chômage partiel.

Le « miracle » de l’emploi se poursuit en Allemagne. Depuis la crise de 2008, le pays a créé près de 2,27 millions d’emplois avec une population active qui dépasse les 42 millions d’individus. C’est le seul grand État de la zone euro à avoir un nombre de chômeurs (2,76 millions en décembre) inférieur à celui de 2007 (3,4 millions). Et, malgré un léger refroidissement automnal, les perspectives 2015 restent bonnes. Alors, comment l’Allemagne parvient-elle à un tel résultat dans une Europe en crise ?

« Si on se limite à l’observation de la politique active de l’emploi depuis 2008, la plupart des mesures sont mineures. Le grand bouleversement a eu lieu avant, de 2003 à 2005, avec les lois Hartz », juge Gesine Stephan, de l’Institut de l’emploi et de la formation, un organisme dépendant de l’Agence fédérale pour l’emploi (BA). Sous l’ère Schröder, l’Allemagne a ainsi durci sévèrement les conditions d’indemnisation du chômage, développé les emplois à faible rémunération et encouragé l’autoentrepreneuriat. Ces lois ont accéléré la constitution d’un secteur à bas salaires (moins de 9,30 euros l’heure en 2013) via le développement des minijobs, du temps partiel, de l’intérim ou du recours aux contrats de service. En 2013, il concernait 8,4 millions d’individus, contre 6,8 millions en 2005. Conséquence, pendant que le chômage connaissait une baisse spectaculaire, la proportion d’Allemands vivant sous le seuil de pauvreté augmentait, passant de 14,7 % à 15,5 %.

SOUS-ACTIVITÉ ET FORMATION.

Une fois les lois Hartz instaurées, « ce qui est venu après, ce sont des réglages, des simplifications, quelques mesures d’économies. Et le recours massif au chômage partiel, qui a permis aux entreprises de maintenir leurs effectifs et de redémarrer au quart de tour dès que les carnets de commandes se sont à nouveau remplis », indique Gesine Stephan.

Afin d’affronter la crise, syndicats et patronat s’accordent pour demander au gouvernement Merkel qu’il élargisse le dispositif du chômage partiel. « Nous avions vécu les licenciements de masse des crises précédentes. Tout le monde était persuadé qu’il valait mieux conserver le plus longtemps possible le personnel qualifié dans l’entreprise plutôt que de le renvoyer pour le rappeler plus tard », indique-t-on à la Fondation syndicale Hans-Böckler. Fin 2008, le Parti libéral abandonne son opposition et l’exécutif étend les mesures de chômage partiel à douze mois au lieu de six, avec 67 % du salaire brut pris en charge par l’Agence pour l’emploi, qui avait accumulé des excédents. En outre, les entreprises se voient incitées à envoyer leurs salariés en formation pendant cette période de sous-activité, le gouvernement fédéral finançant leurs cotisations sociales.

Pour la seule année 2009, 1,4 million de salariés sont concernés par ces mesures. Un record. « À l’époque, je travaillais pour la société de travail temporaire Randstad. Je passais mon temps à négocier des mesures de chômage partiel avec les agences pour l’emploi. L’option formation a en revanche moins bien marché car les organismes n’étaient pas prêts à absorber une forte demande en aussi peu de temps », se souvient Alexander Spermann, directeur du département politique de l’emploi à l’Institut de recherches sur le travail.

Pour le reste, il souligne lui aussi les simplifications intervenues a posteriori : « Les instruments devenus redondants après la loi Hartz IV ont été supprimés, et l’aide sociale et l’allocation de chômage longue durée fusionnées. En outre, l’aide à la création des microentreprises a été fortement réduite et son accès conditionné à l’avis des conseillers de la BA. »

En 2011, une réforme structurelle du réseau des job centers est aussi lancée. Ces 414 centres de placement des chômeurs créés à l’époque Schröder sont, depuis, gérés soit par la BA (pour les trois quarts), soit par les communes. Mais plus par les deux, cette option s’étant vite révélée ingérable. « Plutôt que d’offrir tout de suite une formation aux chômeurs de longue durée, qui sont actuellement 1 million, on s’est rendu compte qu’il fallait auparavant régler certains de leurs problèmes psychologiques et sociaux. Sans quoi ils restent non réintégrables », note Alexander Spermann. Les réflexions s’orientent donc vers le développement d’un accompagnement social plus fin.

Auteur

  • Thomas Schnee