Lassé de faire des livres pour expliquer ce qu’il faudrait réformer pour que nos concitoyens sortent de leur morosité, Jean Peyrelevade s’est demandé pourquoi les économistes prêchent dans le désert depuis tant d’années. Nous sommes plutôt bien lotis en experts de toutes sortes, mais nos performances ne cessent de se dégrader. À l’origine de cette « névrose » française, estime l’ancien patron du Crédit lyonnais, il y a une étrange absence : celle de l’économie dans les textes fondateurs de la France moderne. Toutes nos Constitutions ont repris la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui est une construction intellectuelle antientreprise. Elle définit la préférence française pour l’égalité à travers son illustrissime article 1 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » Ce texte fondateur présente en modèle une « société à dominante administrative, bureaucratique, mandarinale ».

En revanche, presque aucun des textes constitutionnels ne fait référence à l’économie de marché. Le préambule de 1946 fonde notre système de protection sociale, garantit le droit d’avoir un emploi, sans dire qui va assurer que ce soit le cas, ni comment. Le « contre-pouvoir social » est inscrit dans la Constitution alors que, curieusement, le pouvoir économique y est superbement ignoré. La France a été très imprégnée par la vulgate marxiste, ce qui expliquerait, selon l’auteur, l’aveuglement persistant de la gauche face à l’économie. Sa préconisation serait de reconnaître enfin l’entreprise dans la Constitution. Bataille vaine pour le moment, reconnaît-il, mais « un grand combat d’idées n’est jamais inutile ».

Histoire d’une névrose, la France et son économie, Jean Peyrelevade.

Éditions Albin Michel. 224 pages, 18 euros