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Allemagne : l’alternance en quête d’un second souffle

Actu | À suivre | publié le : 03.12.2014 | Manuel Jardinaud

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Allemagne : l’alternance en quête d’un second souffle

Crédit photo Manuel Jardinaud

La crainte d’une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée pousse l’État et les partenaires sociaux à prendre des mesures pour relancer l’apprentisage. Un défi majeur.

C’est le modèle cité en exemple par les politiques français lorsqu’ils parlent d’apprentissage. Le système dual allemand, fondé sur la formation en alternance en fin de scolarité, concerne la moitié des jeunes à partir de 15 ans. Il leur permet d’apprendre en entreprise et en école professionnelle un des 330 métiers, principalement dans l’industrie et le commerce, dont les référentiels sont homologués par les partenaires sociaux. Au total, près de 1,3 million de jeunes suivent actuellement une formation de ce type. Et 530 000 contrats d’apprentissage sont signés chaque année pour une durée de trois ans.

Sauf qu’on observe un essoufflement du système », selon Mario Patuzzi*, chef de division en matière de politique de formation professionnelle au DGB, la principale confédération syndicale allemande. Un constat confirmé par DBA, la grande confédération patronale, qui note des difficultés croissantes. « Entre 2003 et 2013, nous observons une baisse de 20 % du nombre d’élèves de fin de collège, principale cible des entreprises à la recherche d’apprentis, note Barbara Dorn, chef de la direction formation. Finalement, chaque année, au moins 30 000 places en apprentissage ne sont pas pourvues. » S’y ajoutent, selon le ministère de l’Économie, 21 000 jeunes qui ne trouvent pas de place dans une entreprise. Un problème de rencontre entre offre et demande qui s’accentue au fil des ans. Du bout des lèvres, Barbara Dorn reconnaît que l’Allemagne pourrait prochainement manquer de main-d’œuvre qualifiée, celle qui fait pourtant la force de son industrie.

En cause : une natalité toujours atone, des TPE et des PME qui forment de moins en moins, le développement de filiales de groupes internationaux avec une moindre culture de l’alternance et un déséquilibre régional concernant l’offre de formation. Sans oublier une évolution sociétale qui voit les bacheliers – dont 20 % sont captés par l’apprentissage – s’orienter en plus grand nombre vers l’université. Face à cette situation, l’État et les partenaires sociaux négocient une « nouvelle alliance » pour relancer la machine. Les trois parties espèrent conclure un accord avant la fin de l’année. Les pistes sont sur la table. D’abord, améliorer les passerelles entre la formation professionnelle et l’université, sachant qu’un quart des apprentis y sont passés auparavant. L’enjeu ? Amorcer le flux dans l’autre sens pour que les alternants puissent ensuite poursuivre dans le supérieur. À l’heure actuelle, 60 000 jeunes ont intégré des doubles cursus dans des métiers technologiques, informatiques ou scientifiques. Le DBA, ambitieux, souhaite atteindre 1 million en 2025.

Autre enjeu : aller chercher les « décrocheurs » du système scolaire, qui représentent environ 5 % d’une classe d’âge selon le ministère de l’Économie. Déjà, plus de 300 programmes de transition existent, offrant à ces publics une remise à niveau avant d’intégrer une formation. La « nouvelle alliance » souhaite mettre en place des coachs dédiés aux entreprises intégrant des jeunes en difficulté pour les accompagner dans leur insertion professionnelle et jouer un rôle de conseil auprès des employeurs. En outre, un programme de détection est envisagé dans le cadre d’une convention entre l’État et les Länder pour mieux orienter les élèves de 13-14 ans en difficulté vers la formation professionnelle ou des stages de transition. Enfin, un effort de communication, nouveau en Allemagne, viserait à valoriser les métiers manuels. Face à ce projet, le DGB promeut l’assignation d’objectifs quantitatifs aux entreprises, avec des taxes pour celles ne les atteignant pas. « Formez ou payez ! » dit le slogan de la centrale. Mais État et patronat rejettent fermement cette option. Outre-Rhin, la formation professionnelle des jeunes reste affaire de culture et non de contraintes.

* Les interlocuteurs cités ont été rencontrés lors d’un voyage d’étude à Berlin organisé par l’Association des journalistes de l’information sociale.

Auteur

  • Manuel Jardinaud