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Avec ou sans Lepaon, la CGT reste en crise

Actu | À suivre | publié le : 29.12.2014 | Stéphane Béchaux

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Avec ou sans Lepaon, la CGT reste en crise

Crédit photo Stéphane Béchaux

Le premier syndicat de France vit une terrible crise de leadership. Mais ses principales difficultés remontent aux années Thibault.

À la fin du mois, la CGT « fêtera » un bien triste anniversaire. Voilà en effet trois ans que la centrale syndicale se débat dans une crise interne sans précédent. Fin janvier 2012, c’est un Bernard Thibault serein qui lance le chantier de sa succession. Il écrit alors aux principaux dirigeants de la maison une lettre de quatre pages les exhortant à poursuivre sur la voie réformiste tracée par lui-même et son prédécesseur, Louis Viannet. La CGT « dispose d’un potentiel de cadres dirigeants […] et de l’unité nécessaire sur une démarche syndicale forgée sur plusieurs congrès qui doivent lui permettre d’appréhender ce changement avec sérénité, sans surdimensionner ce qui est en jeu », écrit le leader cheminot. On connaît la suite. Trois années de luttes internes fratricides, pendant lesquelles la confédération a vu s’entre-déchirer ses principaux dirigeants. Sans jamais se préoccuper de l’essentiel : la défense des salariés. Un comble à l’heure où l’Hexagone s’enfonce dans une crise économique et sociale à l’issue toujours très incertaine.

Hélas pour les cégétistes, le dénouement du « feuilleton Lepaon », promis lors du comité confédéral national du 13 janvier, ne signe en rien le début du renouveau. Car l’organisation syndicale ne manque pas tant d’un leader – un peu, quand même ! – que d’une ligne. Entre les nostalgiques du Grand Soir et les tenants du pragmatisme, la maison n’a pas tranché. Car elle n’a pas su renouveler son corpus doctrinal. « Notre concept de sécurité sociale professionnelle, que l’on porte depuis des années, est en soi prometteur. Mais encore faudrait-il le nourrir, le creuser. On en reste à des mots », déplore l’un des cadres de l’organisation. La faute non pas à Thierry Lepaon, trop mal élu pour porter une telle ambition. Mais à Bernard Thibault, qui, durant quatre mandats, n’a jamais mis l’énergie suffisante pour impulser cette réflexion. En panne d’idées et de projets, la CGT a laissé sa rivale cédétiste avancer ses pions.

L’autre drame de la centrale syndicale réside dans sa machinerie. Congrès après congrès, elle ne cesse de répéter qu’il lui faut repenser son organisation, obsolète, pour gagner en efficacité et en proximité avec les salariés. Un discours jamais mis en acte. Alors même que le diagnostic est officiellement posé depuis… six ans exactement ! Le 8 janvier 2009, au terme d’un audit commandé par Bernard Thibault, Louis Viannet dresse un état des lieux sanglant. « Fétichisme des structures », « rituels d’organisation », « vie routinière »… Le verdict est noir. « Nous sommes davantage présents là où les effectifs décroissent et faibles là où l’activité se développe […]. Il nous devient de plus en plus difficile, sauf à se payer de mots, de prétendre représenter l’ensemble des salariés », alerte l’ancien secrétaire général. Depuis, rien n’a bougé. « La syndicalisation, on en parle tous les trois ans, pendant la grand-messe. Mais ensuite, rien ne se passe. Il n’y a aucune impulsion », confirme l’un des permanents de Montreuil.

Percluse de conservatismes, la CGT n’a d’autre choix que de se réinventer. Au risque, sinon, de sombrer lentement. Début décembre, elle a certes sauvé les meubles lors des élections dans la fonction publique, en obtenant 23,1 % des voix (– 2,4 points). Mais elle voit clairement son avance sur ses poursuivants directs, CFDT (19,2 %) et FO (18,6 %), se réduire. Par ailleurs, la centrale ne peut plus compter sur les élections prud’homales, qui lui restaient jusqu’alors favorables, pour asseoir son statut de premier syndicat de France : le scrutin va disparaître avec la loi pour la « croissance et l’activité » d’Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie. Dans le secteur privé, l’organisation enregistre, enfin, des scores décevants. « On s’attend à voir la CFDT nous passer devant lors de la prochaine mesure d’audience, en 2017 », confie même un membre de son bureau confédéral. Une perspective que toute la CGT redoute.

Auteur

  • Stéphane Béchaux