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La prévention du stress au point mort

À la une | publié le : 03.10.2014 | Éric Béal

Alors que la réforme va imposer aux personnels des réorganisations anxiogènes, peu de collectivités se sont attelées à la prévention des risques psychosociaux. Elles sont pourtant sommées de le faire d’ici à 2015.

Le travail au sein d’une collectivité territoriale n’est pas toujours une sinécure. En 2012 la Fédération générale autonome des fonctionnaires a publié un Livre blanc sur la souffrance au travail des fonctionnaires et agents publics. Elle y relevait notamment que, dans les collectivités territoriales, les principales sources de mal-être des fonctionnaires étaient le manque de reconnaissance, la pression des élus - qui demandent toujours plus avec moins de moyens -, la diminution de responsabilités et les mises au placard à la suite d’une alternance politique. Pas étonnant que certains syndicalistes s’inquiètent des retombées de la réforme territoriale à venir sur la santé des agents concernés. « À la Ville de Paris, l’organisation du travail n’est pas reconnue comme une source possible de risques psychosociaux (RPS). Les fusions et réorganisations qui accompagneront la création du Grand Paris ne sont pas considérées comme des éléments à prendre en compte dans la lutte contre ce fléau », note Agnès Dutrevis, de l’Ugict CGT des cadres et techniciens territoriaux de Paris.

Officiellement, pourtant, les choses avancent. Après la signature de l’accord-cadre du 22 octobre 2013 relatif à la prévention des RPS et une circulaire du Premier ministre publiée en mars 2014, les trois fonctions publiques doivent réaliser un diagnostic des facteurs de risques psycho­sociaux et proposer un plan d’actions de prévention « au plus tard en 2015 ». Mais le sujet est encore neuf et les retours d’expériences très parcellaires. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles des fonctions publiques n’ont pas encore répertorié les actions en cours. De leur côté, les élus ne semblent guère passionnés par le sujet. Ni l’Association des régions de France ni l’Assemblée des départements de France n’ont organisé de groupe de travail sur le thème.

PEU DE RÉALISATIONS. Globalement, les observateurs estiment que la plupart des collectivités territoriales n’ont pas encore pris d’initiative dans ce domaine. « La situation est très hétérogène car elle dépend de la volonté des responsables politiques. On peut cependant affirmer que, malgré la loi, la grande majorité des collectivités territoriales est loin de posséder les outils pour lutter contre les RPS », estime Mathilde Perdriel, directrice départementale au sein du CNFPT. Une opinion partagée par Philippe Vorkaufer, de la Fédération CGT des services publics. « Il y a pas mal de déclarations d’intention, mais très peu de réalisations concrètes, affirme le syndicaliste. C’est dommage, car la réforme des collectivités locales va inquiéter un bon nombre d’agents, ce qui augmentera le taux de RPS. » De son côté, Benoît Massin, du cabinet Le Facteur humain, a exécuté « beaucoup d’audits depuis 2009 qui, pour la plupart, n’ont débouché sur rien ». D’autres consultants affirment que nombre d’élus à la tête d’une collectivité territoriale se contentent de financer une formation pour sensibiliser leurs agents au problème sans pour autant investir dans un plan d’actions.

Pour autant, une minorité de collectivités a pris le problème à bras-le-corps. Depuis avril 2013, les 6 700 agents de Rhône-Alpes peuvent compter sur le dispositif Espere pour trouver à qui s’adresser en cas de stress ou de problème relationnel. Une cellule d’écoute, constituée à l’intérieur du service santé-prévention-médiation, répond à toute sollicitation individuelle en urgence afin de clarifier une situation et d’éviter l’isolement d’un agent en difficulté. Parallèlement, un médiateur interne et un psychologue externe peuvent intervenir lorsqu’une ambiance délétère s’est installée dans une équipe.

SENSIBILISATION ET FORMATION. Objectif : écouter, poser un diagnostic, le partager avec les agents et élaborer un plan d’actions avec l’aval de la ligne hiérarchique. « Aujourd’hui, nous avons un dispositif pragmatique et opérationnel. Parallèlement, nous avons commencé des actions de sensibilisation des agents aux risques psychosociaux et nous invitons les cadres, les acteurs de la filière RH et les élus des instances représentatives du personnel à se former sur le sujet », explique Irène Gazel, la directrice des relations et des ressources humaines du conseil régional de Rhône-Alpes. Et d’espérer qu’au moment de la future union avec l’Auvergne l’expérience accumulée permettra de gérer au mieux le stress des agents.

En Seine-Saint-Denis, les négociations au sein du comité d’hygiène et de sécurité ont démarré en 2010. « Notre dialogue social est intense sur les RPS, précise Frédéric Oyhanondo, directeur des relations sociales au conseil général. Nous avons choisi d’intervenir sur des services dans lesquels le taux de maladies professionnelles était important afin de limiter les conséquences des pathologies psychiques liées au travail. » De son côté, le conseil général de Haute-Savoie a envoyé un questionnaire à l’ensemble de ses agents en 2011. La moitié a répondu. Le plan d’actions met l’accent sur la formation des managers. « Ils étaient nombreux à ne pas faire de réunion de service et à laisser leurs agents sans explication ni information », avoue Anne-Marie Segade, la DRH. Les agents en difficulté ont également la possibilité de faire appel au service santé, social, prévention, rattaché à la DRH, où médecins, assistantes sociales et psychologues peuvent les écouter. « Pour faire connaître ce service, nous créons un référent management et santé au travail dans chaque direction, de manière à améliorer le lien avec les agents », précise Anne-Marie Segade.

Ailleurs, l’intérêt de mesures concrètes pour réduire les RPS est bien compris, mais le plan d’actions est à la traîne. En attendant de disposer d’une analyse externe basée sur un questionnaire destiné à ses 3 800 agents, Jean-Baptiste Fauroux, le directeur général des services de la région Aquitaine, s’appuie sur les alertes qu’il peut recevoir de la DRH, des syndicats ou du médecin du travail pour détecter les problèmes de stress dans ses services et « intervenir avant toute dérive ». Il met aussi l’accent sur la qualité du management :« Nos organisations administratives ont besoin de passer d’une logique de simple gestion du personnel à une véritable animation des ressources humaines. » Ce qui, à ses yeux, signifie que le recrutement des managers ne doit plus être exclusivement fondé sur des critères liés au savoir-faire technique, mais tenir compte des capacités à animer une équipe.

En Ile-de-France, un plan de prévention et des fiches d’actions ont été présentés en juin, à la suite de l’intervention du cabinet Technologia. La négociation avec les représentants du personnel a commencé en septembre et Isabelle Morel, la sous­directrice de l’action sociale, de la prévention et de la qualité de vie au travail, espère que les mesures concrètes seront en place en janvier 2015. Un peu juste pour faire face aux inquiétudes que suscitent déjà la création du Grand Paris et la suppression de la clause générale de compétence qui, en redistribuant les missions entre les collectivités, obligera beaucoup d’agents à changer de structure.

Auteur

  • Éric Béal