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Recours à prestation :gare aux arnaques !

Dossier | publié le : 04.11.2014 | R. L. S.

Pour entrer dans les clous de l’Agefiph, et faute de compétences en interne, les entreprises sous-traitent souvent leur politique handicap. Mais il faut faire le tri parmi les services proposés.

Le comble. Une fausse entreprise adaptée a tenté de convaincre l’Association des paralysés de France (APF) d’acheter des fournitures prétendument préparées par des travailleurs handicapés, à un prix exorbitant. « Une équipe de commerciaux agressifs a essayé de toucher la corde sensible en m’appelant à trois reprises, en me disant que si je ne leur commandais pas des marchandises de bureau, de pauvres travailleurs handicapés allaient perdre leur travail », se souvient, encore choquée, Véronique Bustreel, conseillère nationale travail, emploi, formation et ressources à l’APF. En arguant une réduction de la cotisation Agefiph, ils pensaient avoir affaire à une entreprise lambda, et non à une association spécialiste dans le domaine. « Les ventilateurs étaient vendus cinq fois plus cher que ceux de la même marque trouvés sur Internet », se souvient Véronique Bustreel, qui s’est empressée de dénoncer la soi-disant entreprise adaptée à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).

Esat ou entreprise bidon

Même anecdote racontée par Michaël Leclair, directeur d’un établissement et services d’aide par le travail (Esat). « Ces imposteurs jouent sur la réactivité émotionnelle du client, l’incitent à faire une bonne action… Il y a de quoi se faire berner et acheter cinq à dix fois le prix, assure-t-il. Cela nous fait une mauvaise publicité ; il est difficile pour nos équipes commerciales de passer derrière. » Un manifeste inter associatif « pour la déontologie des pratiques et démarches commerciales au nom des Esat et entreprises adaptées » a même été signé par les principaux acteurs du secteur en septembre 2013.

L’arnaque est si courante que, depuis deux ans, l’Agefiph a déposé une quinzaine de plaintes à l’encontre d’Esat ou d’entreprises adaptées bidon. Les spécialistes du secteur conseillent aux entreprises de contacter l’APF, l’Union nationale des entreprises adaptées (Unea), le Gesat (Groupement des Esat et entreprises adaptées) ou Handeco pour s’assurer que le prestataire est connu de leurs services. Et de demander à l’entreprise le bordereau avec le numéro d’agrément ainsi que le niveau de réduction de la taxe Agefiph de la prestation.

Quoi qu’il en soit, ils préconisent souvent d’éviter les achats de fournitures, même si elles sont préparées par de véritables Esat ou entreprises adaptées. « Une entreprise a beau commander 10 000 ramettes de papier, le travail appelle seulement du reconditionnement. L’activité effective de la personne handicapée est faible », constate Véronique Bustreel, de l’APF. Sous-traiter une activité de blanchisserie ou d’imprimerie, par exemple, est bien plus « rentable » que l’achat de fournitures pour la déclaration. « Le taux de main-d’œuvre est davantage valable pour l’entretien des espaces verts, le nettoyage, les centres d’appels », indique quant à elle Fadélah Benouaret, responsable du réseau économique à l’Unea. Mais les entreprises ne savent pas forcément comment s’y prendre et l’Agefiph reste leur principale référence. Or « il y a un dysfonctionnement de forme, lourd d’impact cependant, dans la communication de priorisation de l’Agefiph à faire travailler les Esat et les entreprises adaptées : l’achat de fournitures apparaît toujours en premier sur leur liste, alors que la collaboration peut également se formaliser via un contrat de sous-traitance ou une mise à disposition de personnel », rappelle lui aussi Michaël Leclair.

Une liste peu fiable de prestataires

En dehors du recours aux entreprises adaptées ou aux Esat, quand les employeurs souhaitent externaliser leur politique de maintien dans l’emploi de leurs propres collaborateurs faute de compétences en interne, il n’est pas non plus évident de choisir un intervenant. Les entreprises ont naturellement tendance à se fier à la liste des prestataires inscrits dans l’annuaire en ligne sur le site de l’Agefiph. Pourtant, « on y trouve tout et n’importe quoi », s’indigne Olivier Grootenboer, qui dirige le cabinet Alcandre, dans les Hauts-de-Seine. En effet, la liste n’est pas gage de qualité, puisqu’il suffit aux entreprises de répondre à un cahier des charges et de remplir elles-mêmes une fiche de description. Y figure par exemple TH Partnerh, dirigé par Franck Moha. « Cela ne signifie pas que nous sommes mandatés par l’Agefiph, précise ce dernier. Elle ne privilégie pas un prestataire plutôt qu’un autre, elle ne se prononce pas. Mieux vaut se renseigner via les clubs RH et, surtout, rencontrer l’intervenant pour se faire une idée. »

« Nous avions pensé à une sorte de label, mais qui le décernerait ? interroge Véronique Bustreel, de l’APF. Cela relève de la responsabilité de l’État. » Et, selon Olivier Grootenboer, un label Agefiph ne représenterait pas une véritable garantie puisque « l’Agefiph étant à la fois organisme collecteur et vendeur de formations, juge et partie, il y a conflit d’intérêts ». Il ne reste plus qu’à compter sur la vigilance des entreprises et les contrôles a posteriori des Direccte.

Pour aider au maintien dans l’emploi des personnes handicapées déjà en poste et éviter les licenciements pour inaptitude, il existe dans chaque département un service d’appui au maintien dans l’emploi des personnes handicapées (Sameth) financé par l’Agefiph, en partie en fonction des résultats obtenus. Le service est gratuit pour toutes les entreprises privées et mis à disposition pour les établissements publics pour le compte du FIPHFP, le pendant de l’Agefiph pour la fonction publique. Il s’agit d’un cabinet spécialisé qui a remporté une procédure d’appel d’offres poussée lancée par l’Agefiph pour devenir le référent principal du handicap dans le département pendant trois ans. Même si, là aussi, les Sameth sont juges et parties, leur sérieux est reconnu dans le secteur et il n’est pas inutile de se renseigner auprès d’eux sur le choix des prestataires. Ils aident aussi les TPE et PME, essentiellement, à remplir leur déclaration Agefiph.

Faciliter les démarches pour les grandes entreprises

Pour informer et accompagner les plus grandes entreprises privées qui ont généralement signé des accords sur l’emploi des personnes handicapées les exonérant de la contribution Agefiph, un réseau de 97 Alther a été créé en 2010. Leur mission ? Simplifier leurs formalités d’accueil, de recrutement ou de maintien dans l’emploi de ces travailleurs. « Les Alther font l’objet d’un appel d’offres et appliquent une forme de démarche validée par l’Agefiph », précise Ghislaine Cristofoletti, chargée de communication de l’association. « La procédure d’appel d’offres est très complète, le profil des intervenants et les résultats obtenus sont pris en compte. L’Agefiph s’est professionnalisée depuis 2005. À présent, elle est dotée de garde-fous », estime Virginie Pierrat, chargée de mission à l’APC Nancy, qui a justement remporté pour quatre ans l’appel d’offres sur son territoire. Elle conseille les entreprises de contacter l’Alther local pour éviter « les nombreux consultants qui se contentent de préconisations bateau comme le fait de mettre en place une politique de maintien dans l’emploi alors que le type de travailleurs handicapés présents dans l’entreprise n’a pas encore été diagnostiqué, illustre-t-elle. Je n’ai pas de black list, mais je peux aider à assurer du sérieux ou non des consultants ».

Même si la plupart des très grandes entreprises sont dotées de responsables diversité ou handicap, il arrive aussi qu’elles recherchent des prestataires extérieurs pour pousser plus loin leur politique. Telle La Poste, qui a eu recours à Alyzo, un prestataire extérieur spécialiste du handicap psychique. Un cabinet créé avant que de multiples acteurs plus ou moins sérieux se positionnent sur le créneau une fois la loi de 2005 promulguée. Les cabinets historiques, eux, restent généralement des valeurs sûres.

441 millions d’euros, c’est le montant de la contribution collectée par l’Agefiph en 2013.

Auteur

  • R. L. S.