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Branle-bas de combat à la Caisse des dépôts !

Dossier | publié le : 03.09.2014 | V.G.-M.

Pour réussir le lancement du compte personnel de formation au 1er janvier 2015, la Caisse des dépôts et consignations a créé une task force d’une vingtaine de personnes. Elle doit concevoir le système d’information du CPF en lien avec tous ses acteurs.

C’est une course contre la montre qui est engagée pour que tout soit prêt au 1er janvier 2015, mais tout le monde est motivé pour y parvenir », déclarait en juin Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). La Caisse des dépôts et consignations (CDC) tiendra-t-elle les délais ? Cette question occupe tous les débats sur la réforme de la formation professionnelle depuis que la loi du 5 mars 2014 a confié à cet organisme public la gestion des futurs comptes personnels de formation (CPF) de quelque 25 millions d’actifs. En moins d’une année, la CDC doit concevoir un traitement automatisé de données à caractère personnel baptisé SI-CPF pour « système d’information du compte personnel de formation ».Un chantier titanesque qui a commencé au printemps dernier, avant même que n’ait été publié le décret qui doit fixer les modalités de sa mise en œuvre après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Dans les couloirs de la CDC, maître d’ouvrage délégué, les responsables du projet vibrionnent en tous sens. « Les délais sont serrés mais nous sommes raisonnablement confiants », indiquaient avant l’été Charles-Henry Ronzeaud, directeur du projet CPF à la CDC, et Vincent Delsart, directeur du développement et des relations institutionnelles. Pas moins de 20 personnes, dont de nombreux informaticiens, sont mobilisées sur ce chantier. Pour aller vite, la CDC s’inspire du système de gestion de l’Ircantec, le régime de retraite complémentaire par points qu’elle gère. Le projet CPF est d’ailleurs piloté par la direction des retraites et de la solidarité.

L’optimisme est également de mise à la DGEFP qui a la maîtrise d’ouvrage stratégique du projet (élaboration des textes, traitement des questions juridiques…). Elle prévoit cependant de ne communiquer sur le CPF auprès du grand public qu’au premier trimestre 2015, pour laisser aux entreprises et aux différents acteurs concernés (Opca, régions, Pôle emploi, opérateurs du conseil en évolution professionnelle…) le temps de s’en emparer. Le fiasco du dossier médical personnel est encore dans les mémoires…

Le SI-CPF sera géré pour le compte de tiers : l’État, les régions, les partenaires sociaux qui font les choix politiques. Les derniers arbitrages s’effectuent parallèlement à la création du système, au sein du comité de pilotage réunissant la DGEFP, les partenaires sociaux et l’Association des régions de France, et au sein du groupe quadripartite sur le compte personnel de formation. Des ateliers de travail mis en place en juin par la DGEFP se poursuivent également cet automne. Trois sous-groupes « salariés », « jeunes, entrant sur le marché du travail, demandeurs d’emploi » et « offres de services » planchent tous les quinze jours sur l’identification des besoins des différents intervenants dans le cadre du CPF. Et ils sont très nombreux : salariés, employeurs, Opca et Fongecif, régions, Pôle emploi, Cap emploi, Agefiph, Apec, missions locales, Éducation nationale… Des « cas d’usage » sont élaborés avec ces acteurs, notamment des DRH, en fonction de la situation du titulaire vis-à-vis de l’emploi et de la motivation le conduisant à la formation.

SIRH et SI-CPF : quelle articulation ?

Malgré ce branle-bas de combat général, les points d’ombre sont encore nombreux sur la mise en œuvre du CPF. Cet été, chaque question formulée par un DRH ou un responsable de formation en déclenchait une autre… « Comment s’effectuera l’articulation de notre système d’information des ressources humaines (SIRH) avec le SI-CPF ? » s’interrogeait ainsi Bruno Pavie, DRH de NGE, un groupe français de travaux publics. « Comment seront gérés les flux d’informations entre les acteurs (salariés, entreprises, Opca, CDC…) ? Quelles seront la nature et la fréquence des données transmises par l’entreprise ? Qui gérera les éventuelles anomalies enregistrées sur le compte et les réclamations des titulaires qui ne seraient pas d’accord avec le nombre d’heures inscrites ? »

L’autre sujet qui taraude les entreprises depuis l’annonce de la loi concerne la période transitoire qui va s’ouvrir au 1er janvier 2015 pour l’utilisation dans le cadre du CPF des heures acquises au titre du droit individuel à la formation (DIF). Une période qui s’étalera jusqu’au 1er janvier 2021. « Les entreprises vont-elles continuer à gérer des compteurs DIF ou y aura-t-il deux compteurs distincts ? Comment s’effectuera le suivi du DIF des salariés quittant l’entreprise si cette dernière doit gérer ces compteurs ? » se demandait Tatiana Meunier-Audap, responsable alternance et professionnalisation à La Poste et vice-présidente du Groupement des acteurs et responsables de la formation (Garf). Et le flot de questions ne semble pas encore sur le point de se tarir. Car les entreprises s’interrogent aussi sur la capacité de la CDC à gérer les spécificités des branches professionnelles qui pourront chacune abonder ou fixer des priorités dans l’utilisation du CPF. Elles souhaitent également savoir qui gérera les abondements correctifs qui seront accordés aux salariés dont l’employeur n’aura pas rempli ses obligations liées à l’entretien professionnel. Au début de l’été, ces questions n’étaient pas encore réglées. Du coup, pour anticiper un démarrage chaotique du CPF et faciliter la transition post-DIF, certaines entreprises prennent les devants là où elles le peuvent. Comme NGE. Le groupe de travaux publics incite ceux qui ont un projet personnel et professionnel clairement défini à utiliser leurs heures de DIF avant la fin 2014.

Les trois vagues de décrets et arrêtés qui étaient annoncées pour juillet et pour cette rentrée de septembre devraient clarifier la plupart de ces questions. Mais, d’ores et déjà, la CDC répond qu’elle s’attache à ce que la gestion des comptes ne crée pas de travail supplémentaire pour les entreprises. « Elle s’appuiera sur les mécanismes existants », précise Charles-Henry Ronzeaud. Le transfert d’informations de l’entreprise vers la Caisse des dépôts s’effectuera en 2015 via la déclaration annuelle des données sociales (Dads) et, à compter de 2016, tous les mois via la nouvelle déclaration sociale nominative (DSN). Pour les salariés à temps complet, le cadre général de l’alimentation du CPF semble assez clair (vingt-quatre heures créditées par an jusqu’à cent vingt heures, puis douze heures par an dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures). Ce qui ne l’est pas pour les salariés à temps partiel, ceux exerçant des activités multiples ou qui ne sont pas rémunérés au temps travaillé, comme les journalistes pigistes payés au feuillet. Le casse-tête de ces cas spécifiques devra pourtant être réglé avant la fin de l’année.

Le compte géré par son titulaire

Pour faciliter les relations avec les entreprises, la Caisse des dépôts et consignations entend s’appuyer sur les acteurs de la formation professionnelle (Pôle emploi, Opca, Fongecif, régions…). « Ce sont eux qui connaissent leurs besoins de formation, les priorités des branches et des régions. La mise en œuvre du CPF devrait contribuer à renforcer leurs missions », note Vincent Delsart. L’Opca pourra ainsi conseiller une entreprise dans sa politique d’abondement des comptes qui seront mobilisés par des salariés. Car le CPF ne pourra être activé que par son titulaire, qu’il soit salarié ou demandeur d’emploi, rappelle la CDC.

L’une de ses missions va donc consister à faciliter l’accès gratuit des titulaires à leur compte, à partir de son portail. A priori, l’accès à l’espace personnel devrait s’effectuer via le numéro d’inscription au répertoire de l’Insee (NIR), c’est-à-dire le numéro de Sécurité sociale. On y trouvera le stock d’heures acquises au titre du CPF, le reliquat des droits au DIF, un historique de son parcours de formation dans le cadre du CPF, le passeport orientation et formation et le livret de compétences qui sont mentionnés dans la loi. C’est également via ce service dématérialisé que les personnes trouveront des informations sur les listes de certifications éligibles au CPF et sur les abondements complémentaires susceptibles d’être sollicités.

Pour ce qui est des listes éligibles, la mission de la CDC s’arrête là. Elle récupérera les listes élaborées par les partenaires sociaux avec les régions et l’État, mais ce sont eux qui les mettront à jour. En revanche, la CDC sera chargée de faire évoluer ce système d’information dont on connaît déjà les développements futurs : son articulation avec le compte pénibilité dans un premier temps et, à terme, la prise en compte de nouveaux publics (indépendants, agents publics) pour faire du CPF un droit universel à la formation. Un chantier titanesque peut en cacher bien d’autres…

Auteur

  • V.G.-M.