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La gestation douloureuse de la métropole de Lyon

À la une | publié le : 03.10.2014 | Anne Fairise

À six mois de sa création, la « vitrine » de la réforme territoriale a connu ses premiers soubresauts sociaux, sur les conditions de transfert et d’emploi. Un dossier toujours ouvert dans la collectivité décidée à maîtriser sa masse salariale.

Promis, juré, le 12 septembre, à 110 jours de la création de la métropole de Lyon, les 4 000 agents du conseil général du Rhône appelés à travailler sous la bannière de la nouvelle collectivité devaient, tous, connaître leur affectation… L’engagement pris par la communauté urbaine de Lyon, qui reprend les compétences sociales du conseil général du Rhône sur le territoire de 59 communes pour donner naissance à une collectivité taille XXL (8 700 agents) n’aura pas été complètement tenu. Mi-septembre, 160 agents ne savaient toujours pas où ils iraient bosser en janvier, aucun de leurs souhaits n’ayant été accepté. « Tous recevront de nouvelles propositions dans les dix jours », assurait Vincent Roberti, directeur général des services du Rhône, qui affichait sa sérénité et sa satisfaction. « Ce dispositif de mobilité n’avait jamais été expérimenté. Il a plutôt bien fonctionné, vu l’importance des effectifs concernés et le calendrier serré de mise en œuvre. »

L’inquiétude, pourtant, était à son comble à l’orée de l’été. L’intersyndicale CGT-CFDT-FO-CFTC du département a mobilisé sans mal parmi les 1 300 agents des fonctions support ou de services communs aux deux collectivités devant se repositionner dans des organigrammes remaniés. Et même parmi ceux qui n’étaient contraints à aucune mobilité, professionnelle ou géographique, par ce changement d’employeur : « Beaucoup sont inquiets de leurs futures conditions d’emploi », expliquait Agnès Brenaud, déléguée syndicale CFDT. Si les agents, protégés par le statut de la fonction publique, ont la garantie de conserver un poste correspondant à leur cadre d’emploi et à leur grade, rien de tel concernant les avantages non acquis, tel le temps de travail. Fin juin, la première proposition de la communauté urbaine a fait monter la tension, dans ses rangs et au département. Le minimum légal (1 607 heures par an) ? Une « provocation et en aucun cas une base de discussion », tonnait Jean-Marc Gruffaz, à la CGT de la communauté urbaine, où l’on travaille une semaine de moins. Le temps partiel accordé aux mères employées par le conseil général jusqu’aux 14 ans de leur enfant ? Ramené au minimum légal (trois ans) ; mais il y aura un délai de six mois pour ne pas chambouler les organisations familiales. De quoi alimenter cette mobilisation inédite de 700 agents (12 % des effectifs).

PREMIÈRE. Un coup de chaud préestival dont se serait bien passé le réformateur Gérard Collomb. Le maire PS de Lyon depuis 2001 et président de la communauté urbaine promet de faire de la métropole la vitrine de la réforme territoriale, par une organisation efficiente. Vitrine, elle l’a été d’emblée : c’est la seule métropole à avoir été initiée fin 2012 par consensus politique local, entre Gérard Collomb et le centriste Michel Mercier, à l’époque président du Rhône. Première à sortir de terre le 1er janvier prochain, elle vit avant l’heure les réorganisations que connaîtront Lille, Paris et Marseille d’ici à 2016. Mais d’exemplarité, il n’y en a pas eu en matière de mobilité, selon les syndicats. « Un délire total. À l’heure de faire leurs souhaits d’affectation, trop d’agents étaient dans le flou sur leurs futures missions ou leur localisation. Pourtant, nous demandons depuis des mois une répartition précise des postes et des effectifs par service », rappelle Laurence Margerit, de la CGT du Rhône. Pointés aussi ? Le stress de la poignée d’encadrants restés sans affectation, malgré la clôture de la procédure les concernant. La longue attente des 1 200 non-encadrants, qui auront patienté tout l’été, après avoir exprimé leurs vœux par informatique. Sans compter les mauvais aiguillages. « Une soixantaine d’erreurs dans le préfléchage informatique des propositions de postes ont été résolues », commentait Vincent Roberti, DGS du Rhône, pas surpris du débrayage du 2 juillet.

La semaine précédente, le 7 400, numéro d’assistance à la mobilité, avait été submergé par plus de 70 appels quotidiens. « Le malaise est compréhensible pour des agents de 43 ans en moyenne qui vivent une première mobilité forcée », soulignait la DRH Stéphanie Longueville. La CFDT l’explique surtout par un choix cornélien : « Les agents ont dû se prononcer entre un conseil général rétréci, qui peut disparaître en 2020, et la métropole, dont les fiches de postes ne précisaient ni le temps de travail ni la localisation ! »

Les intitulés de postes ont pu surprendre. « Il ne s’agit pas simplement d’adapter l’organisation de la communauté urbaine. Nous sommes repartis d’une feuille blanche pour créer une administration originale mettant en synergie les politiques publiques », précise Lise Fournot-Bogey, DRH de la communauté urbaine. Autre difficulté de ce gigantesque Rubik’s Cube, 1 500 agents de la communauté urbaine devaient se repositionner.

Surtout, l’organigramme a été pensé au plus restreint. « Les directions ont fait leur copie sans savoir de combien d’agents précisément elles disposeront », déplore un cadre de la communauté urbaine. La faute au douloureux partage des effectifs entre la métropole et le département, limité demain à ses territoires ruraux, qui espérait conserver 1 800 postes (en équivalent temps plein). « Selon le benchmark auprès de conseils généraux sur un territoire équivalent, le nombre de postes minimal fluctue de 2 700 à 1 800. Il n’y a pas de modèle. Nous avions opté pour la rationalisation », précise Vincent Roberti, qui a dû rabattre encore ses propositions, à 1 670 postes. Car la métropole est sortie grande gagnante, obtenant 70,1 % des troupes du conseil général, après un mois de réunions entre les deux cabinets et les DRH et l’arbitrage des présidents sur l’affectation des 80 derniers postes en juin ! Obligeant certains travailleurs sociaux à revoir leurs demandes…

À entendre Lise Fournot-Bogey, ces couacs sont inévitables : « C’est une collectivité inédite, par sa dimension et les dix-huit mois impartis pour la mise en œuvre ! La priorité est d’être en ordre de marche au 1er janvier pour assurer la continuité du service. Les agents doivent accepter que tout ne soit pas fait au millimètre près. » Reste que la validation de ce premier organigramme évolutif, élaboré en six mois, a été tardive : il a fallu attendre, après les municipales, que les nouveaux élus communautaires se prononcent. Et rien n’est figé : il y aura « une évolution profonde des modes de fonctionnement d’ici à 2017 », annoncent déjà les élus, qui veulent territorialiser l’organisation. Autant dire une source d’inquiétude pour les agents de la communauté urbaine.

RIEN QUE LA LOI. Il y en a d’autres, alors que s’engage la course contre la montre pour bâtir les règles métropolitaines (temps de travail, protection sociale, droit syndical, régime indemnitaire). Comme l’avait annoncé Gérard Collomb en juin face aux 11 syndicats des deux collectivités, la ligne de conduite, c’est le respect des textes et la maîtrise budgétaire, sans hausse de la masse salariale. Fin septembre, lors de la reprise des négociations « temps de travail », le front syndical pour réclamer une harmonisation par le haut des régimes (les 1 571 heures de la communauté urbaine et les possibilités d’aménagement horaire du Rhône) s’attendait à se heurter à un mur. « La direction veut faire céder les syndicats sur leur exigence d’un statut unique pour les agents métropolitains, quelle que soit leur provenance : communauté urbaine, département ou embauche extérieure. Elle veut la coexistence de trois régimes et fera des économies avec le non-remplacement des départs en retraite ou leur remplacement sur un régime moins avantageux », pronostiquait un syndicaliste. « L’harmonisation au mieux-disant des régimes, sur tous les sujets, coûterait 20 millions d’euros supplémentaires par an. L’équivalent de 500 postes. C’est impossible », martèle Lise Fournot-Bogey, la DRH, qui n’exclut pas de possibles convergences après, « sur les bas salaires ou entre les filières ».

Insuffisant pour la CFE-CGC de la communauté urbaine, qui réclame une remise à plat des pratiques et « la fin des traitements différenciés selon les catégories professionnelles ». En ligne de mire, la dérive des heures supplémentaires à la direction de la propreté (42 % des effectifs), déjà dans le collimateur de la chambre régionale des comptes. L’équivalent, en 2009, de 91 emplois. « Elles sont liées à une mauvaise organisation sur le terrain : certains sont en repos le samedi et travaillent le dimanche », maugrée un cadre. Difficile à tolérer à l’heure de la rigueur. Gérard Collomb, le président de la future métropole de Lyon, n’a pas fini d’être interpellé.

Repères

Effective au 1er janvier, la création de la métropole de Lyon est issue de l’absorption par la communauté urbaine de Lyon des services du conseil général du Rhône situés sur son territoire. Elle s’accompagne du transfert de 3 962 postes (en équivalent temps plein) du département. Rétréci sur son territoire rural, il conserve 1 670 postes.

Auteur

  • Anne Fairise