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Idées

Tabous et totems

Idées | Bloc-notes | publié le : 04.11.2014 | Catherine Barbaroux

Le règne des litanies

Il est curieux qu’en ce début de XXIe siècle réapparaissent en permanence dans le dialogue social des mots empruntés aux sociétés traditionnelles. Ce qui en dit long sur le ritualisme des débats. Concernant la controverse sur les 35 heures, le niveau du smic, les seuils sociaux ou la dégressivité des allocations chômage, avant même d’essayer d’analyser le fond, ce sont les termes « tabou » ou « totem » qui nourrissent les anathèmes que s’adressent les dirigeants politiques ou les négociateurs sociaux. Chacun agite ou assène des arguments parfois répétés depuis des décennies. Remède miracle ou atteinte mortelle au droit des travailleurs ? À force d’exagération dans tous les camps et dans tous les sens, on occulte les données objectives. Par exemple, les études de l’Insee qui relativisent, sans les nier complètement, les effets de la dégressivité des indemnités chômage sur la reprise d’emploi ; ou la complexité indiscutable de l’existence de multiples seuils d’effectifs sans pour autant que soit démontré un impact décisif sur la création d’emplois.

Ce qui frappe, c’est la récurrence de ces dialogues de sourds sur fond de défiance réciproque et d’impuissance collective. Il ne s’agit pas de nier qu’il existe des voies plus ou moins favorables aux entreprises ou aux salariés. Mais lorsque la crise entame sa septième année et que le chômage de masse s’est installé durablement, on pourrait espérer un peu plus d’audace, de nuance ou de modestie dans les affirmations des uns et des autres. Car, comme l’écrivait déjà Maurice Merleau-Ponty en 1947 en préface d’Humanisme et terreur, « aucun politique ne peut se flatter d’être innocent […] et le politique ne peut s’excuser sur l’imprévu ». Il est patent que ce qui est vrai pour la politique s’étend aussi à la démocratie sociale.

Le dialogue estun « plus »

Plusieurs études macroéconomiques et presque toutes les enquêtes et observatoires sociaux d’entreprises démontrent que le dialogue social n’est pas un handicap en termes de compétitivité, bien au contraire. Dans ces conditions, il est paradoxal que le patronat prône, d’un côté, la négociation de branche et d’entreprise pour adapter le droit social à la réalité du terrain. Mais que, de l’autre, il se refuse (au moins une partie d’entre ses représentants) à adapter ce dialogue social à la réalité des très petites entreprises et des territoires en améliorant la représentation des travailleurs. Or les trois quarts des sociétés de 11 à 20 salariés n’ont pas de délégué du personnel et près d’un tiers de celles de 50 à 100 salariés n’ont pas de comité d’entreprise. Le risque d’innover en ce domaine est pourtant balisé puisque l’artisanat, depuis un accord signé voilà plus de dix ans, en décembre 2001, expérimente avec succès des « commissions paritaires régionales interprofessionnelles ». Espérons que la CGPME, malgré la campagne de renouvellement de ses instances, osera « franchir le seuil » dans ce domaine comme dans d’autres.

Sept d’un coup

Et on pourrait ajouter, en prime, un prix Nobel d’économie, décerné le 13 octobre à Jean Tirole, le président de l’École d’économie de Toulouse. Il renforce les conclusions récentes du Fonds monétaire international qui plaçait sept Français parmi les 25 chercheurs qui façonnent « la manière dont nous pensons l’économie globale ». Hélas, une fois de plus se vérifie le vieil adage selon lequel « nul n’est prophète en son pays » !

Auteur

  • Catherine Barbaroux